Interview de Alexandra  Van Gyseghem : Responsable gestion crédit euro à haut rendement chez Amundi et gérante du fonds Amundi Crédit euro

Alexandra Van Gyseghem

Responsable gestion crédit euro à haut rendement chez Amundi et gérante du fonds Amundi Crédit euro

Les banques représentent entre 50% et 55% des encours de notre fonds

Publié le 02 Mai 2017

En quoi consiste la thématique de votre fonds ? En quoi présente-t-elle un intérêt dans l'environnement actuel ?
Le fonds est spécialisé dans les obligations d’entreprises émises en euro. Il recouvre un intérêt en ce que dans le contexte actuel, les taux souverains européens, notamment les taux français, sont très bas et que les titres de dette des entreprises en euro peuvent offrir un surplus de rendement non négligeable avec une certaine sécurité dès lors que les émetteurs sont de grandes entreprises qui présentent une bonne solidité financière.

Quel est votre univers d'investissement ?

L’univers dépasse les 1500 milliards d’euros. Il réunit des émetteurs de diverses zones géographiques ; l’Europe mais aussi les Etats-Unis, les pays émergents. Le segment de marché jouit de ce fait d’une importante liquidité. Ce d’autant plus que certaines entreprises sont émettrices de plusieurs souches d’obligations correspondant à différentes maturités.

Quelle est la maturité moyenne du fonds ?
Elle se situe autour de 5 ans. Traditionnellement le marché de la dette en euro est plus court que le marché de la dette en dollar dans lequel évoluent de grands fonds de pension qui ont un impératif de gestion actif-passif plus accentué. Les maturités vont généralement de 5 à 8 ans sur le marché du crédit en euro contre 10 à 30 ans sur le marché du crédit en dollar.

Quels critères spécifiques caractérise cet univers ?

Une présélection se joue sur le rating. Nous sommes positionnés essentiellement sur l’investment grade qui va du AAA au BBB-. Nous avons droit d’inclure du high yield, plutôt BB, jusqu’à 5% des encours du fonds.

Nous considérons un rating médian donné par les agences de notation et le rating implicite du marché.
Nos analystes s’efforcent de déterminer si le rating officiel de l’entreprise est en ligne avec le rating établi en interne.

En quoi consiste brièvement votre processus d'investissement ?

Nous avons une approche bottom up et top down. Nous commençons par évaluer si la classe d’actifs est bien valorisée. Notre benchmark est le Barclays aggregate euro corporate. Nous déterminons notre pondération par rapport à cet indice selon quatre critères. Tout d’abord l’environnement macroéconomique. Le crédit a tendance à bien se comporter dans un contexte de croissance moyenne. Une trop forte croissance peut induire une politique monétaire moins accommodante des banques centrales et entrainer une trop forte remontée des taux défavorable à la classe d’actifs. A l’inverse, une récession est susceptible de provoquer une série de défauts dans le segment du haut rendement qui pourrait par effet de contagion avoir une répercussion négative dans l’investment grade.
Nous tenons compte ensuite des fondamentaux microéconomiques sur un plan sectoriel - l’évolution des résultats, le niveau d’endettement. Tous les secteurs ne supportent pas le même ratio d’endettement. Pour le secteur de la consommation courante, ou celui du tabac, par exemple, la tolérance des agences de notation vis-à-vis d’un ratio d’endettement élevé est plus important car la capacité de génération de cash est plus forte et le deleveraging plus facile.
Un troisième facteur influent est celui de la valorisation passée et de la valorisation relative. Elle nous permet de jauger de l’état de la valorisation présente.
Un dernier point concerne la configuration technique, autrement dit les flux. L’idée est d’apprécier l’adéquation offre-demande en fonction du dynamisme du marché primaire et de l’appétit des investisseurs pour la classe d’actifs. La BCE est aujourd’hui un acheteur marginal significatif sur le marché qui change un peu la donne sur le front technique.
De ces quatre critères est dégagé un beta, que nous répartissons entre les différents secteurs.
Nous sélectionnons les noms qui nous paraissent les plus pertinents à avoir dans les différents secteurs puis nous choisissons la partie de la courbe qui revêt le plus d’intérêt en termes de ratio risque/rendement.

En quoi se distingue votre processus d’investissement ?

Ce qui distingue notre processus c’est l’équipe de gestion. Nous sommes sur le secteur depuis 1999. Nous avons réussi à traverser les crises en gardant constamment ouvert le fonds tout en cherchant à adapter notre processus de gestion.

Vous distinguez sur le plan sectoriel deux grands ensembles, les financières et les non financières…

En effet. Nous avons une vision très constructive sur les financières depuis le début de l’année que ce soit le senior, le lower tier 2, l’additionnal tier 1. L’amélioration de la toile de fond macroéconomique qui suppose une repentification de la courbe des taux est propice aux banques. En outre, les profits dégagés par les grandes institutions sont en progression et les ratios de capital sont en hausse.
Les banques représentent entre 50% et 55% des encours du fonds. Nous avons à la fois des banques européennes et des banques américaines émettrices en euro. Notre pondération en termes de risque est plus substantielle pour les banques européennes car les banques américaines sont davantage friandes de la dette senior et que notre vue est plus positive sur les titres subordonnés.
Nous étions revenus neutres sur les banques françaises tout au long du premier trimestre dans la perspective des élections présidentielles. Leurs fondamentaux étant très bons, la levée de la prime de risque nous a poussé à augmenter notre exposition.

Comment expliquez-vous votre moindre appétit pour les obligations des entreprises non financières ?

Le stimulus apporté par le programme d’achat de la BCE depuis plusieurs mois pourrait bien perdre de sa vigueur d’ici la fin de l’année.
Au sein des entreprises non financières, nous apprécions les titres subordonnés qui présentent un taux de défaut analogue à celui des titres seniors mais avec un taux de recouvrement plus faible en cas de faillite. La prime de risque moyenne se situe au-dessus de 2%. Alors que ce sont de grandes sociétés qui ont peu de risque de faire défaut -Total, Volkswagen, Orange.

Sur quels secteurs êtes-vous le plus en alerte ?

Nous sommes prudents sur les entreprises des services aux collectivités.

Quid des sociétés pétrolières ?

Les sociétés européennes liées au pétrole sont plutôt bien notées entre A et A- contrairement aux sociétés américaines. Un baril à 50 dollars malgré la vigueur de la production pétrolière américaine reste encore un niveau confortable pour les grands émetteurs européens. Ce d’autant plus qu’il y a une forte capacité à couper les couts et à maintenir un ratio d’endettement élevé.
Un fléchissement du cours du pétrole en deçà de ce seuil qui mettrait à mal d’autres opérateurs américains pourrait nous amener à nous interroger sur notre positionnement sur les opérateurs européens.
Nous avons un plus grand engouement pour les titres hybrides qui offrent plus de rendement avec un risque limité.
En termes de valorisation, le gros du rattrapage ayant été fait, il n’y a pas de surpondération du secteur en conséquence.

Quelques commentaires sur la performance passée du fonds ?

Le fonds a un bon track record historique. Depuis le début de l’année nos choix d’investissement ont payé. Nous sommes en surperformance par rapport à notre indice de référence.

Que pouvez-vous nous dire en ce qui concerne la concentration et la rotation du portefeuille ?

Le portefeuille se constitue de 200 titres pour diluer le risque.
La rotation (autour de 100%) est assez élevée dans la mesure où nous nous efforçons de capter au mieux la prime offerte par l’émetteur sur le marché primaire.

Quels principaux risques identifiez-vous présentement pour votre univers d'investissement ?

Une mauvaise perception de la politique BCE quant à un resserrement plus rapide de la politique monétaire provoquerait des tensions sur le marché. Une déception sur le programme de réformes de Donald Trump qui déclencherait une révision du scénario de croissance mondiale et un mouvement d’aversion pour tous les actifs risqués.

Propos recueillis par Imen Hazgui