Interview de Benjamin Liagre : Directeur général de Reponse

Benjamin Liagre

Directeur général de Reponse

Nous avons pour ambition, d’ici à 2-4 ans, d’atteindre 7% de résultat d’exploitation avec un chiffre d’affaires autour de 130-150 millions d’euros.

Publié le 26 Novembre 2007

Pourriez-vous nous présenter votre entreprise ?
Reponse est une société de conseil et d’ingénierie en aménagement d’espaces. Notre volonté est de travailler et d’accompagner nos clients, qui sont principalement des grands comptes, dans le déploiement de leur réseau. Nous souhaitons devenir un acteur global permettant à la fois de leur venir en aide pour définir leur projet d’implantation, et de piloter l’implantation de leurs différentes agences, boutiques ou centres commerciaux…

Nous faisons du conseil et de l’ingénierie, c’est-à-dire que, à partir du moment où une chaîne a un concept qui n’est pas fait par nous, mais par un designer ou un architecte, nous assurons pour le compte de nos clients le déploiement de ce concept sur l’ensemble du réseau. Si le conseil en amont (études de faisabilité etc.) que nous fournissons aboutit à la validation du projet par le client, nous nous occupons ensuite de son pilotage : nous faisons alors appel à un certain nombre d’entreprises localement trouvées, pour réaliser les travaux (peintures, électricité etc.). Ces prestations ne sont donc pas intégrées, elles sont toutes sous-traitées. Exceptés deux petits ateliers de menuiserie et une qinziane de poseurs intégrés, nous ne disposons pas d’ouvriers, nous sommes une société de services composée d’architectes, d’ingénieurs, de métreurs et dessinateurs et de techniciens intégrant des bureaux d’études et de pilotages.

L’intérêt de notre métier est multiple : d’abord, travailler avec de grands groupes nous permet d’avoir des interlocuteurs qui ont compris l’intérêt d’externaliser ces fonctions auprès d’acteurs spécialisés tels que nous le sommes. Par ailleurs, lorsque l’on travaille sur des réseaux ; si en début de collaboration il existe une nécessaire compréhension mutuelle des attentes, le fait de travailler avec un même client en année 2, 3, 4 etc., quand vous faites la dixième agence France Télécom par exemple,  c’est que vous vous êtes à priori compris avec votre client, ce qui évite tout aléas. Ensuite, vous connaissez de facto les points sensibles et vous évitez les risques inhérents à une opération unique.Enfin, en travaillant sur la démultiplication d’opérations de taille moyenne, entre 300 et 500 000 euros, vous travaillez sur des opérations financièrement maîtrisables à l’inverse d’opérations de prestige.

Nos clients sont à la fois des acteurs du retail -restaurants et magasins à thème-, des gens du secteur bancaire, des assurances et des services, et des centres commerciaux. L’ensemble de ces activités dites de réseaux représentent 85% de notre chiffre d’affaires. Nous sommes par ailleurs très présents en France et en Italie ; 2/3 de notre chiffre d’affaires étant réalisés en France et 1/3 en Italie. Notre entreprise compte aujourd’hui environ 280 personnes.

Comment se compose votre portefeuille de clients ? En termes de chiffre d’affaires, que représentent-ils ?
Nous comptons aujourd’hui une quinzaine de clients importants, c’est-à-dire qui représentent entre 2 et 10 millions d’euros. Pour 2 millions d’euros nous nous occupons du mobilier, à travers le monde, mais principalement en Europe qui est notre zone d’activité de prédilection. Pour 10 millions d’euros, nous réalisons plutôt des opérations «clef en main», mobilier et coque ou mobilier sans coque ; dans ce cas, il faut nécessairement un réseau de sous-traitance de proximité, et nous travaillons principalement sur l’Europe du sud, essentiellement en France, en Italie, en Suisse et un peu en Espagne/Portugal.

Suivant cette configuration, nos clients sont, en termes retail, des entreprises comme Benetton, Celio, C&A, en restauration, nous avons des sociétés comme le groupe Flo, la Criée ou encore Illy Caffé et Nespresso ; nous avons également des clients comme Golden Lady, Courir, Céline ou Versace, donc des clients autant français qu’italiens. Dans les assurances et les banques, nous avons la Banque Populaire, le Crédit Agricole, La Poste, la Maif, Le Crédit Immobilier de France, donc des entreprises qui ont un parc important d’agences… En termes de centres commerciaux, nous travaillons plutôt pour des indépendants du type Leclerc, Intermarché, SystèmeU…

Pour l’essentiel, les 15 plus gros clients de Réponse représentent environ 50% du chiffre d’affaires. Notre idée à moyenne échéance, d’ici à 2-3 ans, est de croître à travers la prise de nouveaux clients majeurs, principalement des grands comptes, tout en gagnant des parts de marché auprès de nos clients actuels dans la mesure où il reste encore des possibilités. Celio nous a ainsi proposé de les accompagner dans leur développement en Italie... Nous essayons donc d’étendre nos offres à la fois dans leur propre organisation, ou dans différents pays dans lesquels ils se développent eux-mêmes. Ainsi, pour le groupe Flo, nous étions un prestataire important d’Hippotamus, nous rentrons aujourd’hui dans l’ouverture de leur nouvelle chaîne, TablaPizza…

Il y a donc toute une évolution à l’intérieur des organisations que nous essayons de suivre, pour accompagner au plus près la croissance de nos clients.

Comment se construit votre revenu ? Disposez-vous d’un carnet de commandes sur le long terme ?
Nous vivons de deux choses : l’entretien et la rénovation du parc -la durée de vie moyenne d’un magasin est comprise entre 4 et 6 ans, et pour une agence bancaire, entre 7 et 10 ans. C’est notre métier au quotidien et c’est pourquoi nous collaborons en priorité avec de grands comptes, ceux-ci rénovant en permanence leur parc.

Et nous travaillons d’autre part sur les développements des entreprises -en interne, à l’international etc.- comme ce fut le cas récemment avec le groupe Célio qui a racheté Jennyfer, et à qui nous avons proposé nos services étant donnée que nous travaillons déjà avec eux.

Nous vivons donc à la fois de la gestion et de l’entretien du parc, mais également de l’accompagnement de la croissance de nos clients. Ainsi, Hyppo qui avait un concept principalement « centre ville » a décidé depuis 2 ans d’attaquer les périphéries des villes avec des bâtiments solos…

Nous travaillons donc sur plusieurs canaux de développement. Pour autant, nous n’avons pas de carnet de commandes à long terme, puisque pour chacun de nos clients, il y a une phase, plus ou moins formalisée, d’étude et de référencement - dans le cas de La Poste c’est assez formalisé puisqu’elle a une obligation de marchés publics dans le référencement des entreprises. Cette phase nous permet de déterminer si nous pouvons être compétitifs ou non selon les zones géographiques en France, parce que nous n’y avons pas d’entreprises qui pourraient nous accompagner. C’est pourquoi d’ailleurs, dans un souci d’amélioration de notre maillage national, nous avons ouvert il y a deux ans un bureau à Avignon, un autre à Pau, plus récemment à Nantes et demain en Alsace-Lorraine…
Parallèlement, dès l’instant où il y a une décision prise en amont pour que l’on réalise une étude de faisabilité, d’intérêt économique et financier etc., le client ne passe pas commande sur la réalisation du projet, du moins tant que cette étape d’étude n’est pas acquise.

Notre carnet de commandes, qui court à peu près sur 4-5 mois, ne comporte principalement que des opérations que nous réaliserons sur le prochain trimestre ou semestre. En résumé, tant que notre client n’a pas validé les phases d’études en amont que nous faisons, il ne contracte pas avec nous pour la réalisation «clef en main» ou mobilier, activité qui représente le gros de notre chiffre d’affaires.

Certes, travailler avec de grands groupes nous permet de savoir ce qu’il projettent de faire l’année prochaine ;  néanmoins rien n’est encore signé. Ce fonctionnement permet une très grande souplesse, mais inversement, nous n’avons pas de réelle visibilité, même si les grands groupes ont généralement une activité pérenne…

Vous avez réalisé une importante restructuration de votre groupe il y a 3 ans environ, où en êtes-vous de cette réorganisation et quelles sont vos perspectives pour l’avenir ?
Notre groupe a plus de 20 ans et est coté à la bourse de Paris depuis 1998. Nous avons réalisé 4 augmentations de capital, deux qui avaient permis une croissance assez forte de 1998 à 2000-2001, et deux autres qui ont permis de redresser l’entreprise en 2004-2005.

Jusqu’en 2001, aidé aussi par une bonne dynamique et une capacité d’endettement importante, nous nous sommes écartés de notre strict métier historique pour aller concurrencer d’autres acteurs, avec l’appui de managers de sociétés que nous avions rachetées. Quand les choses ont commencé à moins bien se passer, à partir de 2001-2002, nous disposions de nombreux outils de production intégrés, et nous sommes donc retrouvés en difficultés, avec des dettes à rembourser, des managers qui nous avaient quittés, et des business models qui ne fonctionnaient plus.

En 2003, j’ai souhaité recentrer l’entreprise sur le métier que nous avions toujours bien fait, l’aménagement d’espaces réseaux… Nous avons donc réalisé des fermetures et des cessions d’actifs. Cette période a été assez pénible, mais une société de services doit s’adapter au marché et non l’inverse, c’était donc à nous de nous mettre en configuration. Finalement, nous sommes passés en deux ans de 110 millions d’euros de chiffre d’affaires à 50 millions d’euros, et de 450 personnes à moins de 200.

Heureusement, les banques nous ont accompagné, et nos actionnaires ont maintenu leur confiance, deux fois, en 2004 et 2005, parce que nous avons toujours été transparents et qu’ils voyaient que l’on se battait pour redresser la société.

Dès lors, en revenant sur notre cœur de métier que l’on maîtrisait parfaitement, et en nous orientant vers les grands comptes, nous sommes repartis très rapidement vers la croissance. En termes de résultats, nous avons retrouvé l’équilibre en 2005, et en 2006, nous avons enregistré une rentabilité d’exploitation importante de l’ordre de 3 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires qui tournait autour de 69 millions d’euros.

Pour l’exercice en cours, nous avons relevé deux fois nos objectifs. Notre stratégie orientée vers les grands comptes semble donc porter ses fruits.

Un commentaire sur les derniers résultats publiés par votre groupe ?
Nous avons relevé récemment nos objectifs et nous devrions réaliser cette année un chiffre d’affaires de 95 millions d’euros pour un résultat opérationnel courant de l’ordre de 4,5 millions d’euros.

Nous avons fait un bon premier semestre, avec un chiffre d’affaires en croissance de 57% même s’il convient de souligner qu’il y a des activités non récurrentes sur ce semestre.
Lors de ce premier semestre, nous avons dégagé 2,1 millions d’euros de ROC, et nous avons annoncé 4,5 millions d’euros pour la fin de l’année ;  nous prévoyons donc une progression encore plus importante sur le second semestre. Nous avons d’ailleurs pour ambition, d’ici à 2-4 ans, d’atteindre 7% de résultat d’exploitation avec un chiffre d’affaires qui devrait s’élever à terme autour de 130-150 millions d’euros. Pour atteindre cet objectif, nous allons continuer à développer notre portefeuille de grands clients. Nous projetons également de renforcer notre maillage en Italie, et nous allons investir en Espagne.

Pouvez-nous nous fournir quelques détails sur ces développements ? De quelle marge disposez-vous pour ces opérations ?
Aujourd’hui, le modèle est assez complet en France puisque nous faisons à la fois du retail, du bancaire et des centres commerciaux. En Italie au contraire, nous ne faisons que du retail, mais aucun aménagement bancaire. En Espagne, nous ne faisons qu’accompagner quelques clients, ce qui ne représente qu’1% de notre chiffre d’affaires.

En France, nous souhaitons compléter notre maillage, notamment dans l’Est, et continuer de croître en accompagnant davantage nos clients.

En Italie, où nos équipes sont assez occupées, notre volonté est d’entamer une croissance externe avec un acteur régional que l’on pourrait conduire à devenir un acteur national comme nous l’avons nous-mêmes fait en France. Par ailleurs, le marché bancaire italien se structurant énormément à l’heure actuelle, avec notamment beaucoup de banques françaises, nos perspectives de développement sont très encourageantes.

Quant à l’Espagne, que nous aborderons dans un second temps, nous envisageons aussi une croissance externe.
 
Notre modèle étant très sain aujourd’hui, le cash dégagé va nous permettre de nous désendetter. Nous devrions terminer l’année avec 8,5 millions d’euros de dette financière nette, ce qui signifie qu’en 2 ans nous devrions passer en trésorerie positive. D’ici là nous pouvons donc regarder des dossiers d’acquisitions de taille moyenne, notamment en Italie, et à l’horizon de 3 ans, nous serons en mesure de réaliser une opération plus importante en Espagne.

Quelle sera votre politique de dividendes cette année ?
Etant donnée notre volonté d’expansion, qui nécessite de conserver l’ensemble des ressources de l’entreprise, je ne proposerai pas de dividendes dans un premier temps.

Je pense que ce qui importe aux actionnaires, est d’abord la croissance et la pérennité de notre modèle qui permettront une vraie valorisation du cours. Nos priorités sont donc le désendettement et les investissements pour renforcer notre présence en Italie.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy