Interview de Jade  Berre : Responsable de conférences pour le salon Big Data & AI Paris

Jade Berre

Responsable de conférences pour le salon Big Data & AI Paris

13ème édition du Salon Big data & AI : cybersécurité, éthique, protection des données, propriété intellectuelle, impact sociétal ... Zoom sur les enjeux phares liés au développement de l'intelligence artificielle

Publié le 18 Octobre 2024

Ce mardi 15 et mercredi 16 octobre s’est tenue à Paris la 13ème édition de Big data & AI, un événement de référence qui permet d’offrir aux décideurs et acteurs de l’écosystème, deux jours immersifs dans l’univers du Big Data et de l’Intelligence artificielle. Pouvez-vous nous rappeler l’essence de cet évènement qui connait cette année sa 13ème édition ?
Ce salon a été créé en 2012. Son essence est de rassembler un écosystème de plus en plus dense autour de liens impliquant des décideurs qui sont liés à l'intelligence artificielle de manière à ce qu'ils puissent se réunir autour de sujets, comme par exemple les outils, les stratégies mais aussi les grandes tendances liées à l'intelligence artificielle (IA).

L’idée est aussi de discuter de toutes les problématiques sous-jacentes au développement de l’ ’IA, par exemple l'éthique, la cybersécurité ou encore tout ce qui tourne autour du débat réglementaire.

L’évènement Big data é IA tend à créer de l'échange à forte valeur ajoutée et à générer un cercle vertueux dans l'innovation

 
L’évènement tend à créer de l'échange à forte valeur ajoutée, à favoriser des espaces de networking, et s’inscrit dans la mouvance de la maxime du groupe RX auquel nous appartenons « « In the business of building businesses. »

Une autre finalité à notifier est celle de générer un cercle vertueux dans l'innovation. Le fait d’échanger, le fait d'aller de stand au stand, le fait de participer aux conférences, ateliers, démonstrations… le fait aussi de visiter des zones spécifiquement conçues comme une zone dédiée au quantique ou une zone dédiée au numérique permet d’apprendre des autres et d’implémenter des solutions dans le cadre de son activité.

Si l’IA existait avant 2012, la création de cet événement a permis de lui consacrer une place encore plus significative.
Depuis lors, nous constatons une réelle accélération dans l'effervescence qu'il y a autour de l’intelligence artificielle, singulièrement à partir de 2018 date à laquelle nous avons vu se déployer toute une stratégie nationale sous l’impulsion de la prise de conscience portée par Cédric Villani.

Le rendez-vous réunit notamment 200 sponsors (tels que Microsoft, IBM, HP, Oracle, Google Cloud, Dell technologies, Orange Business) et exposants (tels que Enedis,  Opendatasoft, Sopra Steria…) ;  700 intervenants ((parmi lesquels Amazon, Doctolib, Galeries Lafayette, Crédit Agricole, le groupe La Poste, Decathlon, BNP Paribas, Vinci Construction, Stellentis ...) et 350 conférences
et ateliers. De quelle manière ont-ils été sélectionnés ?
S’agissant de la sélection des intervenants, nous avions posé deux conditions. La première condition, c'est d'avoir les entreprises qui sont les plus innovantes sur des secteurs disparates, mais qui ont visiblement les plus grandes avancées en matière d'intelligence artificielle et du big data. Nous nous efforçons en cela d’avoir une représentativité multisectorielle.

 Nous essayons d'avoir aussi des secteurs qui sortent du lot

Ainsi, même si on part du principe que les quatre secteurs les plus signifiants sont la banque, l’assurance, la santé, et l’industrie manufacturière, nous essayons d'avoir aussi des secteurs qui sortent du lot parce qu'ils peuvent nous proposer des choses intéressantes, par exemple les médias, et tout ce qui est lié à la communication et au marketing à l’instar de Publicis Sapient.

A-t-on une idée du nombre de visiteurs ?

Par rapport à l'édition de l'année dernière, le nombre de visiteurs a augmenté de l'ordre de 5 %.

Le Salon a été ponctué par les trophées de l’innovation
?
Absolument, ces trophées sont destinés à récompenser des projets réalisés dans le domaine de la donnée et de l’IA. L événement récompense ainsi les candidatures les plus audacieuses et innovantes tant du point de vue technologique que des usages qui ont fait l’objet d’une présélection par un jury d’experts. Ouverts aux éditeurs, utilisateurs, startups et grands groupes, les Trophées de cette 13ème édition du Salon en fait concourir six entreprises dans trois thèmes différents « Techno », « Usages » et « Big Data & AI For Good » : Research Platform, Socotec Monitoring, Quanto, AlgoRH, Envisol et Alteia.

Deemea, AlgoRH et Alteia sont les trois grands vainqueurs des trophées de l'innovation 

Ces 6 finalistes sont venus défendre leurs projets lors de « Battles », le 15 octobre. A l’issue des 3 minutes de pitch, le public a choisi en direct par voie électronique les projets les plus convaincants.
Les vainqueurs de cette édition sont les suivants :
• Pour le prix Techno : Deemea révolutionne la recherche biomédicale en accélérant études et traitements.
• Pour le prix Usages : AlgoRH allie expérience collaborateurs et performance via un algorithme optimisé.
• Pour le prix Big Data & AI for Good : Alteia utilise IA et big data pour optimiser la maintenance des routes en Tunisie.

Quel regard portez-vous sur la montée en puissance de la thématique de l’intelligence artificielle. Vous indiquez que 2024 est résolument l’année de l’implémentation et de la conformisation. Qu’entendez-vous par là ?

Ce qui fait vraiment l'essence de cette édition réside dans un plus fort alignement entre innovation technologique et impact concret et positif au niveau sociétal

Ce qui fait vraiment l'essence de cette édition et qui renouvelle un peu ce qu'on avait par rapport aux éditions précédentes réside dans un plus fort alignement entre innovation technologique et impact concret et positif au niveau sociétal.
Nous avions dès le départ signifier cet impératif dans l’enclenchement de ce Salon. Cependant, nous le ressentons, cette année beaucoup plus de manière concrète dans les retours d'expérience qui ont été proposés et dont les keynotes qui ont été énoncées à plusieurs égards.
En premier lieu, nous avons eu l’honneur d’avoir en guise de keynote d’ouverture l’intervention de Clara Chappaz, Secrétaire d’Etat chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Le discours tenu était particulièrement intéressant en ce qu'il faisait le triptyque entre ce que proposent les start up françaises, l'enjeu relatif à la souveraineté et le fait de lier cette capacité d'action des start up et l'ensemble des entités que nous trouvons au sein de ce salon.

Le message véhiculé est claire : c’est une bonne chose d'avoir des start-ups françaises qui sont très innovantes...mais pour que cela fonctionne, et que l’on ait une force centrifuge qui mette vraiment en valeur l'innovation française, il faut qu'on ait une mixité acteurs publics- acteurs privés qui utilisent et qui implémentent ces solutions. A défaut, il n'y aura pas de capacité de rebondissement et il n'y aura pas de mise en lumière de cette potentialité.

 Il faut qu'on ait une mixité acteurs publics- acteurs privés qui utilisent et qui implémentent les solutions 

Dans les cas d'usage que nous avons eu en l'intelligence artificielle sur le parcours, il a été beaucoup question de capacité de personnalisation. Qui dit personnalisation, dit application multisectorielle, donc beaucoup plus de personnes qui en font usage. La capacité d'accessibilité s’en trouve renforcée.

La notion clé d'implémentation s’est traduite  par une pluralité de manière dans le cadre de ce Salon... 
Absolument. 
-plusieurs acteurs sont venus avec des solutions abouties pour les présenter et pour en faire la démonstration en mettant l’accent sur les atouts technologiques.
-de plus en plus de cas d’usages liés aux besoins propres à un secteur en particulier ont été renseignés (de nombreux retours d’expériences, une salle d’exposition dédiée par exemple sur l’IA générative au service de l’analytique avec Microsoft, sur l’amélioration de l’expérience client avec des avatars conversationnels par IBM, sur le déploiement d’une plateforme data cloud dans le secteur de l’assurance avec Orange Business ) ;

 Le « next step », la marche supplémentaire à avoir en matière d'implémentation est d’avoir une collaboration entre les experts et les métiers

-certaines manifestations se sont efforcées de discuter les problématiques majeures liées à l’IA  sur les stands & surtout sur les podiums avec des solutions concrètes (par exemple les promesses apportées par l’IA à la recherche médicale, l’utilisation de l’IA comme outil stratégique pour transformer le monde juridique...);
-des débats ont permis de témoigner d'une méthodologie d’évaluation de la réussite d’implémentation (conférences appartenant au parcours expert par exemple sur l’optimisation des processus bancaires et la manière dont une société comme BNP Paribas utilise l’IA pour l’analyse et la gestion des risques ou encore sur la façon sont une société comme Vinci construction sélectionne les meilleurs appels d’offre grâce à l’intelligence artificielle) ;

Qui plus est, un accent a été mis sur la qualité, la gouvernance et la conformité de la donnée au sein du salon (conférences par exemple ) ; et sur l'open source qui favorise le collaboratif et donc cette implémentation qui devient une réalité.

Enfin, je sais qu'il y a eu pas mal de tables rondes, notamment celle avec Florian Douetteau qui ont expliqué que le « next step », la marche supplémentaire à avoir en matière d'implémentation, au-delà de l'acculturation, de la formation dont on parlait déjà, est d’avoir une collaboration entre les experts et les métiers.

Qu’en est-il de la conformisation ?
Nous entendons par conformisation, l'accent mis sur la protection, l’utilisation et la collecte des données personnelles.
Lorsque vous êtes dans une démarche d'activité économique, comme le font la plupart des entreprises qui viennent dans le Salon, le fait que vous soyez dans cette démarche de conformisation, permet de justifier le fait que vos clients ont confiance en vous, que vous pouvez échanger avec les autres acteurs de votre écosystème et tout simplement, que vous êtes en bonne posture pour ne pas vous faire dérober votre valeur ajoutée.

Ce Salon est l’occasion d’explorer les avancées les plus récentes en matière de big data et d’intelligence artificielle, deux notions étroitement liées : l’IA frugale, le fine tuning, le data product, la clean room, la data lakehouse. Que pensez-vous de l’ensemble de ces avancées ?

L’ensemble de ces grandes tendances sont impactantes. Il est compliqué de faire une hiérarchisation entre ces différentes innovations puisque chacune a une valeur ajoutée. L’IA frugale traduit la concrétisation du lien entre intelligence artificielle et dimension environnementale. Une conférence a ainsi porté sur comment dompter l’IA au profit de la transition écologique avec un porte-parole d’Amazon.

L’IA frugale, le fine tuning, le data product, la clean room, la data lakehouse : l’ensemble de ces grandes tendances sont impactantes

Le fine tuning donne la possibilité d'accéder à plus de personnalisation, selon les besoins d'une entreprise. Divers rapports de McKinsey, du Boston Consulting Group ont indiqué que si les entreprises ont effectivement les financements pour se doter de nouvelles technologies, une problématique phare réside dans le fait qu’ils ne savent pas au bout du compte comment les implémenter et comment les utiliser.
Finalement, elles se retrouvent sans réelle apport de valeur ajoutée. Le fine tuning vient entre autres parer à cet écueil.
Les innovations en matière d’amélioration du stockage et de meilleure collecte et structuration des données sont illustrées par les data products et le data lakehouse.

La clean room revient à un stockage de données privilégié, exclusif. Elle est intéressante parce qu'elle permet de créer un espace virtuel qui est particularisé par rapport à des partenaires, des fournisseurs, en partageant des données. Elle permet de créer une expérience qui est beaucoup plus caractérisée. Cela constitue une proposition de valeur ajoutée par rapport à la personne à qui on s'adresse.

Ce Salon tend également à répondre aux enjeux les plus pressants : cybersécurité, éthique, protection des données, propriété intellectuelle… Un enjeu en particulier vous parait-il dominer les autres ?
Tous les enjeux évoqués sont primordiaux. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a des enjeux qui existaient déjà : l’éthique, la cybersécurité aussi.
Dans le contexte actuel, si on prend le prisme international et la géopolitique actuelle, avec les conflits qu’on a, notamment en Ukraine, la cybersécurité est clairement un enjeu majeur en matière d’exploitation des données à mauvais escient. C’est ce que nous révèle une des conférences organisée par Thalès, intitulée : mettre à profit l’IA et la machine learning pour la cybersécurité.

Cybersécurité, éthique, protection des données, propriété intellectuelle…tous ces enjeux liés à l'intelligence artificielle sont primordiaux 

Par rapport à l’actualité récente, avec le Digital market Act, le DSA, et l’AI Act : l’accent est mis sur l’importance du consentement éclairé, la capacité de rétractation dans le consentement ainsi que la protection des données personnelles. C’est ainsi que nous avons eu une conférence sur comment mettre en œuvre et appliquer les mesures relatives aux réglementations européennes, au RGPD et à l’AI Act au sein des organisations ; sur la manière de maitriser les processus d’effacement des données dans le cadre de RGPD ; ou encore sur la manière de mieux protéger le citoyen face à une mise en péril de ses droits.

Quel est le plus grand succès de ce salon selon vous ?

Nous sommes fiers d’avoir pu avoir l’intervention de Clara Chappaz. La conjoncture politique actuelle ne favorisait pas forcément une capacité d'anticipation sur ce point.
Le fait qu'on l'ait eu en keynote d'ouverture, nous a permis vraiment de mettre encore plus en valeur les enjeux qui étaient au cœur de cette édition : la souveraineté, l'innovation et l’implémentation à grande échelle.
Cela a permis d'ouvrir la porte à un sujet qui n'était pas forcément mis en valeur médiatiquement : l’IA au service de l’accessibilité numérique.

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