Interview de Arnaud Lanctin : Analyste gérant chez Fédéral Finance Gestion

Arnaud Lanctin

Analyste gérant chez Fédéral Finance Gestion

Crédit Agricole, Société Générale, Natixis : nous avons une préférence pour le secteur bancaire français

Publié le 14 Mars 2014

Quelle appréciation faites-vous du secteur bancaire français ?
Au sein des pays de la zone euro, nous avons une préférence pour le secteur bancaire français.
Nous aimons bien Société Générale et Crédit Agricole. Nous sommes actionnaires chez Natixis depuis 2011 lorsque l’action valait 1,5 euro. Nous ne sommes plus aussi surpondérés sur le titre que par le passé.

Quid de BNP ?
BNP est une société qui promet peu et qui délivre beaucoup. Ils ont déçu sur le dividende dans le bas de fourchette et sur la provision passée pour litige aux Etats-Unis. L’equity story manque un peu d’argument à court terme. Une certaine neutralité est à avoir mais pas vraiment de surpondération.

Quelle vision avez-vous du secteur bancaire espagnol et italien ?

On observe une anomalie de valorisation sur le secteur bancaire espagnol qui est plus élevée que celle du secteur bancaire français pour une rentabilité deux fois moindre, et un taux de créances non performantes de 13,76%. Ce taux monte moins rapidement que par le passé mais continue sa tendance haussière. Nous sommes donc dans une phase de décélération de la dégradation mais pas dans une phase d’amélioration.

L’essentiel de la contraction des taux obligataires des pays de la périphérie est probablement derrière nous. Le taux à dix ans espagnol se situe à 3,30%, un niveau d’avant crise, contre 2,80% pour le taux à dix ans américain. L’écart de taux pourrait difficilement se resserrer davantage même si l’activité connait une expansion.
Le même cas de figure vaut pour l’Italie.

Le niveau des indicateurs avancés suppose une augmentation de la distribution de crédits, une plus grande marge de transformation. Mais celle-ci ne sera significative que sur les PME. Sur la partie corporate, les banques espagnoles et italiennes sont encore trop mal notées pour tirer avantage de la reprise économique. Une banque de ces pays qui prête à une grande entreprise européenne gagne peu ou pas d’argent étant donné que sa note de crédit est inférieure à celle de l’entreprise. En cela la banque se refinance sur le marché plus cher que ladite entreprise.

Les banques italiennes ont, de plus, encore besoin de passer des provisions, comme on l’a vu avec Banco Populare et Unicredit. Le taux de créances non performantes est de 8,1% à ce jour pour l'ensemble du secteur.

Comment expliquez-vous le retard pris dans le provisionnement pour les banques italiennes ?
Il y a une spécificité propre à l’Italie qui est que les provisions sont partiellement déductibles fiscalement. Les banques ont ainsi eu moins d’incitations à provisionner.

Quels titres de ces deux pays avez-vous ?
Nous sommes investis sur Intesa en Italie en raison de la qualité de ses actifs et de sa prudence affichée dans les provisions. Le dividende est généreux. Un engagement a été pris de toujours payer ce dividende en cash.
Nous sommes perplexes face au rallye qui s’est dessiné sur Unicredit compte tenu des pertes annoncées. D’autres provisions pourraient intervenir sur le dossier.

Nous avions Bankinter en Espagne. Nous en sommes sortis en raison du puissant rebond. Nous sommes davantage sur Santander en pariant sur l’aptitude du nouveau management à procéder à un pilotage plus efficient en s’appuyant sur la reprise espagnole, sur l’expansion de l’activité de la filiale britannique Abbey dans le crédit aux entreprises, et sur la stabilisation de la macroéconomie en Amérique latine. Santander a sous performé de 30% sur un an BBVA qui a été porté par son exposition au Mexique et sa meilleure communication financière.

Quelles sont les autres banques que vous affectionnez ?
Nous avons UBS. Le groupe est bien capitalisé. L’activité a été réduite sur le compartiment obligataire. La banque d’affaires, plus modeste, est ainsi plus orientée vers la gestion privée et la gestion de fortune dans la classe actions et la classe devises. Les portefeuilles en gestion de fortune sont composés de 28% de monétaire qui rapporte quasiment 0%. Si cette clientèle décide demain de réallouer ses encours sur des actions, les marges d’UBS vont mécaniquement remonter. Par ailleurs, le retour à l’actionnaire est intéressant. Dès lors que le ratio core tier 1 atteint 13%, tout l’excès de capital sera reversé aux actionnaires sous forme du dividende. Nous devrions donc avoir un rehaussement du dividende. Celui-ci est de 25 centimes en 2013. Il devrait évoluer à 50 centimes en 2014 et 1 franc suisse en 2015.

Nous avons un relatif engouement pour Barclays, en dépit de sa forte présence sur le marché obligataire, et du fait de sa décote prononcée. C’est une des moins bonnes performances du secteur. La BFI est valorisée, au cours actuel, à 0 alors qu’elle constitue 38% de l’activité.
Le modèle de développement est plus simple et le poids du retail est conséquent. Une influence positive qui pourrait découler de l’activité en l’Espagne et en l’Afrique du sud. Un nouveau plan stratégique a été annoncé sous l’initiative d’un nouveau directeur financier. Le processus de restructuration déployé devrait porter ses fruits. Du fait de l’amélioration de la macroéconomique, la banque centrale du Royaume-Uni pourrait décider de remonter son taux directeur de refinancement avant les autres grandes banques centrales occidentales, ce qui serait profiterait à Barclays.

Nous avons une ligne sur ING. L’histoire de la transformation d’un groupe banque-assurance à un groupe de banque retail notamment en Belgique et en Hollande, avec ING Direct en Europe. La capitalisation est de 39 milliards pour un flottant de 99%. Un retour à l’actionnaire est prévu une fois que l’Etat hollandais aura été remboursé, à partir de 2015 grâce aux plus values des cessions des actifs d’assurance.

DNB, la première banque norvégienne et Swedbank, une banque suédoise sont également des convictions. Ces banques sont bien capitalisées et ont un payout importants, de 75% pour Swedbank. Le coté low beta est également intéressant. Ce sont des banques résistantes dans les phases baissières des marchés. Ce sont des valeurs refuge.

Vous n’avez pas de banques allemandes ?
Non, mais nous avons Deutsche Boerse, qui devrait être un grand bénéficiaire de la réglementation Emir, sur les produits dérivés, avec Clearstream. L’entreprise boursière est la mieux placée pour jouer les futurs sur le bund ou l’Eurostoxx 50. C’est également une assurance en cas de retournement.

Quelle potentielle de hausse escomptez vous ?
Nous ne voyons pas le secteur croitre cette année. Il pourrait même baisser sur les niveaux actuels. D'ailleurs depuis le 15 janvier, le secteur sous performe le Stoxx600.

Les valeurs mentionnées peuvent performer de 10% à 15% en absolue : 12% pour Swedbank, et pour Crédit Agricole, 16% pour Société Générale, 65% pour Barclays, 5% pour UBS et Santander, contre -30% pour les autres banques espagnoles, -10% pour Intesa.

Sur quels titres redoublez-vous de vigilance ?

Nous n’aimons pas Banco Popolare et Monte Paschi, Commerzbank, Banco Espirito Santo. Nous anticipons sur ces titres des baisses importantes, du fait de déception sur la vitesse d'amélioration des résultats par rapport à l'évolution du cours de bourse.

Quels titres pourriez-vous rajouter ?

Standard Chartered qui est très exposée à la Chine. Si l’on a des éléments rassurants venant de Pékin, le titre offre un bon rapport risque-rentabilité.
Deutsche Bank pourrait également devenir une opportunité malgré la complexité du modèle de développement si on a un éclaircissement sur le niveau de capital, et un changement du management. Pour l’heure, une augmentation de capital n’est pas totalement exclue. Par contre la valorisation, comme pour Barclays, est très attractive.

A lire également la première partie de l'interview :

"Nous sommes neutres à négatifs sur le secteur bancaire pour 2014 mais positifs pour 2015"


Propos recueillis par Imen Hazgui