Interview de Philippe Cimadomo : PDG de Metrologic Group

Philippe Cimadomo

PDG de Metrologic Group

Il est nécessaire désormais que nous nous fassions mieux connaître, en faisant plus de marketing…

Publié le 25 Janvier 2008

Pouvez-vous nous présenter brièvement votre groupe ?
Metrologic Group est une entreprise de logiciels spécialisée dans le domaine des systèmes de mesure. Il s’agit donc de logiciels qui servent à aider à mesurer des pièces dans le secteur de la mécanique en général, les plus gros acteurs étant ceux qui font de la mécanique en production de masse, c’est-à-dire presque exclusivement l’automobile et l’aéronautique.

Vous venez de publier un CA 2006-2007 en hausse de plus de 7%, à 23,6M€, supérieurs à vos objectifs initiaux, ainsi qu’une marge nette de 43%. Quel commentaire vous inspire ces chiffres ?
Je suis assez content de nos fondamentaux : les 7% sont certes conformes à nos prévisions.  Nous sommes aujourd’hui lancés dans un plan de développement ambitieux de croissance, avec notamment un renforcement de nos efforts commerciaux et marketing  qui devrait se traduire par une forte progression de nos ventes.

Par ailleurs, avoir une marge de 43% n’est pas aujourd’hui ce qui nous motive le plus. Je préfère avoir une marge très légèrement inférieure et avoir une croissance à deux chiffres.

Elle repose beaucoup sur l’évolution de notre culture interne : nous passons d’un modèle économique où nos plus grands clients sont venus nous chercher, à un modèle économique où nous allons chercher des clients qui sont des acteurs beaucoup plus petits, mais qui, ensemble, représentent une masse de ventes potentielles bien plus importantes que celles d’aujourd’hui. C’est là-dessus que nous misons pour obtenir la croissance que j’évoquais plus tôt. Bien sur, nous ne réduirons pas nos effort sur les grands compte, bien au contraire.

A quoi attribuez-vous la baisse de 11,4% de votre chiffre d’affaires sur le premier trimestre ?
Quand on compare les chiffres d’un trimestre à un autre, il y a souvent des effets qu’il faut expliquer, or ici, effectivement, il y a un effet exceptionnel, puisque le 28 décembre de l’année dernière nous avions reçu une commande que nous attendions depuis 2 ans de la part de Boeing, qui faisait 2 millions de dollars. Or nous n’avons tout simplement pas reçu la même commande cette année.

Nous allons en recevoir tout au long de l’année, mais si l’on retraite et que l’on lisse cette commande sur toute l’année, on se retrouve avec un premier trimestre de cette exercice-là qui est tout à fait en ligne avec nos prévisions, c’est-à-dire +8%.

Le résultat opérationnel courant a été impacté par le dollar, ressortant à 13,1M€, soit en recul de 1%. Si jamais la tendance demeure au dollar faible, comment comptez-vous assurer votre couverture ?
Nous nous sommes déjà couverts : nous avons pu indexer une partie importante de nos contrats en dollar, notamment ceux de Boeing, sur le cours de l’euro. C’est d’autant plus intéressant que c’est justement avec Boeing que nous avons réalisé une part très importante de notre chiffre d’affaires.

Concernant la couverture actuelle et future, nous avons légèrement augmenté nos prix aux Etats-Unis, et nous avons fait 100%  de croissance malgré tout. Je pense donc qu’aujourd’hui, certes, la baisse du dollar ne nous aide pas, mais nous parvenons à contourner le problème.

Nous avons fait un exercice complet dans un contexte difficile avec un dollar à 1,27 euro au début de l’exercice et qui finit à 1,47 euro. Nous avons dégagé 43% de marge nette en dépit d’un chiffre d’affaires de 20% fait en dollar, ce qui me porte à dire que nous nous en sommes assez bien sortis… Ce n’est donc pas encore un véritable sujet d’inquiétude.

Outre Boeing, quels sont vos principaux clients ? Que représentent-ils par rapport à votre chiffre d’affaires ?
si l’on fait une photographie de notre chiffre d’affaires 2007, l’avionneur américain apparaît comme notre client numéro 1, ce qui représente une très grande victoire puisque les clients «numéro 1» -ce ne sont jamais les mêmes- sur les 10 dernières années, ont toujours été issus du secteur automobile.

Ceci étant, il ne faut pas seulement regarder Boeing,. Nous travaillons énormément avec Airbus, mais nous n’avons pas beaucoup de chiffres parce qu’Airbus est entré dans une période un peu mouvementée et a besoin de se refaire une santé, notamment dans tout ce qui est logiciels, ce qui leur a coûté très cher pour l’A380. Nous en sommes en grande discussion et nous pensons qu’Airbus  pourrait devenir, dans les années à venir, notre client numéro 1 ex aequo avec Boeing.

Mais il ne faudrait pas non plus voir l’aéronautique au travers de Boeing, Airbus et des sous-traitants seulement, mais à travers les dizaines d’autres sociétés tels qu’Ambraer, Gulfstream, Cessna, etc. qui fabriquent également des avions et qui ont des besoins en controle qualité, sur lesquels nous travaillons actuellement, et qui regardent avec attention nos produits V5.

Ce qui est d’autant plus important qu’ils travaillent toutes leurs pièces sur Catia, et aujourd’hui sur Catia V5. Donc l’aéronautique pour Metrologic, c’est un facteur important de croissance, particulièrement dans le cadre du métier que nous nous sommes donnés ces deux dernières années : dans l’aéronautique, la majorité des machines mesurent de grandes dimensions, or nous n’amenons plus les pièces à la machine, mais c’est elle qui va vers les pièces grâce aux machines optiques pour lesquelles nous détenons une grande avance technologique.

Nous disposons des outils, il est donc nécessaire désormais que nous nous fassions mieux connaître, en faisant plus de marketing…
 
Vous avez lancé un plan à 5 ans, sensé aboutir au doublement de votre chiffre d'affaires à environ 45 M€ d'ici 2011/2012. Comptez-vous y parvenir par croissance externe ?
Il n’est pas difficile de faire un effet d’annonce en déclarant que l’on va doubler le chiffre d’affaires. Or pour ma part, j’étayerai mes propos en citant les mesures concrètes déjà mises en œuvre : croissance organique importante, embauche de commerciaux et mise en place de tout un système de marketing visant à combler notre déficit en termes de ventes, de contacts commerciaux et de contacts clients. De fait, en mettant en place cette structure, nous devrions atteindre notre objectif.

Ensuite, vous évoquez la question de la croissance externe, or si l’on regarde les 50 millions d’euros de trésorerie dont nous disposons, on peut effectivement se demander ce que nous allons en faire. Ce qu’il faut bien saisir, c’est que, compte-tenu de nos marges relativement fortes -10 millions d’euros par an environ-, les 50 millions d’euros se sont rapidement accumulés, or nous n’avons pas beaucoup dépensé pour faire des rachats d’entreprises, la dernière en date ayant eu lieu en 2002, avec la reprise de la société Silma aux Etats-Unis.

Ceci étant, nous n’avons pas caché notre souhait d’acquérir d’autres entreprises, nous aurions d’ailleurs pu le faire, mais nous n’étions pas sûrs de pouvoir en maitriser la réorganisation et donc l’avenir… Certaines croissances externes ont échoué, pour diverses raisons qui furent parfois de notre fait il faut bien le dire, mais quoiqu’il en soit, aujourd’hui, nous travaillons très activement sur de nouvelles opérations d’acquisitions, en particulier dans le domaine du service afin de renforcer notre présence chez le client…

Vous avez évoqué la possibilité de nouer des alliances stratégiques…
Les alliances stratégiques consisteraient à s’allier avec des sociétés fabricant des moyens de mesure pour faire en sorte que lors d’une vente de leur produit ils les cèdent avec nos logiciels. C’est ce que l’on appelle les OEM et nous en sommes toujours à la recherche. Ce n’est pas très nouveau, mais ce qui l’est, c’est que l’on se dit que si nous ne sommes pas à même de réaliser certaines croissances externes, nous formerons des alliances qui nous permettrons malgré tout d’atteindre nos objectifs.

Il est toutefois évident que nous visons essentiellement la croissance externe actuellement, dans la mesure où nous en avons l’envie et les moyens.

De quelle marge financière disposez-vous pour réaliser ces opérations ?
Je n’ai pas d’ordre d’idée à vous fournir, étant donné que nous ne cherchons pas à dépenser une certaine somme d’argent, mais à trouver à des endroits précis de la planète des personnes susceptibles de nous apporter soit des parts de marché, soit de l’aide et du service… Avec 50 M€ de trésorerie et une capacité d’endettement intacte nous avons de quoi voir venir……

Votre groupe est très présent à l’international, visez-vous de nouvelles zones géographiques ? Lesquelles ?
Oui, 79% de notre activité est réalisé à l’international, en sachant que nous sommes partis de zéro il y a 15 ans. En Asie, nous sommes présents en Corée et au Japon, qui sont deux zones qui marchent très bien, mais nous nous intéressons aussi à la Chine et à l’Inde.

En Chine, nous en sommes encore au démarrage au regard du chiffre d’affaires. Nous avons beaucoup de contacts, plusieurs opportunités, mais je crois que nous devons encore tenter de mieux comprendre le marché. Pour cela, nous devons trouver les bons acteurs, ce que nous ne sommes pas encore parvenus à faire. A l’inverse, au Japon, nous avons trouver le bon vendeur, très brillant et bien introduit dans les sociétés japonaises, qui sont toutes très grosses, si bien qu’en l’espace de 2-3 ans, nous avons fait 1 million d’euros, ce qui représente la moitié de notre croissance en Asie.

L’Inde est également un pays qui nous attire énormément, mais de même qu’en Chine, nous ne disposons pas encore des bons interlocuteurs pour nous y accompagner dans notre développement. C’est pourquoi nous serons peut-être amenés à y faire de la croissance externe ou à réaliser des accords stratégiques avec des gens susceptibles d’investir à nos côtés. Mais nous ne les avons pas encore trouvés…

Quelles sont vos perspectives pour le prochain exercice ?
26 millions d’euros de chiffre d’affaires, en progression de 10% par rapport à l’exercice qui vient de se clore.
une diminution temporaire de la marge à 37%, en raison des retards d’investissement.

Comment voyez-vous évoluer vos principaux marchés ?
L’automobile est aujourd’hui dans un bas de cycle, avec des investissements relativement serrés et des contrats qui se négocient à des prix les plus bas possibles, or nous avons pour politique de maintenir un certain niveau de qualité de nos produits. Pour cela, il faut vendre des produits que les autres ne font pas, donc dans l’automobile, nous ne vendons que des produits haut-de-gamme. A l’heure actuelle, c’est plus compliqué qu’il y a 30 ans, mais l’automobile est un secteur cyclique qui devrait redémarrer sans problème.

A l’inverse dans l’aéronautique, la situation est bien meilleure et notre premier client, Boeing, le prouve.

En bourse, votre titre reste mal valorisé. Qu’en pensez-vous ?
J’ai toujours décorrélé les fondamentaux de notre entreprise du cours de bourse et tant mieux, parce qu’au moment où nous avions un chiffre d’affaires et des résultats inférieurs, nous étions cotés autour de 110 euros, or aujourd’hui, l’action est à 34 euros alors que nous faisons plus de résultats et plus de chiffre d’affaires.

Ceci étant, si nous devions regarder nos responsabilités, nous payons le fait que nous n’avons pas mis en place plus tôt la stratégie que nous sommes en train de mettre en œuvre. Finalement, je ne vois que du bon dans le cours de bourse, d’autant que si l’on fait un rapide calcul, avec 130 millions d’euros de capitalisation, au cours d’aujourd’hui, dont on retranche la trésorerie, on obtient un PE inférieur à 8, ce qui est très bien placé.

Notre valeur sera donc regardée de très près, notamment du fait des bonnes perspectives que nous avons annoncées. Je ne suis donc pas du tout inquiet pour notre cours de bourse.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy