Interview de Jean-Claude Cornier : Président Directeur Général de Thermocompact

Jean-Claude Cornier

Président Directeur Général de Thermocompact

Nous ne décevrons pas nos actionnaires

Publié le 26 Mars 2008

Pouvez-vous nous présenter brièvement votre activité?
Notre activité est le revêtement de surface de haute technicité. C’est un processus assez compliqué. On dépose des métaux sur d’autres métaux afin de modifier les caractéristiques du métal de base.

Par exemple, si un métal n’est pas conducteur, on ajoute au-dessus de l’or afin qu’il le devienne. Il en va de même pour l’argent ou pour d’autres revêtements comme le nickel. Ils ne sont ainsi pas attaqués par la corrosion.

Nous réalisons des revêtements sur pièces industrielles mais aussi sur des fils de haute technologie qui sont employés dans l’aérospatiale ou la connectique entre autres.

La troisième application est la fabrication de fils pour l’usinage par électroérosion. Il s’agit de fils permettant de couper le métal, un peu comme le fil à couper le beurre, avec une très grande précision obtenue à l’aide d’un procédé de micro-étincellage.

Nous revêtons aussi des connecteurs. Prenons l’exemple des déclencheurs d’airbags. En France, Thermocompact revêtit au moins 40% de la consommation des déclencheurs d’airbags en Europe. Nous réalisons des revêtements d’or pour qu’au moment où l’airbag doit fonctionner le contact se fasse dans le millième de seconde. Nous effectuons 18 à 30 millions de déclencheurs d’airbags par an.

Qui sont vos principaux clients ?
Nous travaillons pour l’automobile, les connecticiens, l’armement ou les équipementiers. Cette activité représente 15% du chiffre d’affaires.

Pour la fabrication de fils destinée à l’usinage par électroérosion, qui est un produit consommable, on exporte 92% de notre fabrication aux Etats-Unis, dans toute l’Amérique du Sud, en Asie puis en Europe.

Pour cette activité, nos clients sont les utilisateurs de machines d’usinage par électroérosion. Ces acteurs généralement officient dans la mécanique de précision. Dans les groupes industriels, s’il y a de la mécanique, ils possèdent une machine d’usinage par électroérosion. Nous fabriquons le fil consommé par cette machine. Cette activité représente 48% du chiffre d’affaires.

Enfin, la fabrication de fils revêtus spéciaux représente près de 37% du chiffre d’affaires. Ces fils sont utilisés notamment dans l’aéronautique, de l’Airbus A320 à l’A380. 60% des fils de liaisons utilisés viennent de nos ateliers.

Nous fabriquons en outre les nouveaux fils pour l’A380 pour lesquels nous avons déposé des brevets. Nous avons gagné en termes d’allégement de poids sur un A380, 600 kg soit 10% du tonnage. Il faut savoir qu’il y a un ordre de grandeur de 6 tonnes de fils dans un A380.

Les fils spéciaux sont destinés à l’aéronautique mais aussi au secteur médical pour des opérations comme les explorations d’artères -nous produisons d’ailleurs un fil qui permet de fabriquer des cathéters.
Nous travaillons également pour d’autres secteurs comme l’automobile, l’électronique ou encore la téléphonie mobile : nous fabriquons dans les relais des câbles revêtus d’argent qui permettent d’obtenir certaines propriétés spécifiques.

Comme principaux clients, on peut citer Nexans, EADS, Radial, Autoliv qui est le premier fabricant d’Airbag... Dans l’armement, nous travaillons avec Siemens ou encore EADS.

Vous avez réalisé un chiffre d’affaires de 55,85 millions d’euros, en progression de 9%. Quels ont été les moteurs de cette croissance ?
Le chiffre d’affaires a en effet progressé de 9%. 2007 a été une année d’investissements. La croissance du chiffre d’affaires a notamment profité de l’activité de revêtement de surface sur pièces industrielles, dans des secteurs comme l’automobile c’est-à-dire l’activité liée aux déclencheurs d’Airbag.

Nous avons par ailleurs créé une filiale au Vietnam pour les revêtements que nous réalisons sur les fils, aussi bien pour l’usinage par électroérosion que pour les fils spéciaux destinés à Airbus. Au Vietnam, l’usine a commencé à fonctionner en janvier 2008 et sera inaugurée le 7 avril.

C’est une base de fabrication avec plus de 5000 m2 d’usines avec des équipements neufs. L’investissement pour cette dernière a été de l’ordre de 6 millions d’euros.

Vos résultats annuels 2007 seront présentés le 27 mars prochain. Que pouvez-vous nous dire sur ces derniers ?
Ces résultats sont conformes à ce que nous attendions. Lors des derniers résultats, nous avions communiqué un programme et des objectifs à l’horizon 2010. Pour le moment, nous respectons notre feuille de route. Tous les clignotants sont au vert.

Nous nous sommes engagés sur un chiffre d’affaires de 75 millions d’euros et un résultat opérationnel de 10% d’ici à 2010. Grâce notamment à notre activité au Vietnam, nous resterons sur ces bases.

Quelles sont vos perspectives financières pour l’année 2008 ?
Les perspectives pour 2008 sont bonnes. Le premier trimestre sera un très bon trimestre, avec une croissance à deux chiffres. Notre implantation au Vietnam fonctionne et les commandes pour la zone Asie sont satisfaisantes. Tout est donc au vert pour 2008.

Quels sont les axes de développement que vous allez déployer pour réaliser le plan Thermo 2010 qui prévoit un résultat opérationnel de 10% et un CA de 75 millions d’euros ?
Le plan Thermo 2010 repose sur la montée en puissance de notre unité au Vietnam sur laquelle nous misons beaucoup dans la mesure où nous nous sommes ouverts avec de nouveaux produits.

Nous nous sommes implantés au Vietnam non pour des questions de coûts mais pour nous rapprocher de nos clients, aussi bien chinois que du reste de l’Asie. Auparavant, nous étions trop loin et nous avions des temps de livraison trop importants. Chaque année, nous véhiculons environ 5000 à 7000 tonnes par an de produits et, par bateau, il fallait quatre semaines pour atteindre l’Asie.

En produisant sur place, la livraison peut être réalisée en quatre jours au lieu de ces quatre semaines. C’est donc un point particulièrement important puisque nous étions trop long notamment pour nos clients chinois. En ce sens, notre usine au Vietnam est pour nous un relais de croissance très fort.

Le pôle «Revêtement de surface» a notamment bénéficié du marché de l’automobile en 2007. Que pensez-vous des déclarations de Christian Streiff lors du salon de Genève ?
Aujourd’hui, dans tous les cas, nous n’avons pas de baisse de nos commandes, bien au contraire. Par ailleurs, nous nous adressons à la sécurité automobile qui est plutôt un marché en croissance puisqu’on trouve de plus en plus d’airbags dans un véhicule.

A quel niveau la crise économique affecte-t-elle vos résultats 2007 ? Ne craignez-vous pas que celle-ci ralentisse votre activité en 2008 ?
Aujourd’hui, pour le premier trimestre 2008, notre activité est très bonne. Au mois d’avril, nous avons un très bon carnet de commandes. Le mois de mai est aussi bon. A l’heure actuelle, nous n’avons pas de signes de ralentissement.

Même sur les Etats-Unis, où nous réalisons près de 12% de notre chiffre d’affaires, nous ne remarquons pas de baisse de notre activité. Je ne peux pas vous dire si dans six mois l’activité chutera ou non mais, sur le premier semestre dans tous les cas, cela ne se fera pas sentir.

Quel est l’impact de l’effet de change et de la faiblesse du dollar sur vos résultats ?
C’est vraiment un handicap. Sur l’année 2007, l’impact de l’effet de change est important surtout qu’il connaît un niveau particulièrement élevé cette année, de l’ordre de 1,57 dollars pour un euro. Cela impacte donc nos résultats. 

C’est un risque qui sera cependant diminué quand notre usine au Vietnam tournera à pleine capacité. Nous allons produire dans la zone dollar, nos achats et nos ventes se feront aussi dans la zone dollar. Nous limiterons donc cet effet de change sur 2008. A moins que le dollar ne prenne le chemin inverse, ce qui  est peu probable pour le moment.

Comment faire face à la hausse de prix des matières premières ?
La hausse des prix des matières premières ne nous impacte pratiquement plus maintenant. Elle nous impactait beaucoup les années précédentes. Mais l’an dernier, nous avions mis en place un système d’indexation des prix en fonction de la hausse des matières premières.

Ainsi, globalement, nous avons aujourd’hui un mois de décalage sur cette augmentation. Nous faisons la moyenne du mois précédent et nous réajustons nos prix en fonction de la moyenne de celui-ci, soit à la hausse soit à la baisse.

Vous avez une nouvelle usine au Vietnam en activité depuis le mois de janvier. Quelle place entendez-vous donner à l’Asie dans votre stratégie de développement ? Quels sont vos objectifs financiers dans cette zone ?
Une partie complète de notre stratégie de développement concerne l’Asie. 70% des produits fabriqués dans nos usines concernent la zone Asie. C’est donc un axe de développement très fort. Nous avons des parts de marché à prendre, d’où notre implantation là-bas.

Les objectifs financiers seront communiqués la semaine prochaine lors de l’annonce de nos résultats. Ces objectifs sont en tout cas supérieurs à ce que nous attendons dans la zone Europe.

Comptez-vous faire de la croissance externe cette année ? De quelle marge financière disposez-vous pour cela ?
Nous avons de la marge financière. Par contre, pour le moment, nous ne voulons pas réaliser de la croissance externe dans le seul but de faire de la croissance externe. Si des opportunités se présentent, nous les étudierons.

Nous enregistrons une progression significative de notre chiffre d’affaires depuis plusieurs années. Lorsque j’ai pris mes fonctions de PDG salarié à la fin novembre 1992, la société avait réalisé 36 millions de francs de chiffre d’affaires. Nous en sommes à près de 56 millions d’euros cette année. La progression a donc été multipliée par dix en moins de 15 ans.

Nous avons une croissance organique forte. La croissance externe se justifie s’il y a une opportunité mais pas simplement pour augmenter le chiffre d’affaires.

Quelle sera votre politique de dividende ?
Notre politique de dividende sera semblable à celle adoptée durant toutes les années depuis que nous nous sommes introduits en bourse. Nous distribuons 25% des résultats distribuables. Nos dividendes seront donc à la hauteur de ce que nous avions distribué l’an dernier.

Le mot de la fin pour vos actionnaires.
2007 a été une année d’investissements à tous les niveaux : financier avec 5 à 6 millions d’euros investis dans l’usine du Vietnam, technologique puisque nous avons équipé cette usine de machines nouvelles avec des produits nouveaux, et enfin humains.

Nous avons tenu nos objectifs et nous comptons respecter ceux pour 2010 grâce à ces investissements. L’an dernier, au mois de janvier, nous n’avions pas acheté le terrain au Vietnam. Une année plus tard, nous possédons une usine neuve qui tourne, qui produit et qui correspond à une demande de produits sur la zone Asie.

Nous sommes donc bien partis pour réaliser au minimum nos objectifs à l’horizon 2010 et faire progresser la société. Les actionnaires peuvent continuer à nous faire confiance. Je pense que nous ne les décevrons pas.

Propos recueillis par Amine Wakrim