Interview de Patrick Schein : Directeur commercial et financier d’Auplata

Patrick Schein

Directeur commercial et financier d’Auplata

Nicolas Sarkozy s’est rendu compte que la seule activité économique pour la Guyane résidait dans l’industrie minière.

Publié le 23 Avril 2008

Quelle est l’activité d’Auplata ?
Auplata est une société d’exploitation aurifère située exclusivement en Guyane française.

Cette société est née en 2004 de l’association de deux familles, Aubert et Juilland, qui ont racheté les titres miniers de Yaou et Dorlin auprès de Guyanor et Golden Star. Par la suite, dans le cadre de la fédération de l’industrie, Auplata a eu l’opportunité d’acheter la mine de Dieu Merci en 2006, dont nous avons monté en puissance les capacités de traitement.

Aujourd’hui, Auplata possède donc trois sites miniers, deux en activités, Dieu Merci et Yaou, et un troisième, Dorlin, en attente d’autorisations. Nous avons plus de 90 tonnes de ressources identifiées sur Yaou et Dorlin, et un potentiel important sur Dieu Merci, site qui a produit beaucoup d’or dans le passé et continue d’en produire, mais qui n’a jamais bénéficié de véritables explorations.

Auplata est la première entreprise aurifère de Guyane française qui, hormis l’industrie spatiale, est la première industrie du département.

Auplata a publié un chiffre d’affaires 2007 en forte croissance par rapport à 2006, de 81%, à 14,1 millions d’euros, en revanche le résultat net part du groupe fait apparaître une perte nette de 3,4 millions d’euros. Quel commentaire vous inspire ces résultats ?
La forte croissance de notre production est le fruit de l’accroissement de nos capacités de production, avec la montée en puissance de la mine de Dieu Merci et l’ouverture de la mine de Yaou fin 2006.

Toutefois, la baisse de notre production au second semestre par rapport au premier a fait basculé nos comptes dans le rouge. Ce recul est essentiellement liée à une baisse de teneur extraite du minerai : au 1er semestre la teneur extraite était de 3,0 g d’or par tonne de minerai, tandis qu’au second semestre, la teneur est tombée à 2,1 g/t. Or, si vous extrayez entre 150 000 et 170 000 tonnes de minerai par semestre, et que vous avez un gramme de moins, cela vous fait entre 150 et 170 kg d’or de perdu, ce qui, au cours d’aujourd’hui, représente un déficit de plus de 3 millions d’euros.

Cette baisse des teneurs est également due à un manque de visibilité géologique sur Dieu Merci. C’est pour cette raison que nous avons engagés deux géologues afin d’y remédier. D’autres facteurs ont également joué. Ainsi, le prix de l’or, en euros, n’a augmenté que de 5 à 6% en moyenne sur l’année alors que les coûts miniers, pour l’industrie minière mondiale ont subi des hausses de 25%.

Il y a aussi la forte tension sur la main d’œuvre : les compétences  en ingénieurs des mines sont chères et ne sont pas facilement disponibles localement. Enfin, il faut ajouter à cette hausse des coûts une nouvelle donne administrative et réglementaire en Guyane Français pour laquelle nous avons mobilisé des moyens humains et matériels non affectés aux travaux d’exploitation.

Justement, votre groupe s’est engagé dans un processus de réorganisation et de mise en conformité de ses installations minières en collaboration avec les autorités administratives françaises. Où en êtes-vous de cette mise en conformité et de cette réorganisation ?
Notre plan de réorganisation a été lancé à la fin de l’année dernière, lorsque nous nous sommes posés la question de la compétence technique d’exploitation. Nous avons donc recruté Christian Queyroix en tant que directeur général délégué opérationnel. Ce dernier a une grande expérience, puisque qu’il a exploité deux mines d’or utilisant le procédé de cyanuration au Mans et en Guyane. Il s’agit donc de quelqu’un connaissant très bien le monde minier et les règles administratives et environnementales françaises.

Il met actuellement en place une nouvelle organisation afin d’améliorer la planification des ressources, avec un laboratoire par site, mais aussi pour assurer une meilleure gestion du travail. Notre objectif est d’améliorer sensiblement notre productivité et renouer ainsi avec la rentabilité dès le second semestre 2008.

En ce qui concerne la mise en conformité, elle nous a déjà coûté beaucoup au niveau humain et encadrement, puisque nous avons fait appel à des bureaux de conseils. Ceci étant, maintenant que Christian Queyroix est parmi nous, nous retrouvons davantage ces compétences en interne et à des coûts plus raisonnables. Cela prend du temps et cela représente plusieurs centaines de milliers d’euros, rien qu’au niveau administratif.

Aujourd’hui, tout ce qui concerne la biodiversité ou les ressources naturelles est considéré comme une rareté. La France a eu le courage d’associer la recherche naturelle à la biodiversité. L’inventaire minier est déjà fait et celui de la biodiversité va être réalisé cette année. Ensuite ils seront superposés et nous verrons ainsi où se situent les incompatibilités.

Comment jugez-vous l’attitude et les décisions de Nicolas Sarkozy en la matière ?
Elle est à la fois pragmatique et réaliste. Il s’est rendu compte que la seule activité économique pour la Guyane, hormis le spatial et le tourisme, résidait dans l’industrie minière. La seule chose qu’il demande, c’est que l’exploitation d’or en Guyane se fasse dans le respect de l’environnement.

Où en êtes-vous de la mise en exploitation du site de Dorlin ?
La mine est construite et prête à fonctionner mais nous avons décalé son ouverture à début 2009, dans l’attente de l’obtention des autorisations de démarrage. Ce que nous demandons, c’est que l’Etat définisse au plus vite les règles en Guyane pour débloquer la situation pour l’ensemble des acteurs miniers.

Quelle analyse faites-vous de l’évolution des cours de l’or en 2007 ? Le contexte géopolitique international et la dévaluation de la monnaie américaine sont 2 indicateurs qui laissent penser que le prix de l’or sera maintenu à des niveaux élevés en 2008. Quelle tendance se dessine pour 2008 selon vous ?
Tant que le contexte économique sera marqué par le manque de visibilité et l’incertitude, l’or restera une valeur refuge. Le cours de l’or ne peut que poursuivre sa hausse, d’autant qu’historiquement, son cours actuel n’est pas haut. Je pense qu’il devrait rester dans une fourchette comprise entre 18 000 et 22 000 euros le kilogramme.

Que représente l'orpaillage illégal en Guyane ?
L’orpaillage illégal a une très mauvaise image, mais il faut savoir que cette pratique est le fait de personnes en détresse, qui viennent du nord du Brésil, une des régions les plus pauvres au monde. Ce sont des gens qui vivent et travaillent dans de mauvaises conditions, dans la forêt et en utilisant du mercure, ce qui est très polluant. Il faut aussi savoir que l’orpaillage illégal alimente tout une économie locale. Cette activité doit représenter entre un tiers et la moitié de la production guyanaise d’or.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy