Interview de Gérard Degonse : Directeur Général Finance et Administration Corporate du groupe JCDecaux

Gérard Degonse

Directeur Général Finance et Administration Corporate du groupe JCDecaux

Aucun rapprochement avec le groupe américain Viacom n'est à l'étude

Publié le 08 Août 2008

Vous avez enregistré une baisse de votre bénéfice net et de votre résultat d'exploitation au premier semestre. Comment l’expliquez-vous ? Est-ce un point négatif pour le groupe ?
Les raisons de cette baisse sont à la fois d’ordre macroéconomique et microéconomique et les effets macroéconomiques ont été plus importants que par le passé.
La force de l’euro contre le dollar, la Livre Sterling et le yuan chinois a réduit la marge opérationnelle du Groupe d’environ 6 millions d’euros. Ce phénomène n’avait jamais été aussi significatif.

Par ailleurs, le ralentissement économique en Grande Bretagne, et dans une moindre mesure en France, qui constituent pour le Groupe des marchés importants, a également eu des effets néfastes sur la progression du Chiffre d’affaires de ces deux pays et donc des marges.

Vous avez confirmé votre objectif annuel d'une croissance interne du chiffre d'affaires comprise entre 6% et 7%.  De quelle manière comptez-vous y parvenir, quels seront les principaux moteurs de vos perspectives ?
Certains experts comme UBS estiment une prévision de croissance organique pour l’année prochaine à 2% , pour un EBITA (un équivalent de l’excédent brut d’exploitation) anticipé d’environ 6%, inférieur de 10% au consensus des analystes. Qu’en pensez-vous ?
Pas de changement. Les moteurs de notre croissance au 1er semestre seront également les moteurs de la croissance du second semestre. La question est plutôt de savoir comment la croissance se répartira entre les différentes régions et entre les différents segments d’activité.
Nous pensons que les transports continueront à bien se porter. Davantage d’interrogations portent sur l’activité affichage qui est par nature plus cyclique parce que plus sensible aux cycles économiques.

J’ai beaucoup de respect pour les analystes d’Ubs et les prévisions qu’ils sont amenés à établir mais pour ce qui nous concerne, nous n’avons à ce jour aucune indication sur  ce que sera l’exercice 2009. Rien sur le marché ne permet de définir avec exactitude la tendance à venir.
La dégradation de la conjoncture constitue il est vrai un point d’inquiétude, mais il est trop tôt pour donner une indication sur notre niveau d’activité en 2009. Nous pensons que la solidité de notre modèle économique, renforcée par nos positions dans des pays en forte croissance, pourrait constituer un amortisseur.

Récemment, le Conseil d'Etat a jugé que la Ville de Paris pouvait étendre le réseau Vélib' exploité par JCDecaux au-delà de la capitale, dans une trentaine de communes limitrophes. Par ailleurs, le groupe a remporté le marché dans un certain nombre de grandes villes françaises. On peut considérer que le service Vélib’© semble promis à une extension nationale.
Pour certains, Vélib a été lancé dans un univers automobile mal adapté. Trois morts à Vélib' depuis le lancement le 15 juillet 2007.
Par ailleurs, si le groupe a gagné en visibilité, la dégradation et les vols rendent le système onéreux pour la société. A Paris sur 16.000 Vélib', plus de 3.000 ont été volés et 3.000 autres totalement dégradés, nécessitant donc une intervention lourde pour remettre le vélo en état. Au total, ce sont ainsi 30% du parc qui sont affectés par le vol et le vandalisme.
De quelle manière comptez-vous palier à ces difficultés ?
Nous déplorons bien évidemment tout accident mortel de la circulation que ce soit avec des vélos, des motos ou des voitures. Parler de « trois morts Velib’ ©» n’a pas grand sens car que je sache, nous n’avons jamais associé des accidents de la route à tel ou tel constructeur automobile. Ces accidents sont souvent liés à un manque d’attention voire de respect de l’autre sur la voie publique. Il appartient je pense, aux pouvoir publics de veiller au  bon usage de l’espace public par tous ceux qui y circulent : piétons, vélos, deux roues, voitures, etc….

Au demeurant, Velib’© est un transport public individuel qui fonctionne extrêmement bien. On dénombre 29 millions d’utilisateurs du vélo en un an, ce qui est considérable.

Concernant les difficultés rencontrées sur le plan de l’utilisation du Velib’©, il y a lieu de distinguer deux choses. Tout d’abord la qualité du service et du produit.
Velib’© est assurément un succès sur toute la ligne. La ville de Paris a commandité une étude auprès de TNS Sofres au mois d’avril qui a révélé que près de 94% des utilisateurs étaient satisfaits ou très satisfaits du Velib’©.

Au-delà de ce succès, nous pouvons déplorer les comportements de vol et de vandalisme qui sont plus importants que ce que nous avions anticipé et qui constituent un problème à la fois pour le Groupe mais également pour la ville.
Nous travaillons avec la municipalité pour trouver des solutions à ce problème d’intérêt général.

Une des solutions envisagée est de renforcer les vélos en service en termes de matériaux utilisés ?
Il y a eu un débat au début sur le poids du vélo. Le poids du vélo est un gage de solidité et de stabilité donc de sécurité. On comprendra aisément qu’un vélo qui est utilisé 10 à 14 fois par jour a besoin d’être plus robuste qu’un vélo qui est utilisé une fois par mois. Cette question sur le poids du vélo est malheureusement indépendante de la question du vandalisme: renforcer les vélos ne mettra pas automatiquement fin au vandalisme.

A combien chiffrez-vous les pertes liées à ces dégradations ou à ces vols ?
Nous n’avons pas souhaité communiquer sur ce sujet. Nous ne donnons généralement aucune information sur nos contrats et leur déroulement.

JCDecaux mise sur le reversement par la mairie d'une partie des recettes des abonnements et des consommations de Vélib'. Vu le nombre de stations vides et la quantité de vélos «épaves» sur les bornes, il est peu probable que la mairie de Paris accorde à son prestataire le taux maximal de reversement ?
Nous n’avons jamais « misé » sur un reversement de la ville de Paris et aucune hypothèse de ce type n’a été prise en compte dans nos projections.
Par ailleurs, ces reversements sont basés sur des critères liés à la qualité du service et au niveau de performance du système. JCDecaux ne saurait être tenu pour responsable de ces dégradations.

En ce qui concerne les stations vides, il y a la perception et la réalité. Une station vide cela arrive mais il est néanmoins exceptionnel que dans un rayon de 200 à 300 mètres, toutes les stations soient vides.

Qu’en est-il de l’exportation du Velib à l’international ? Londres, Shangai, Séoul ou encore Brisbane, Chicago, Lisbonne, Helsinki et Hambourg se sont montrées intéressées pour la formule parisienne du vélo en libre-service.
Une bataille semble s’être déclenchée avec Clear Channel  pour investir le marché américain, notamment la ville de New York ?

Nous sommes en discussion avec un certain nombre de villes à propos de programmes de vélos. Certains projets sont plus réalistes que d’autres du fait de la configuration des villes et du climat.

Hormis Dublin qui est en cours de montage, il est peu probable que nous installions un programme de vélos en libre-service dans une ville étrangère d’ici à la fin de l’année. La fin de l’année est déjà bien chargée en France

Quant à ce que vous appelez « La bataille pour la ville de New York engagée avec Clear Channel » c’est un scoop, nous n’étions pas au courant.

Vous avez décroché le contrat de concession publicitaire de l'aéroport international d'Alger.
L’appel d'offres portait sur l'ensemble des terminaux de l'aéroport et des espaces extérieurs. Sur quelle durée porte le contrat ? Quel montant représente le contrat ?

C’est là une vitrine exemplaire de votre savoir-faire en matière de publicité et de communication événementielle dans les aéroports. D’autres contrats de ce type sont-ils à prévoir d’ici la fin de l’année ?
Nous ne pouvons pas nous exprimer sur les détails de ce contrat.

Nous travaillons sur un certain nombre de dossiers qui concernent d’autres aéroports. Nous espérons être en mesure de faire des annonces d’ici la fin de l’année.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de votre cours de bourse en recul de près de 44% depuis le début de l’année ? Une baisse de l’objectif du cours par certains analystes en raison des risques qui pèsent sur le groupe liés à l'affaiblissement continu des marchés de la publicité, et des comparables de plus en plus défavorables.
De quelle manière appréhendez-vous l’évolution du marché de la publicité dont le groupe est dépendant? Quels impacts de la dégradation de la conjoncture économique percevez-vous ?

Le cours de bourse de la société a baissé d’environ 40% depuis le début de l’année. Il avait monté de près de 25% l’année dernière. Le CAC a perdu 25% depuis janvier 2008 et n’avait pratiquement pas progressé en 2007.

Dans cet environnement incertain, le marché des médias est très sensible à tout retournement boursier.

Pour ce qui concerne le Groupe JCDecaux, nous poursuivons le déploiement de notre stratégie industrielle et nous continuons à ouvrir de nouveaux marchés dans des régions à forte croissance.

Une consolidation du secteur de l'affichage semble inévitable. Les trois principaux acteurs mondiaux détiennent 30 % du marché. Il faudra donc surveiller les intentions de JCDecaux à ce sujet. Les rumeurs du marché évoquent avec insistance un rapprochement du groupe français avec l'américain Viacom Outdoor?
Nous pouvons certes tout-à-fait imaginer des opérations de consolidation dans les mois à venir suite à la prise de contrôle de Clear Channel par des fonds d’investissement ou à des mouvements chez tel ou tel opérateur, mais à ce stade c’est de la pure spéculation.

Le Groupe JCDecaux est prêt à faire des acquisitions si des opportunités se présentaient mais à ce jour rien ne bouge et le rapprochement du groupe avec l’américain Viacom dont vous vous faites l’écho est un second scoop. Nous n’étions pas au courant de ces rumeurs.

On peut d’ailleurs s’interroger si le moment est propice à des ventes d’actifs.

Le groupe a déclaré qu'il souhaitait doubler de taille en cinq ans, peut-être au moyen d'une grosse acquisition. Où en sont vos projets de croissance externe ?
Nous ne nous sentons pas contraints à faire de la croissance externe pour la croissance. Nous avons des positions fortes sur tous nos marchés..

Ceci étant, nous avons toujours à l’étude des projets d’acquisitions de petites tailles, mais rien de véritablement significatif.

Le flottant du titre n'est que de 27 %. L'actionnariat familial représente 73 %. Ceci a-t-il vocation à évoluer ?
La répartition de l’actionnariat pourrait éventuellement évoluer en cas d’acquisition «transformante» qui nécessiterait une augmentation de capital.

Un dernier mot pour vos actionnaires ?
Nos actionnaires soutiennent la stratégie de développement du Groupe et nous font confiance. Cette confiance nous crée un devoir de transparence et de réussite, ce que toutes les forces de l’entreprise essaient de réaliser au jour le jour dans les 54 pays où le Groupe est présent.

Propos recueillis par Imen Hazgui