Interview de Pascal Bouchiat : Directeur Général Adjoint en charge des Finances de Rhodia

Pascal Bouchiat

Directeur Général Adjoint en charge des Finances de Rhodia

L’augmentation de nos prix de vente continuera à compenser la forte hausse du coût lié aux matières premières

Publié le 04 Septembre 2008

Pourriez-vous nous faire quelques commentaires sur vos résultats du premier semestre ? Ces derniers ont été supérieurs aux attentes. Quels ont été les principaux moteurs de vos performances ?
Les résultats de ce premier semestre ont révélé la capacité du groupe à exercer son pricing power, c'est-à-dire sa capacité à augmenter ses prix de manière plus importante que la progression des prix des matières premières et de l’énergie.

Nos prix ont augmenté de 6,5%, soit 150 millions d’euros sur les six premiers mois, l’augmentation du coût lié à l'énergie et aux matières premières ayant été de 135 millions d'euros au premier semestre, dont 78 millions au deuxième trimestre. Cela a été possible grâce à la qualité et à la solidité de notre position sur nos différents secteurs d’activité.

Un deuxième moteur de nos performances a résidé dans la gestion de nos frais fixes. Ces derniers se sont caractérisés par une relative stabilité entre le premier semestre 2007 et le premier semestre 2008.
Des actions de productivité ont permis de compenser la totalité de l’inflation de ces frais qui s’élevait à 20 millions d’euros.

Vous avez confirmé vos prévisions pour le second semestre, en particulier une stagnation, voire une baisse de l’Ebitda qui pourrait atteindre jusqu'à 5% par rapport à 2007.
De quelle manière ces prévisions-vous permettent elles de vous positionner par rapport à vos concurrents et vis-à-vis du marché dans sa globalité ?

Ces 5% concernent l’ensemble de l’année 2008 en comparaison avec toute l’année 2007.

Ceci prend en compte l’impact significatif de la baisse du dollar sur nos résultats qui a représenté environ 60 millions d’euros.
Même si le dollar commence à quelque peu se raffermir, nous pensons que nous aurons à subir sur l’année une répercussion importante, de l’ordre d’une centaine de millions d’euros, de cette faiblesse du dollar par rapport à l’euro et vis-à-vis du réal brésilien.

Nous pensons néanmoins être en mesure de continuer à compenser la forte hausse du coût lié aux matières premières par l’augmentation de nos prix de vente.

Pensez-vous que votre politique de prix, afin de préserver la rentabilité de toutes vos activités pourra se poursuivre dans les mois à venir compte tenu de la forte dégradation de la conjoncture économique frappant de plein fouet les entreprises et les ménages ?
Notre stratégie vise clairement à privilégier la hausse des prix de vente par rapport à l’augmentation des volumes.

Il faut savoir qu’une partie significative de notre activité, 30% de nos ventes, sont relatifs à des produits dont la croissance est générée par des enjeux de développement durable.
Par exemple les plastiques techniques (polyamide 6.6), dont nous sommes le deuxième fabricant mondial, ont des propriétés de résistance aux hautes températures et de fluidité grâce auxquelles ils peuvent se substituer au métal dans la construction automobile. Ils permettent de réduire le poids des véhicules et ainsi la consommation de carburant.

Une autre illustration peut être donnée par le remplacement progressif des lampes à incandescence par des lampes à basse consommation d’énergie. Rhodia produit des composants entrant dans la fabrication de ces lampes à basse consommation.

Nous sommes par ailleurs le premier fabricant mondial de silice haute performance (+ de 60% de parts du marché mondial) pour l’industrie pneumatique. Ces silices remplacent le noir de carbone dans les pneus, réduisant leur résistance au roulement, ce qui permet une économie de plus de 5% de la consommation de carburant.

Dès lors, cette position forte et la demande de nos clients de développer nos productions nous permettent d’augmenter nos prix de vente pour compenser la hausse des coûts des matières premières et de l’énergie.

En outre, notre positionnement sur les marchés à forte croissance accentue davantage cette faculté. 44% de notre chiffre d’affaires est généré en Asie et en Amérique latine, en particulier au Brésil qui représente près de 17% de notre CA et en Chine.
Ceci constitue un véritable facteur de soutien face à la dégradation de la conjoncture économique aux Etats-Unis et en Europe.

Vous avez lancé une nouvelle fibre intelligente baptisée Emana. De quelle manière envisagez-vous le développement et l’exploitation de cette fibre. Quels gains en escomptez-vous ?
Il est encore trop tôt pour parler avec précision des gains attendus. Cette nouvelle fibre contenant un additif breveté qui lui confère des propriétés de thermorégulation et d'activation de la microcirculation sanguine et qui permet une réduction de la fatigue musculaire, a vocation à être utilisée dans les vêtements de sport et dans la lingerie.

L’activité fibre brésilienne représente au sein du groupe environ 200 millions d’euros de chiffre d’affaires. Cette nouvelle fibre renforcera la croissance de cette nouvelle activité dans cette zone géographique qui est en forte expansion actuellement.

Qu’en est-il de votre expansion à l’international ? Des projets d’acquisition sont-ils envisagés d’ici la fin de l’année ? Dans quels domaines en particulier ?
A ce jour plus de 90% du chiffre d’affaires de Rhodia est effectué en dehors du marché français.
Nous souhaitons poursuivre notre extension à l’international. Nous avons un certain nombre de projets de mise en place de nouvelles unités de production, en Inde, en Chine, au Brésil…dans plusieurs de nos secteurs d’activité.

Nous souhaitons par ailleurs, en terme de croissance externe, développer quatre de nos métiers, l’activité de Polyamide, l’activité de Silcea, l’activité de Novecare, et l’activité Energy Services.
Nous sommes alors attentifs à toute opportunité qui pourrait se dégager dans les mois qui viennent.

De quelle marge de manœuvre financière disposez-vous ?
Nous disposons d’environ 400 millions d’euros de cash au bilan. Nous avons en outre une ligne financière non tirée de plus de 500 millions d’euros.

Vous avez été accusé par Invista d’avoir détourné une de ses technologies, en l’occurrence la technologie de fabrication de l'adiponitrile (ADN), un intermédiaire utilisé dans la conception du nylon. Ce n’est pas la première action intentée par ce dernier. De quelle manière l’expliquez-vous ?
Nous avons indiqué notre volonté de développer nos positions sur ce même marché. Nous étudions la possibilité de la construction d’une nouvelle unité d'adiponitrile, en Asie ou au Moyen-Orient dans la prochaine décennie.
Ce type de développement met en danger la position dominante d’Invista qui essaie par tous les moyens de ralentir ou d’empêcher la progression de Rhodia dans cette activité phare qui intéresse de multiples applications prometteuses.
Nous sommes confiants que l’action intentée par Invista n’est pas de nature à retarder ou à faire obstacle à la mise en œuvre de notre plan de développement.

Un dernier mot pour vos actionnaires. Votre résultat net par action devrait progresser par rapport à celui de 2007. De combien environ ?
Notre résultat net était 129 millions d’euros en 2007. Il devrait connaître une progression cette année illustrant à la fois la qualité de nos positions et la qualité de notre structure financière qui se traduit par la baisse des frais financiers.

Propos recueillis par Imen Hazgui (avec l'aide d'Antoine Ragot)