Interview de Graham Smith : Senior Vice-President, External Affairs and Environmental Affairs de Toyota

Graham Smith

Senior Vice-President, External Affairs and Environmental Affairs de Toyota

Notre objectif : dépasser le million de voitures vendues par an dès début 2010

Publié le 10 Octobre 2008

Votre groupe est-il devenu le numéro un mondial ?
Même si le chiffre d’affaires du groupe Toyota sur les six premier mois de l’exercice en cours a dépassé celui de General Motors, nous restons prudents puisque l’année n’est pas encore terminée. Nous ne nous considérons donc pas comme le premier constructeur au monde. La route est encore longue avant cela et nous n’anticiperons pas avant d’avoir le résultat définitif de l’exercice.

Pour autant, nous sommes très heureux de constater que les clients ont confiances dans nos produits et ce, de manière générale.

Votre groupe a-t-il été affecté par la crise financière ?
La situation financière dans le monde affecte l’ensemble des marchés et bien entendu, le secteur automobile est très clairement impacté par cette conjoncture.

Acheter un véhicule fait partie des choix et des décisions qui sont, pour le client, majeures. Ainsi pour ce dernier, la préoccupation vis-à-vis de ses finances futures et la baisse de confiance en l’avenir va impacter sa façon d’acheter.

Le marché de l’automobile a commencé à décliner en Europe, en Amérique du Nord et au Japon. En outre, sur des marchés dynamiques et à forte croissance comme la Chine ou la Russie, l’impact se ressent également. Nous ne parlerons pas pour l’instant de déclin sur ces marchés, cependant nous constatons un ralentissement significatif de la croissance de nos ventes.

Y a-t-il eu d'autres facteurs qui vous ont impacté, comme par exemple la flambée des prix du pétrole ou, plus généralement, du prix des matières premières ?
Effectivement, il n’y a pas qu’un seul facteur qui détermine le choix du consommateur à acheter une voiture ou non. J'ajouterais que les hausses du prix des matières premières et notamment du pétrole sont elles aussi liées à sa situation financière.

Je pense que le lien entre tous les facteurs est quelques fois complexe et que pour le consommateur c’est parfois difficile de comprendre les liens de cause à effet entre ces données économiques. Cependant ce que le consommateur comprend et perçoit ce sont les effets de cette crise sur l’économie.

Lorsqu’ils sont confrontés aux situations comme les troubles que connaissent les banques et les institutions financières «détruites», rachetées ou soutenues par les gouvernements, les consommateurs sont très concernés et cela affecte directement leurs décisions lors d’un achat conséquent comme une voiture.
 
Toyota a récemment lancé son nouveau modèle de petite citadine, la iQ («la Smart Japonaise»), est-ce de cette manière que vous compter réagir à la flambé des prix du pétrole ?
La politique du groupe Toyota est de planifier et d’orienter ses choix stratégiques en regardant très loin dans le futur. Nous anticipons par exemple les problèmes d’approvisionnement en énergie et ce, non pas à un ou deux ans, mais à dix, quinze, vingt ans.

C’est pour cette raison que nous développons d’une part, une gamme de moteurs hybrides, et que, d’autre part, nous sommes également en train de développer de nouveaux modèles comme l’IQ à destination de l’Europe et du Japon.

L’IQ se démarque notamment par une faible émission de CO2. Avec la boîte de vitesse BVM 5 le véhicule rejette 99g/km de CO2, ce qui est un résultat positif et nous espérons que cela motivera le consommateur.

J’ajouterais que la voiture nous donne un avant-goût de ce qui peut être atteint en termes d’innovation, par sa taille, son espace intérieur flexible et toute la technologie qui équipe la voiture.

Que comptez-vous faire en matière d’écologie ?
Toyota est un groupe qui a une très haute responsabilité en termes d’environnement, et cela fait parti de notre culture depuis le tout début.

Nous travaillons perpétuellement à essayer de minimiser notre utilisation en termes de ressources naturelles. D’ailleurs, les efforts sur la chaine de production de Toyota est un des aspects pour lequel nous sommes connus.

En outre, l’engagement de réduire les émissions de C02 à 140g/km sera atteint par Toyota en 2009 sur l’ensemble de nos gammes.

Pourquoi ne pas avoir généralisé la technologie hybride à l’ensemble de vos gammes de voiture ?
Parmi nos voitures, nous avons déjà trois modèles sous la marque Lexus qui sont équipés de moteurs hybrides, tandis que sous la marque Toyota, nous ne disposons pour le moment que de la Prius…

Nous poursuivons le développement des moteurs hybrides pour la gamme Toyota. Dès janvier nous lancerons notre troisième génération de moteurs hybrides qui équipera à termes nos voitures de marque Toyota.

Parallèlement nous améliorons en permanence nos moteurs essence et diesel pour réduire leurs consommations et leurs émissions de CO2.

A ce sujet, pourquoi ne pas avoir directement équipé les nouveaux modèles d’une technologie hybride ?
Tout simplement par souci d’efficacité, car notre principale problématique est de réduire le plus rapidement possible nos émissions de CO2. En outre, nous n’avons pas encore la capacité industrielle de produire assez de moteurs hybrides pour tous nos modèles.

Il faut donc que notre usine au Japon, qui est spécialisée dans la production de piles pour moteurs hybrides, augmente rapidement sa capacité de production pour pouvoir envisager d’implanter notre technologie hybride sur d’autres modèles.

Quand sera-t-il possible de le faire ?
Notre objectif en matière d’hybride est de pouvoir dépasser le million de voitures hybrides commercialisées par an et ce dès début 2010.

Quant à 2020, notre ambition est d’équiper l’ensemble de nos gammes de voitures avec un moteur hybride.

Quelle est votre niveau de recyclage et comment évolue votre politique en la matière ?
Nous avons déjà un très haut niveau de recyclage.

Nous avons une structure qui nous permet de collecter et de recycler les moteurs hybrides. Ainsi avec la Prius, nous recyclons au total 95% de la voiture, ce qui est pour nous un très très bon niveau de recyclage !

J’ajouterais que c’est dans notre intérêt de récupérer ces moteurs car cela nous permet de le recycler et ainsi, de limiter nos besoins en matières premières pour en construire de nouveaux.

Justement, BMW travail autour d’un concept de carrosserie en “peau synthétique”, cela pose la question du coût des matières premières pour les constructeurs automobiles. Quelle sont vos avancées sur ce point ?
Au sujet des matières premières, nous effectuons des recherches notamment sur de nouveaux matériaux qui nous permettrons de réduire le poids de la voiture.

C’est une problématique que nous connaissons depuis longtemps. L’exemple c’est que la Prius a bénéficiée de nos recherches dans ce domaine. Outre le fait d’avoir équipé ce modèle avec notre technologie hybride nouvelle génération, nous avons réduit la taille du système de motorisation réduisant, au même moment, les coûts de production de cette technologie.

Notre challenge technologique pour ce type de moteur est d’en réduire de moitié la taille, le poids et les coûts de production.

Ce choix est jusqu’à présent un succès, et nous permettra d’être capables d’accélérer l’implantation de ce type de moteur à l’ensemble de nos gammes.

Toyota garde-t-il dans sa manche un concept de voiture novateur qui intégrerait des avancées en matière de technologie, de matériaux composites utilisés ou autre ?
Je dirais que le modèle IQ est déjà un peu un de nos as sorti de notre manche, car elle est parfaitement représentative des choix stratégiques que nous faisons.

Nous ne la comparons pas à une Smart car il s’agit d’un modèle 3+1 au minimum et elle est plus flexible qu’une Smart.

Par ailleurs, je ne la comparerai pas non plus avec une voiture low-cost, car elle est intégralement équipée de la technologie que le consommateur recherche. C’est une voiture haut de gamme comparable à nos Lexus, en termes de matériaux, de technologie, avec un plus faible rejet de CO2.

Planifiez-vous le lancement d’une voiture low-cost ?
Dans certains de nos marchés où les véhicules low-cost sont commercialisés, comme en Inde, au Brésil mais également en Europe, nous ne planifions pas de développer spécialement un modèle low-cost.

Il y a une double raison : tout d’abord le groupe Toyota n’a pas une part de marché suffisante pour se positionner sur ce créneaux ; ensuite, les voitures low-cost sont vouées à évoluer.

A terme, ce type de véhicule ne sera plus totalement low-cost… C’est un marché qui devient de lui-même plus sophistiqué.

En Inde ou au Brésil par exemple, au regard de la croissance du PIB, le consommateur à terme voudra d’autres types de voiture dans la mesure où il disposera de plus d’argent. Nous voyons donc beaucoup plus d’opportunités à niveau-là, en anticipant l’émergence de cette nouvelle demande.

Nous avons déjà annoncé l’implantation de nouvelles usines, au Brésil et en Inde, l’une prévue en 2010 et l’autre pour 2011.

Précisons que sur ce type de marché, nous n’avons pas encore décidé lesquels de nos modèles de voitures seront commercialisés...

Comment voyez-vous évoluer le marché de l’automobile à moyen/long terme ?
Je pense que la seule manière de voir le marché de l’automobile à long terme ce n’est pas en termes de chiffre d’affaires, mais en termes de mobilité durable.

Peut importe le type de véhicule à mobilité personnelle qu’il y aura dans le futur, nous devons, de façon drastique, réduire l’impact de notre mobilité sur notre environnement, aussi bien en matière de production que d’utilisation.

De notre point de vue, faire des efforts dans ce sens, en développant les carburants alternatifs, l’électricité, en réduisant notre consommation de matières premières, en mettant l’accent sur le recyclage, etc. sont les éléments à prendre en compte sérieusement pour atteindre le «zéro émission de CO2». Cet objectif est pour Toyota réalisable.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy et Antoine Ragot