Interview de Philippe Joly : Directeur de la Stratégie et des Relations Investisseurs au sein du groupe Eramet

Philippe Joly

Directeur de la Stratégie et des Relations Investisseurs au sein du groupe Eramet

Une société en forte croissance et pas de turbulence à l'horizon

Publié le 09 Novembre 2007

La hausse du chiffre d'affaires d'Eramet Manganèse est particulièrement marquée (+ 51,2%), grâce à la très forte augmentation des prix du minerai et des alliages de manganèse. Les prix FOB du minerai de manganèse ont plus que doublé en septembre et ceux des alliages ont gagné 40%. Par ailleurs, la production mondiale d'acier au carbone, principal secteur consommateur de manganèse, a progressé de 7,3% sur les neuf premiers mois de l'année. Pensez-vous que ces facteurs favorables à votre activité ont vocation à perdurer ?
A court terme, nous ne voyons pas de baisse des prix des alliages ou du minerai de manganèse. Notre marché final pour le manganèse est l’acier. L’acier est un secteur en forte croissance au niveau mondial, avec une croissance d’environ 7% par an depuis 2000, grâce notamment à la demande chinoise. Cette forte demande n’est pas un phénomène de courte durée, car le potentiel du développement chinois reste considérable. Sur le plan de l’offre de minerai de manganèse, nous constatons que très peu de projets de nouvelles capacités sont annoncés aujourd’hui, ce qui devrait contribuer à soutenir les cours à des niveaux plus élevés que par le passé, même si des ajustements sont possibles par rapport aux niveaux actuels. Nous sommes donc très optimistes sur les perspectives de long terme de la branche manganèse, dont le chiffre d’affaires a représenté environ le double de celui du nickel au 3ème trimestre 2007.

Eramet Nickel est en baisse par rapport aux niveaux trimestriels moyens du 1er semestre 2007. Vous annoncez une baisse des livraisons de nickel d'Eramet Nickel, liée à la chute de la demande. Comment expliquez-vous la chute de la demande ? Dans quels secteurs en particulier ?
Le marché du nickel est affecté par une phase de déstockage sur son principal débouché, l’acier inoxydable (environ deux tiers du marché du nickel). Celle-ci s’explique d’une part par des excès de la production mondiale au 1er semestre 2007, avec le démarrage rapide de plusieurs nouvelles usines en Chine et d’autre part, par des phénomènes spéculatifs amplifiés par les mouvements des cours du nickel au London Metal Exchange. Au-delà de ce phénomène de déstockage, la demande réelle reste soutenue. Par ailleurs, les autres secteurs consommateurs du nickel restent bien orientés.

Pour autant la baisse de la demande a été largement compensée par le niveau toujours élevé des prix du nickel. Les cours du nickel au LME restent élevés, à environ 31 000 USD/tonne en moyenne au mois d'octobre. Pensez-vous que vous continuerez à bénéficier du cours du nickel et que celui-ci sera à même de compenser le faible niveau de la demande ou les incidents techniques éventuels ?
Comme les autres producteurs, nous ne faisons pas de prévisions officielles sur les cours du nickel au LME. Néanmoins les analystes tablent sur une reprise de la demande après la fin du déstockage, ce qui contribuerait à soutenir les cours en 2008.

Eramet fait l'objet d'une intense spéculation sur l'évolution de son capital. Le titre avait dépassé vendredi le cap des 300 Euros, pour la première fois de son histoire. Il s’est envolé jusqu'à 322,75 Euros. Quel regard portez-vous sur la situation ?
Nous signalons simplement que nos actionnaires de référence ont reconduit leur pacte d’actionnaires pour une durée de un an fin juin 2007. Nous n’avons pas d’autres commentaires.

Côté développement, Eramet entend renforcer sa présence à l’international, et tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie et en Chine. Grâce à la forte hausse du prix des matières premières, Eramet a engrangé d'importantes liquidités. Le groupe dispose d'une marge de manoeuvre financière pour procéder à d'éventuelles acquisitions. Avez-vous des projets en ce sens ?
Nous avons en effet des importants projets de croissance interne ainsi que des ambitions de développement externe. Notre priorité est bien sûr de consolider et de développer nos sites existants dans nos trois branches, mais nous visons une croissance accélérée, qui passe nécessairement par le développement de nouveaux gisements, notamment pour le nickel et le manganèse. C’est ce que nous avons fait en réalisant en 2006 l’acquisition du gisement de nickel de Weda Bay en Indonésie, qui va nous permettre de doubler de taille dans le nickel, une fois que l’exploitation aura démarré après la construction de la mine et de l’usine associée. Dans le nickel, nous disposons d’un atout majeur, qui est notre nouvelle technologie de traitement hydrométallurgique des minerais de nickel oxydés. Ce type de procédé consiste à extraire le nickel par voie chimique au lieu de le fondre dans des fours ; il permet de réduire drastiquement la consommation d’énergie et donc les coûts de production.

Eramet a choisi Technip pour mener les études de faisabilité de son projet d'usine de Weda Bay (Indonésie), qui lui permettra, à partir de 2013, de doubler sa production. Pourquoi avoir choisi ce partenaire ?
Technip a été sélectionné notamment pour sa compétence pour la gestion de grands projets et sa connaissance de cette zone géographique dans laquelle il est implanté significativement.

Propos recueillis par Imen Hazgui