Interview de Julien  BLANCHARD  : Cofondateur et Président du directoire de Hoffmann Green Cement

Julien BLANCHARD

Cofondateur et Président du directoire de Hoffmann Green Cement

Le ciment est au coeur de l'urgence environnementale mondiale

Publié le 10 Octobre 2019

Pouvez-vous nous décrire rapidement votre entreprise ?
Hoffmann Green est une société créée en 2014 par mon associé David Hoffmann et moi-même spécialisée dans la production de ciments décarbonés. Elle s’articule aujourd’hui autour d’un laboratoire de recherches et d’une unité de production de dernière génération. Par notre entrée sur le marché Euronext Growth, nous avons pour ambition d’accélérer le développement Hoffman Green par une levée de fonds de l’ordre de 55 millions d’euros.

Pouvez-vous nous expliquer les grandes lignes de force du marché du ciment
?
C’est, après l’eau, le matériau le plus utilisé au monde. Chaque année dans le monde sont produites 4,6 milliards de tonnes de ciment, dont 18 millions sur le seul marché français. Ce marché très actif se répartit entre le béton préfabriqué, le béton prêt à l’emploi et celui des sacs de ciment. L’objectif de Hoffmann Green est d’adresser ces trois marchés porteurs, historiquement occupé par de très grands groupes.

Sur quelle intuition avez-vous basé le lancement de votre activité
?
La composition du ciment Portland n’a pas évolué depuis deux cents ans : elle repose sur le calcaire, extrait du sol dans des carrières. Concassé puis chauffé à très haute température, il forme le clinker, à nouveau broyé avant utilisation. C’est ce procédé de production, allié à l’extraction, qui provoque de très importantes émissions de l’ordre d’une tonne de CO2 par tonne de ciment produite. Nous avons donc choisi de proposer une approche écoresponsable novatrice dans ce domaine grâce à notre technologie. Car notre obsession, c’est d’agir au cœur de l’urgence environnementale mondiale. Le ciment représente en effet 7% des émissions de CO2 mondiales.

D’où le « Green » intégré au nom de votre entreprise ? Comment l’expliquez-vous ?
Après cinq années de recherche, nous apportons une réelle rupture technologique dans ce domaine : l’empreinte carbone de notre ciment est cinq fois moins importante que celle de la recette traditionnelle du ciment Portland. Pourquoi ? D’une part parce que notre procédé de production ne comprend pas de cuisson, donc pas de clinker. Et, d’autre part, pas d’extraction ni de calcaire non plus, car nous utilisons à sa place des coproduits comme du laitier de haut-fourneau, un résidu de la fonte de l’acier, des boues d’argile ou du gypse. Autant de matériaux considérés par d’autres industries comme des déchets, et que nous mélangeons à des activateurs et suractivateurs pour activer à froid trois types de ciments décarbonés différents. Ces procédés sont protégés par nos brevets. Grâce à leurs propriétés complémentaires, Hoffmann Green adresse l’ensemble des domaines de la construction. Et tout cela au terme d’un processus de production « zéro déchet ».

Ces atouts écologiques représentent un avantage déterminant dans un contexte normatif qui évolue…

Oui, cet avantage écologique pèse financièrement très lourd. En janvier 2020, les quotas de CO2 gratuits pour les entreprises vont disparaître, et le prix à la tonne de CO2 devrait s’établir sur le marché français autour de 30 euros. La taxe carbone, elle, approche les 45 euros actuellement, mais est sans doute appelée à augmenter, comme en témoigne par exemple son montant actuel de 144 euros en Suède. Nos ciments décarbonés, eux, ne sont tout simplement pas concernés par la taxe carbone.

Votre technologie, écologiquement performante, souffre-t-elle cependant de la comparaison globale avec le ciment Portland à dosage équivalent
?

C’est tout le contraire, en fait. Du point de vue des performances techniques d’abord : le ciment Hoffmann Green présente par exemple lors des tests une résistance mécanique deux fois plus importante que celle du ciment traditionnel et une meilleure tenue au feu. Et, côté performances économiques, son utilisation représente un bénéfice immédiat en termes de productivité grâce au raccourcissement significatif du temps de prise et au décoffrage plus rapide.

Aujourd’hui, comment assurez-vous la production de votre ciment décarboné ?
Nous disposons d’une usine de production 4.0 positionnée en Vendée. Sur une superficie de 60 000 m2, elle ne produit aucun déchet. Pas de four ni de cheminée, ni aucune des autres nuisances de voisinage des cimenteries traditionnelles. Sa capacité de production, atteinte en 2020, sera de 50 000 tonnes par an. Grâce à la levée de fond, cette usine sera d’ici 2024 confortée par la construction de deux nouveaux sites : un deuxième bâtiment à proximité immédiate du premier, et un autre bâtiment de production en région parisienne. Les emplacements ne sont pas choisis au hasard, puisqu’ils nous permettent de profiter du transport maritime ou fluvial, nettement moins impactant en termes de bilan carbone. De quoi servir le carnet de commandes sécurisées de 150 000 tonnes à ce jour, dont la production est étalée jusqu’à 2025.

Quel est le modèle de votre développement commercial ?

Depuis son origine, l’entreprise s’appuie sur des partenaires industriels engagés d’abord dans des prestations d’ingénierie « upfront ». Ce ticket d’entrée, dans le secteur du béton préfabriqué, donne lieu en plus des ventes en volume à un contrat d’exclusivité de trois à cinq ans portant sur le domaine d’application de chaque client. Dans le secteur de la vente de ciment en sacs, le déploiement s’appuie sur des réseaux de distribution extérieurs, comme le prévoit par exemple le contrat signé avec Point P pour une commercialisation à partir du printemps 2020. Enfin, du côté du béton prêt à l’emploi, qui constitue le point central du marché, nous l’abordons par des partenariats structurants. À partir de 2022-2023, une fois notre situation consolidée en France, nous étudierons un modèle de licences à l’international.

Quelle visibilité avez-vous sur le développement de votre entreprise ?
Notre objectif de commande pour 2021 est de 50 000 tonnes, soit la capacité totale de notre outil de production. Cet objectif est, à ce jour, déjà sécurisé à 80 %. À 5 ans, après la construction de deux sites de production supplémentaires, nous visons une production annuelle de 550 000 tonnes pour un chiffre d’affaires supérieur à 120 millions d’euros et une marge EBITDA de l’ordre de 40 %.. Grâce notamment à un positionnement à forte valeur ajoutée appuyée sur une faible structure de coûts, à des capex limités et au caractère facilement duplicable de nos sites de production industrielle.
Pour cette introduction en bourse, nous avons reçu des engagements de souscription notamment de La Caisse des Dépôts et consignations, d’investisseurs comme Sycomore, La Financière Arbevel, d’industriels comme le groupe Cougnaud. . Quant aux actionnaires historiques, une clause de lock-up bloquera toute vente de leurs titres sur une durée minimale de 12 mois.





Aymeric Jeanson