Interview de Sylvain de Bus : Senior Asset Manager Fixed Income au sein de Dexia AM

Sylvain de Bus

Senior Asset Manager Fixed Income au sein de Dexia AM

Les obligations indexées, un placement financier intéressant pour l'investisseur long terme

Publié le 29 Septembre 2008

Comment expliquez-vous forte la baisse des breakevens et des marges d’asset swap de ces dernières semaines, deux mesures du prix relatif des obligations indexées sur l’inflation ?
Quelle évolution de ces indicateurs anticipez-vous ?

Les break-even d’inflation comme pricés par les différents instruments de marché ont en effet fortement baissé sur les dernières semaines.
Le mouvement était plus prononcé sur les maturités courtes. Ce mouvement s’explique par une baisse des anticipations d’inflation suite aux mouvements sur le marché des matières premières. Le prix du pétrole a ainsi baissé de  50 $ sur les deux derniers mois.
Ce mouvement a de plus été accentué par les mauvaises nouvelles sur le plan économique.

La classe d’actifs devrait avoir une performance proche des obligations nominales de même maturité dans les mois à venir.
Les anticipations d’inflation sont maintenant proches du « target » mis en avant par la BCE, laissant moins de marge à la baisse sur les break-even d’inflation. Un risque plus prononcé de récession anticipé par le marché pourrait néanmoins encore ramener les anticipations d’inflation plus à la baisse.

Ce risque est nettement plus prononcé sur le marché des zéro-coupon swaps d’inflation où les valorisations sont nettement moins intéressantes suite à des gros flux receveurs et des distorsions sur le marché swap suite à la crise financière.

Est-il pertinent de se tourner vers des placements financiers ayant pour finalité une protection contre l’inflation à l’heure actuelle ? Quels sont les principaux utilisateurs de tels placements?  
L’inflation reste à des niveaux élevés, mais devrait néanmoins baisser et atteindre les 3% durant la première moitié de 2009 suite à des effets de base positifs.

La demande pour la classe d’actifs dans les mois à venir dépendra beaucoup de l’évolution future des prix des matières premières et de l’évolution de la crise financière et de l’économie mondiale.

Les caractéristiques propres à la classe d’actifs en font un placement financier intéressant pour l’investisseur long terme.
Cette classe d’actif permet  en effet à l’investisseur de protéger son pouvoir d’achat. L’inflation peut ainsi durant certaines périodes augmenter de manière inattendue et représenter une menace significative sur le pouvoir d’achat.
De plus ce type d’actifs permet d’optimaliser son portefeuille d’investissement suite à sa faible corrélation avec d’autres classes d’actifs (par exemple actions, obligations à haut rendement,…).

Les utilisateurs de ce type de produits sont multiples et l’utilisation dépend de leurs activités et de leurs besoins. D’une part les payeurs d’inflation reçoivent, de par leurs activités, des revenus liés à l’inflation et souhaitent les échanger par des flux non indexés.
Les payeurs d’inflation sont par exemple des souverains ou des institutions dont les revenus sont liés à l’inflation telles que les services publics, les entreprises immobilières, …

Les receveurs d’inflation sont généralement les institutions financières dont le passif est indexé sur l’inflation. Par exemple des fonds de pension, des compagnies d’assurance,…

D’autres investisseurs à mentionner sont par exemple les assets managers et les banques.

Les chocs subis par les marchés financiers cette année vont coûter chers aux émetteurs des obligations indexées, notamment les souverains français, américains, britanniques.
Quelle sera l’importance de ce coût à votre avis ?

Il est clair que les chocs subis par les marchés financiers auront des conséquences pour les émetteurs souverains. La croissance déjà en baisse dans la zone euro tend vers une récession pour différents pays de la zone (Irlande, Espagne, Italie,..) dont la durée est incertaine pour l’instant. Ce qui aura un impact conséquent sur les déficits budgétaires et l’émission d’obligations souveraines qui en découlent.

Le même raisonnement est valable pour les Etats-Unis qui de plus devront financer le plan de bail-out mis en place.

Le coût se reflète dans des spreads plus larges demandés par exemple pour la plupart des pays périphériques de la zone euro où les répercussions de la crise financière sont pour l’instant les plus importantes.
Pour une obligation Espagnole de maturité à 10 ans, un spread de plus de 45 pb est demandé contre l’Allemagne (contre moins de 10 pb il y a un an).
Pour l’Italie et la Grèce qui sont deux émetteurs d’obligations indexées, les spreads contre Allemagne ont augmenté de 40 bp en un an.

L’émetteur a-t-il un intérêt à continuer à émettre des obligations indexées à l’avenir eu égard aux anticipations de faible inflation?
Si l’émetteur s’attend à une inflation qui reste faible ou même s’affaiblit dans les années à venir, le coût de financement pourra être amélioré pour les souverains.
De plus l’émission d’obligations indexées à l’inflation permet aux Etats d’améliorer leur crédibilité en terme de lutte contre l’inflation.

De même l’émission d’obligations indexées à l’inflation permet aux Etats de diversifier le risque de leur portefeuille de dettes.
Ce type d’émissions permet aussi d’attirer d’autres investisseurs et des sources de financement additionnelles.

C’est pourquoi nous ne nous attendons pas à de majeurs changements dans le pourcentage de dettes indexées émises par les Etats, surtout en prenant en compte la hausse attendue des déficits publiques.
Le poids relatif de dettes indexées globales continuera à augmenter suite à un intérêt de plus en plus marqué de nouveaux émetteurs comme l’Allemagne.

De plus le niveau d’endettement des Etats comme mentionné ultérieurement a tendance à augmenter et obligera ces derniers à émettre plus de dettes indexées et non indexées pour financer leurs différents plans de relance.

Propos recueillis par Imen Hazgui