Interview de Philippe Cimadomo : PDG de Metrologic Group

Philippe Cimadomo

PDG de Metrologic Group

Nous n’avons pas senti d'effondrement du marché sur la période

Publié le 30 Janvier 2009

Vous avez publié vos résultats au titre de l’exercice 2007-2008, faisant notamment état d’un chiffre d’affaires en hausse de 14,5% à 27 millions d’euros, ainsi que d’une marge nette de 40%. Vous avez fait mieux que vos propres prévisions ; quel commentaire vous inspirent ces chiffres ?
Nous nous attendions à un exercice 2008 difficile, et nous avions prévu d’une part, de devoir faire un effort important sur les prix de façon à conserver nos clients malmenés par le marché, et d’autre part, de faire des dépenses un peu plus importantes au niveau marketing, mais qui ne sont intervenues qu’à la fin de notre exercice.

L’un et l’autre n’ayant pas eu lieu, nous avons pu dégager une marge de 40%, donc supérieure à nos prévisions qui étaient de 37%... En outre, nous avons réalisé un chiffre d’affaires également supérieur à nos prévisions, or nos dépenses avaient été calibrées pour un chiffre d’affaires de 26 millions d’euros et nous avons finalement fait 27 millions d’euros, ce qui explique également le niveau de nos marges…

La crise économico-financière a-t-elle eu un impact important sur les commandes des grands comptes, en particulier dans l’aéronautique ?
Le grand compte sur lequel nous attendions quelque chose d’important, Boeing en l’occurrence, ne nous a pas lâché, il a simplement reporté légèrement son projet de B-787 en raison de problèmes techniques… Nous avions franchement espéré ce chiffre d’affaires d’environ 1,5 million d’euros pendant l’exercice 2007-2008, mais il n’est pas arrivé.

Pour Airbus, c’est différent. Nous n’avons pas été impactés par les retards sur le programme A380, mais davantage par l’effet négatif sur les marges causé par l’effondrement du dollar et qui les a poussé à réduire leurs investissements en général…

Cela étant, le nouveau projet A350 a été lancé par Airbus et arrive à maturité pour ce qui nous concerne. Nous avons donc de gros espoirs de le voir aboutir dans le courant de l’année 2009.

Et l’A400M…
Nous avons effectivement fait des ventes sur ce projet, mais il s’agit d’un programme militaire, dès lors, les quantités en jeu ainsi que les investissements effectués sont bien différents…

Pour vous donnez un ordre d’idée, environ 15 machines ont été achetées pour ce projet, alors que pour l’A350, nous sommes sur une centaine de machines...

Avez-vous été notablement impactés par la faiblesse du dollar ?
Oui, nos comptes en ont clairement souffert. Par ailleurs, nous disposions dans nos comptes en dollar, de 13,5 millions de dollars, la perte comptable que nous avons été contraints de faire passer au 30 septembre dans nos comptes a clairement impacté notre marge. Ceci dit le cours étant redescendu aux alentour du cours moyen d'achat, nous nous en somme finalement séparés à bon compte en Octobre.

En outre, nous avons sans doute été impactés, de manière indirecte cette fois, par le fait que nos produits se sont vus être chers aux Etats-Unis, même si nous avons fait un effort et perdu de la marge. Nous avons certes augmenté nos prix, mais pas en les multipliant par 1,5 – alors que le dollar est repassé à 1,60 euro. Au total, nous nous sommes retrouvés avec des produits «chers», uniquement par le truchement des évolutions de la monnaie…

Il y a une dizaine d’années, votre activité était à 80% tournée vers le secteur automobile. Depuis, cette part ne porte plus que sur 35%. Allez-vous poursuivre dans ce sens…
En fait, nous ne diminuons pas notre présence dans cette activité, mais nous faisons croitre la part des autres secteurs. D’ailleurs, si nous comparions les chiffres d’affaires réalisés à cette époque avec ceux d’aujourd’hui, nous nous apercevrions peut-être que nous en faisons autant sinon plus, et peut-être mêmes en volume puisque nous avons gagné de nouvelles parts de marché dans ce domaine.

Cela étant, tous nos efforts aujourd’hui portent sur les autres secteurs, d’autant plus que le secteur automobile est malade et génèrera probablement moins de chiffre d’affaires en 2009 qu’il n’en a généré en 2008. C’est pourquoi tous nos efforts de marketing et de vente se portent sur d’autres secteurs dont, principalement, l’aéronautique, les OEM, l’énergie, le ferroviaire, le naval, l’éducation etc., c’est-à-dire là où il existe encore un fort potentiel de croissance, ce qui n’est pas le cas de l’automobile…

Vous avez annoncé votre souhait de vous ouvrir davantage au mid-market, pourriez-vous nous en dire un peu plus ?
Ce marché concerne toutes les entreprises de mécanique, petites et moyennes, qui ne sont donc ni des grands groupes, ni des sous-traitants directs. Le potentiel de ce marché est énorme puisqu’il est établi que 55% des moyens de contrôle sont implantés chez eux.

Par contre, la difficulté pour notre structure commerciale actuelle, c’est le fait qu’il s’agit là de sociétés plus difficiles à atteindre parce qu’il faut les solliciter une par une et avoir des discussions avec beaucoup de personnes, tandis que dans un grand groupe, une fois qu’on a trouvé la porte d’entrée, on discute certes longtemps mais avec peu d’interlocuteurs.

Autrement dit, ce marché exige de l’énergie, de la présence sur le terrain et une exposition beaucoup plus importante, ce qui est notre challenge pour les 5 années à venir.

Vous avez d’ailleurs créé un nouveau produit, Microlog, plus adapté à ce type de clients…
Il s’agit en effet d’un produit plus adapté, plus simple à utiliser et moins cher, c’est-à-dire d’«entrée de gamme», et qui nous permet d’aborder ce marché-là avec beaucoup plus de chance de réussite qu’avec les produits que nous avons développé pour les grands groupes…

Ce produit est encore récent, mais vous avez déjà remarqué qu’il vous permettait finalement de vendre vos produits haut de gamme…
Effectivement, et nous en sommes les premiers étonnés ! Bien souvent, nous avons remarqué que ce produit permettait d’ouvrir la porte du client qui, au final, avait des besoins importants et était prêt à faire le pas pour acquérir nos produits «haut de gamme».

Soit le client fait tout suite ce pas, choisissant d’emblée un produit «haut de gamme», soit la structure du logiciel nous permet de lui faire une migration sans perte de données, du produit d’«entrée de gamme» vers le produit «haut de gamme». Ceci fait parti de notre stratégie, c’est pourquoi nous avons beaucoup travaillé sur la compatibilité…

De fait, si au bout de plusieurs années d’utilisation, les besoins du client augmentent, nous lui mettons à disposition une passerelle technique et financière…

Qu’attendez-vous pour l’exercice 2008-2009 ?
Sauf à savoir se servir d’une boule de cristal, je ne pense pas que l’on puisse prévoir ce que va être l’avenir. Toutefois, sur le premier trimestre de cet exercice (d’octobre à décembre), nous n’avons pas été déçus. Notre croissance est de 30% -nos dernières acquisitions ont eu un rôle important bien sûr-, et nous n’avons pas senti un effondrement du marché sur cette période.

Par contre, il est certain que les mauvaises nouvelles ne sont pas encore toutes tombées, et nous attendons avec crainte, de même que la majorité des industriels, que le premier trimestre civil (donc notre second trimestre, de janvier à mars) se termine…

Mais vous maintenez vos prévisions, notamment pour 2011-2012, où vous vous êtes fixés un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros…
Nous avons maintenu parce que nous n’avons pas de raison de sombrer dans une vision pessimiste des choses, comme on peut l’entendre dans les médias. Nos clients ne sont pas morts et nous espérons toujours qu’ils débloquent les fonds pour réaliser leurs projets en 2009.

Quant à 2012, étant donnée notre agressivité commerciale, les croissances externes réalisées et celles qu’il reste à faire, nous estimons pouvoir atteindre cet objectif…

Comment comptez-vous accroitre ou conserver la part récurrente de votre chiffre d’affaires ? Allez-vous vous appuyer sur votre nouvelle activité de service pour cela ?
La récurrence de notre chiffre d’affaires est importante et représente aujourd’hui 36% de notre CA. Elle s’appuie essentiellement sur les contrats de maintenance de logiciels, c’est-à-dire l’abonnement souscrit par nos clients pour obtenir de nouvelles versions.

Il s’agit d’une récurrence que nous allons conserver, d’autant plus qu’en période de crise, celle-ci nous rend vraiment service puisque nous allons démarrer la nouvelle année avec plus de 30% de notre CA déjà dans nos caisses.

Pour ce qui est de notre activité de service, cette dernière va surtout nous permettre de proposer des offres beaucoup plus globales, puisqu’auparavant, nos clients étaient contraints de s’adresser à d’autres sociétés pour la partie mesure et service. Cette activité va également nous apporter une proximité plus grande avec nos clients, notamment parce qu’étant aussi des utilisateurs de nos produits, les désirs et besoins des clients vont pouvoir remonter jusqu’à nous plus rapidement ce qui nous permettra de faire évoluer plus vite et mieux nos solutions...

Comptez-vous réaliser des acquisitions cette année et quel montant disposez-vous pour cela ?
C’est un lieu commun, mais il est vrai que la période est plutôt propice à ce genre d’opération. Nous disposons d’ailleurs d’une trésorerie confortable de 45 millions d’euros qui nous permet d’envisager de futures acquisitions sans avoir à faire appel au marché ou aux banques.

Nous ne visons pas vraiment de zones géographiques en particulier, mais nous devrions d’abord nous tourner vers l’Europe et les Etats-Unis, où on trouve des entreprises pouvant nous apporter quelque chose technologiquement, ainsi que de nouvelles parts de marché comme aux Etats-Unis, mais aussi en Europe et notamment en Allemagne, en Espagne et en Italie.

Les principaux critères sont donc que l’entreprise nous apporte soit des parts de marché intéressantes pour nous, nous ouvrant donc de nouveaux territoires, soit une technologie complémentaire à la notre, ou soit les deux, ce qui est beaucoup plus rare…

Quelle sera votre politique de dividendes cette année ?
Le dividende n’a cessé de grossir ces dernières années, et nous allons proposer à l’assemblée générale du 9 mars un dividende de 1 euro. Il est vrai que ce dividende parait être inférieur à celui versé pour l’exercice 2006-2007, qui était de 1,63 euro environ, mais ce n’est pas le cas.

Nous avions versé au titre de l’exercice 2005-2006, un dividende de 0,87 euro (après 0,50 puis 0,60 euro), or nous proposons aujourd’hui un dividende de 1 euro.

Ce qui trompe, c’est le dividende « exceptionnel » versé en 2006-2007 qui s’explique par le fait que nous nous étions engagés, si nous ne faisions pas d’acquisitions en 2007, à faire profiter nos actionnaires de la trésorerie inemployée en leur versant un dividende exceptionnellement élevé…

Ce fut bien le cas en 2007, mais dans la mesure où nous avons réalisé deux acquisitions en 2008 et que nous avons l’espoir d’en faire en 2009, nous proposons cette fois un dividende de 1 euro.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy