Interview de Pascal Houillon : président de Sage France

Pascal Houillon

président de Sage France

Nous avons toujours une vraie volonté de poursuivre nos acquisitions

Publié le 04 Décembre 2007

Pourriez-vous nous présenter votre société et ses produits pour la gestion des PME ?
Sage est une société internationale qui développe et commercialise des logiciels de gestion pour les entreprises, de la TPE au grand groupe : c’est-à-dire des logiciels de gestion intégrés, ou bien distincts comme la comptabilité, la paye, la facturation, etc.

La plupart du temps, nous vendons nos logiciels au travers d’un réseau de distribution qui intègre les applicatifs directement auprès des PME. Nous faisons également du support téléphonique à l’utilisation et à l’accompagnement de nos clients.

Nous avons environ 5,5 millions de clients dans le monde et nous employons 13 900 personnes.

Vous venez de présenter vos résultats annuels pour 2007, quels commentaires vous inspirent-ils ?
Il y en a plusieurs. Le premier concerne l’extension géographique de Sage qui continue de s’affirmer puisque, historiquement, la société a été créée au Royaume-Uni. Or nous constatons au travers des chiffres que nous venons de publier qu’avec 1,7 milliards d’euros de CA, Sage commence à se diversifier dans le monde.

Le Royaume-Uni représente ainsi 19% de notre activité, tandis que toute l’Amérique du Nord (Canada compris) représente 44%, l’Europe continentale 30%, et l’Asie et les pays émergents, 7%.

Nous avons enregistré une croissance de CA de l’ordre de 30% qui se répartit en croissance organique pour 7%, mais aussi au travers d’acquisitions. Le marché de l’édition de logiciels (et notamment de gestion) est en effet un marché en pleine concentration, or Sage est un des acteurs de cette consolidation.

Vous avez enregistré une croissance organique de 7% sur l’année. Quels ont été les moteurs de cette croissance ?
Les moteurs de cette croissance sont liés à nos produits historiques sur le marché des PME – les ventes se sont très bien développées durant cette année –, mais également au fait que les produits issus du rachat d’Adonix, que nous avions acheté il y a 2 ans, constituent aujourd’hui un moteur important de notre croissance.

Cette croissance organique se répartit entre Europe continentale (+10%), Royaume-Uni (+7%), mais aussi dans le reste du monde où elle s’élève à 17%, parce que les marchés y sont en pleine croissance et à des niveaux supérieurs aux marchés européens ou Nord américains déjà bien équipés en général. 

Il y a également le développement important des activités service et support en plus de la vente de logiciels : nous enrichissons en permanence notre base installée de clients qui ont un besoin d’accompagnement, de support téléphonique, de mise à jour des produits, etc.

Le marché du logiciel européen a connu une nouvelle année de croissance comme le relève la dernière édition du Truffle 100. Toutefois, la précédente édition faisait état d'une augmentation de 15,1% du chiffre d'affaires et de 35% des bénéfices. Or en 2007, la croissance du CA est inférieure de plus de la moitié à 6,6% (22 milliards d'euros). Quel constat tirez-vous sur l’évolution du marché du logiciel européen actuellement ?
Il faut rester prudent face à ce classement, car il ne s’agit pas d’une étude de marché. Le Truffle 100 répertorie toutes les entreprises européennes, or il suffit qu’une société réalise une acquisition à l’étranger pour qu’elle augmente son chiffre d’affaires, pourtant en dehors de l’Europe. Symétriquement, il suffit qu’une société européenne soit rachetée par une entreprise américaine pour être d’un seul coup évincée du classement.

La croissance à laquelle fait référence le Truffle 100 n’est donc ni une croissance de marché, ni une croissance moyenne de l’ensemble des acteurs… Si demain SAP se fait racheter par Microsoft, le Truffle 100 Europe présenterait une décroissance de 30% du CA !

Je crois donc qu’il ne faut pas regarder ces 6,6% d’augmentation sur l’année 2006, car ils ne sont pas du tout à périmètre constant. 

Si on le compare aux résultats de sociétés comme Oracle qui a fait une croissance de 22%, ou Microsoft qui a fait 11% de croissance, ce chiffre laisse toutefois apparaître, sur la même période que l’ensemble du Truffle 100 a fait une croissance de 6,6%.

Les marchés européens, au niveau de l’édition de logiciels, sont entre 5 et 6% de croissance organique, ce qui recoupe un peu les données du Truffle 100. Quant aux marchés américains, ils sont légèrement au-dessus, et plus encore pour ce qui est des marchés asiatiques qui enregistrent des croissances à deux chiffres depuis plusieurs années maintenant.

Sage se place donc plutôt bien puisque le classement du Truffle 100 Europe fait ressortir nos chiffres comme très encourageants : Sage fait 30% de croissance avec une croissance organique de 7%. Nous surperformons donc le classement du Truffle 100, grâce aussi bien à notre croissance organique qu’à notre capacité à nous introduire dans les nouveaux marchés (autant géographiquement qu’en termes de diversification) en faisant des acquisitions pour justement accélérer notre croissance.

Votre offre publique d'achat simplifiée sur l'éditeur français de logiciels d'entreprise XRT a été ouverte du 8 au 28 novembre. Qu’attendez-vous de cette acquisition ?
Il s’agit d’une acquisition que nous avons annoncée début septembre. L’OPA simplifiée s’étant terminée hier (jeudi 28 novembre), nous devrions avoir les résultats de l’opération en milieu de semaine prochaine.

Notre volonté dans cette acquisition est double : d’une part, continuer à nous renforcer sur un domaine où nous sommes relativement forts en France qui est la trésorerie et la gestion des moyens de paiement. Et d’autre part poursuivre les synergies à l’international : XRT est très présent en Espagne, au Portugal, au Brésil, avec une diffusion de ces produits dans la plupart des pays européens et Nord américains… Nous avons donc la volonté d’accélérer cette diffusion des offres XRT au niveau européen.

Nous avions déjà appliqué cette stratégie lors de l’acquisition il y a 2 ans d’Adonix : nous avons renforcé la position de ses offres au niveau du marché domestique français, et nous avons profité de notre implantation internationale en tant que groupe pour créer un effet de levier sur ces offres.

Vous avez signé un partenariat technique et commercial avec Neteven dernièrement. Pouvez-vous nous en dire plus sur les synergies attendues ?
Ce partenariat ne touche que la France. Nous avons annoncé à notre réseau de distribution fin novembre que nous avions intégré nos offres de produits avec cette place de marché, qui s’ouvre d’ailleurs sur plusieurs autres places de marché. Nous apportons ce type de service à nos clients pour qu’ils puissent en bénéficier en dynamique avec nos produits, et cela quelle que soit leur taille.

Pour l’instant, ces produits ne sont pas encore utilisés par nos clients puisqu’ils ne seront lancés que début décembre. Nous avons simplement présenté ces produits lors de Sage Expo, notre évènement annuel qui réunit près de 1 500 professionnels de l’informatique partenaires de Sage, qui eux-mêmes vont aller déployer l’offre auprès des clients.

D’autres dossiers d’acquisitions ou de partenariat sont-ils à l’étude ? Quels secteurs ou zones géographiques privilégiez-vous ?
Nous avons toujours une vraie volonté de poursuivre nos acquisitions dans la mesure où il s’agit d’un aspect important de notre développement. Il est évident qu’il y a des pays dans lesquels nous ne sommes pas encore présents en Europe, et pour lesquels nous regardons les opportunités, comme l’Italie. Les pays de l’Est, les pays asiatiques, et pourquoi pas, l’Amérique du Sud sont étudiés de près.

Donc, aujourd’hui nous sommes en plein déploiement. Nous souhaitons rentrer dans des marchés au moment où ils sont stables, quand un acteur a pu s’y développer. Notre stratégie ne consiste pas à aller ouvrir un bureau pour préconiser l’utilisation de nos produits, mais bien d’entrer dans un pays en rachetant le n°1 ou 2. Il faut donc que la cible ait une taille critique suffisante pour que l’on puisse l’intégrer dans notre business model. Nous n’irons pas si le marché n’est pas assez mature pour nous le permettre.

Par ailleurs, en stratégie d’acquisition, dans les pays où nous sommes très forts –Royaume-Uni, Amérique du Nord…-, nous avons une diversification que l’on doit continuer à opérer sur le mid-market et sur des offres verticales. Nous allons continuer à monter en gamme, mais aussi intégrer des offres qui sont dédiées à certains secteurs d’activité particuliers.

Lesquels ?
Par exemple, il y a un an et demi, Sage a acheté une société américaine spécialisée dans le domaine médical et qui faisait 280 millions de dollars de CA. En France, nous avons acheté il y a 2 ans Cogestib, une société qui avait développé un outil de gestion spécialisé dans l’automobile, ou encore Elit et C2G qui disposaient d’offres spécifiques aux secteurs de la logistique et de l’agroalimentaire.

Il y a donc des secteurs dans lesquels nous pensons qu’il y a une pertinence à rentrer, soit parce qu’il y a du volume, soit parce que le marché est lui-même très fragmenté et qu’il appelle à une consolidation.

De quelle marge disposez-vous pour réaliser ces opérations ?
Aujourd’hui, notre gearing est assez faible. Nous avons la chance d’avoir un operating cash flow assez élevé, de l’ordre de 114% de notre EBITA. Par ailleurs, 50% de notre CA est fait au travers de contrats de maintenance qui sont payés maintenant pour des contrats étalés sur les 12 ou 24 prochains mois.

Le gearing étant très faible et notre activité générant beaucoup de cash, nous avons  donc une capacité d’emprunt assez élevée.

Ceci étant, si demain nous devions réaliser une très grosse acquisition, le groupe aura sans doute la capacité de retourner voir la bourse, mais nous ne privilégions pas ce cas de figure.

Quels sont vos objectifs sur le marché français ? Et dans le reste du monde ?
Nous ne communiquons pas d’objectifs, mais nous restons confiants sur l’année 2008. Nous devrions faire une bonne année, qui commence d’ailleurs très bien.

Prévoyez-vous d'augmenter vos investissements en R&D ?
Suivant les pays, la R&D représente entre 16 et 20% de nos effectifs. En France, près de 500 collaborateurs sont dédiés au développement et à l’amélioration de nos produits. Suivant les opportunités de croissance, chaque filiale nationale de Sage les augmente ou les adapte.

Il n’y a donc pas de réponse unique, mais nos investissements en R&D demeurent importants puisqu’ils évoluent proportionnellement à l’augmentation de notre CA.

Le mot de la fin pour vos actionnaires.
Nos résultats ont été appréciés par la bourse, puisque le titre a augmenté de pratiquement 9,5% à l’annonce des résultats, et nous avons augmenté de plus de 95% les dividendes versés.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy