Interview de Katia  Ruet : Directeur conseil auprès des directeurs financiers chez Deloitte en France

Katia Ruet

Directeur conseil auprès des directeurs financiers chez Deloitte en France

Le sentiment des directeurs financiers des entreprises françaises sur l'évolution de l'environnement économique et financier

Publié le 25 Avril 2013

Selon votre dernier baromètre sur le sentiment des directeurs financiers en France, ces derniers affichent un moindre optimisme sur la suite des
évènements dans l'Hexagone. Cette conclusion vous a-t-elle surprise ?

69% des directeurs financiers sont pessimistes face à la conjoncture économique contre 56% en septembre 2012. Nous n'avons pas été surpris par ce moindre optimisme.
Celui-ci est à nuancer. En premier lieu, des signes de frémissement ont pu être perçus concernant la possibilité à venir de procéder à des opérations capitalistiques. Ensuite, l'incertitude perd en intensité lorsque les directeurs financiers livrent leur analyse sous le seul prisme de l'activité de leur entreprise.

Cette proportion grimpe à 70% dans le secteur de la finance contre 30%
seulement en septembre...

Indépendamment de la détérioration du tissu économique, il y a deux
explications possibles à cela. Il y a eu une plus forte représentativité du
secteur de la finance dans les réponses obtenues. Il y a peut être un effet
masse.
On peut également penser que le durcissement réglementaire est de nature à
les amener à alimenter une relative inquiétude.

Le pessimisme ambiant reflète-t-il la réalité ou est-il une caractéristique
intrinsèque à la France ?

La question a clairement été soulevée par de nombreux observateurs. Est on
par nature moins optimiste en France qu'ailleurs dans le monde ? Je pense
que ce moindre optimisme est à analyser en fonction du contexte économique
dans lequel nous nous trouvons. De toute évidence la conjoncture va mal et
ne semble pas grandement s'améliorer.

Les perspectives de croissance sont surtout attendues en Amérique du nord et dans les pays émergents.
Absolument. La tendance haussière est particulièrement escomptée en Asie.
Nous n'avons pas fait de zoom précis sur les pays.

Avez-vous tenté de recueillir leur opinion s'agissant de la politique
économique conduite par le gouvernement ?

Nous avions posé la question dans le cadre d'une autre enquête sur la
compétitivité en France. Dans le cadre du baromètre qui nous intéresse nous
avions posé une question sur les facteurs de pessimisme et d'optimisme. La
coordination des politiques économiques européennes ressort comme un élément
plutôt neutre.

Comment voient-il évoluer les marchés financiers ?

Ils n'ont pas d'avis tranché sur le sujet. Ils ne s'attendent pas vraiment à
ce que ce soit un élément d'aggravation de leur situation ni un élément d'amélioration. Ils sont dans une position d'attentisme.

Sur le plan stratégique, leur priorité va à la réduction des coûts et à la
recherche de cash...

Diminuer les couts pour gagner en compétitivité et miser sur la croissance
organique par de nouveaux marchés et de nouveaux produits sont des axes
essentiels dans cet environnement morose. Parallèlement, ils entendent avoir
une certaine maitrise du cash-qui constitue le nerf de la guerre- par le
levier de l'optimisation du besoin en fonds de roulement. Cela repose sur
l'efficience opérationnelle des processus intrinsèques de l'entreprise sur
l'ensemble de la chaine de valeur. Ce n'est pas seulement l'affaire d'un
seul projet pour collecter plus de créances de la part des clients ou
réduire les délais des fournisseurs.

De quelle manière cela se matérialise-t-il ?
Par la diffusion d'une culture cash.

Avez-vous tenté d'identifier les postes les plus affectés par la diminution
des coûts ?

Pas à ce stade.

Peut-on déduire de cette opinion relativement négative des directeurs
financiers que les entreprises ne seront pas prédisposées à recruter cette
année ?

Je ne le pense pas. Les entreprises ne sont certes pas prêtes à investir
dans des capacités supplémentaires, ou dans les actifs financiers. Elles ne
sont pas non plus en mesure d'intensifier la distribution des dividendes ou
les rachats d'actions ou encore d'augmenter les salaires.
Elles sont cependant désireuses d'investir dans la recherche et le
développement et ainsi a priori des de créer postes dans ce pôle.

Les sources d'approvisionnement en liquidité ont été diversifiées. De
nouveaux pourvoyeurs émergents tels que les sociétés de
capital-investissement et les hedge funds ?

Dans la mesure où certaines entreprises peuvent avoir des conditions de
financement plus attractives que certaines banques elles mêmes, pour limiter
le risque de liquidité, les directeurs financiers ont identifié l'étude de
nouvelles solutions de financement avec différents acteurs.
Cependant, l'accès à ces sources alternatives n'est pas sans contrainte.
Elle impose aux entreprises d'afficher des ratios financiers de qualité. Cet
accès est donc à géométrie variable selon le profil et la taille des
entreprises.

Avez-tenté de distinguer en fonction des spécificités des entreprises ?

Non. 75 directeurs financiers d'entreprises françaises ou de filiales
françaises d'entreprises étrangères représentatives de l'ensemble des
secteurs de l'économie. Nous n'avons pas voulu intégrer de biais sectoriel
ou dimensionnel. Nous nous sommes avant tout attachés à la perception des
directeurs financiers dans leur ensemble.

Etre-vous entrés plus dans le détail de l'analyse du volet social ?

La seule information que l'on tire du baromètre à ce sujet est que les
directeurs financiers sont d'avis qu'ils passent suffisamment de temps à la
gestion des ressources humaines. Elle ne constitue pas une préoccupation.

Les conclusions du prochain baromètre devraient être publiées début octobre. A quelle suite des évènements vous attendez vous ?

Celle-ci va beaucoup dépendre de ce qui passera dans le reste du monde, en
particulier aux Etats-Unis. J'espère un meilleur optimisme général en dépit
d'une impression défavorable dans certaines zones localisées. 

Propos recueillis par Imen Hazgui