Interview de Philippe Kubisa : Associé spécialiste des marchés de capitaux chez PricewaterhouseCoopers

Philippe Kubisa

Associé spécialiste des marchés de capitaux chez PricewaterhouseCoopers

IPO : de grandes valeurs technologiques pourraient faire leur entrée en bourse en France au second semestre 2017

Publié le 12 Avril 2017

Vous venez de rendre compte des principales conclusions de votre dernière édition « IPO Watch Europe ». Quel principal enseignement en tirez-vous ?
De manière assez surprenante, l’étude de ce premier trimestre a dévoilé un marché des IPO qui ne se porte pas si mal en Europe. Même si nous n’avons pas encore retrouvé la dynamique des années euphoriques que nous avons connues en 2014-2015, le constat est positif. Nous aurions pu appréhender le contraire du fait des divers aléas politiques et géopolitiques existants.

Ainsi, 53 opérations ont pu lever 4,5 milliards d’euros ces trois premiers mois de l’année, contre 50 opérations et 3,5 milliards d’euros sur la même période l’année dernière.

Londres est ainsi redevenue la place boursière européenne la plus active en matière d’IPO avec 20 opérations ayant levé au total 2,1 milliards d’euros. Comment expliquer l’absence d’impact du Brexit ?

L’absence d’impact du Brexit sur le marché des IPO à Londres n’est pas foncièrement étonnant. Fin 2016, l’annonce de l’issue du référendum qui avait été organisée sur la question n’avait eu que très peu d’incidence sur les marchés financiers globalement, et sur la place de Londres en particulier. Nous sommes dans la continuité de ce phénomène.

Il y a lieu de garder à l’esprit que la procédure de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne vient juste d’être déclenchée et qu’elle devrait au moins durer deux ans. Surtout Londres n’a cessé de répéter ne pas du tout être dans l’optique de perdre le bénéfice du passeport européen pour les opérateurs qui exercent à partir de la capitale britannique.

Est-ce à dire que tout soupçon autour de la perte de ce bénéfice serait de nature à entamer la vigueur du marché des IPO outre-Manche ?

Très probablement des tensions palpables durant les négociations autour du maintien de ce passeport seront susceptibles d’avoir une répercussion négative très nette sur le marché des IPO à Londres. Difficile cependant de mesurer l’ampleur du contrecoup.

Un sursaut est observé sur le marché des IPO en France en dépit de l’incertitude qui plane sur le front politique en raison des élections présidentielles à venir…

Effectivement. La Bourse de Paris a accueilli 4 IPO au cours dU premier trimestre 2017, d’un montant total de 80 millions d’euros, soit un niveau équivalent aux deux derniers trimestres 2016, mais bien supérieur au 1er trimestre de l’an dernier qui n’avait enregistré qu’une seule IPO de 3 millions d’euros. 

Indéniablement, ce sursaut se justifie par l’embellie de la toile de fond macroéconomique au sein de l’Hexagone.

La baisse de la prime de risque politique pourrait-elle donner lieu à un élan bien plus puissant sur ce marché des IPO en France
?
Il y a fort à penser que la désignation d’un candidat qui a la faveur des marchés aura pour conséquence d’animer davantage ce marché des IPO en France. On pourrait alors s’attendre à une très bonne année pour les opérations d’entrée en bourse.
Une relative accalmie devrait se dessiner d’ici la connaissance des résultats finaux de ces élections. En cela le deuxième trimestre devrait se caractériser par une certaine inertie.

Trois grandes opérations ont été réalisées au cours des trois premiers mois de l’année, qui ont permis de lever plus de 700 millions d’euros : Prosegur Cash (750 millions d’euros) et Neinor Homes (709 millions d’euros) et BioPharma Credit (705 millions d’euros). Quels commentaires cela vous inspire-t-il ?

La taille de ces opérations n’est pas en soi exceptionnelle. Nous avons pu relever les années antérieures des levées de fonds de la même envergure.

Trois secteurs d’activité ont dominé le marché des IPO en Europe ce premier semestre : la finance, l’industrie et la santé ?

Contrairement aux Etats-Unis, le marché des IPO en Europe se distingue par une assez bonne diversification sectorielle même si certains secteurs tirent davantage leur épingle du jeu.

En France, le secteur de la biotechnologie continue à être bien représenté. Lysogène et Inventiva ont pu collecter plus de 70 millions d’euros à elles deux.
On attend toutefois toujours la cotation de grandes valeurs technologiques, les fameuses licornes de demain. Il est possible que le second semestre de l’année soit emprunte de surprises positives sur ce point.

Propos recueillis par Imen Hazgui