Interview de Sébastien  Korchia : Directeur des gestions actions chez Meeschaert Asset Management

Sébastien Korchia

Directeur des gestions actions chez Meeschaert Asset Management

Le Cac 40 devrait atteindre les 5600 points cet été malgré le sujet des élections législatives

Publié le 24 Avril 2017

Quel regard portez-vous sur le résultat du premier tour des élections présidentielles françaises ?
Ce résultat n’était pas hautement attendu par le marché. En atteste la performance du Cac 40 de plus de 4% ce lundi. L’issue du premier tour a également eu un impact positif dans la sphère obligataire et sur le segment des devises.
A présent, la réaction des investisseurs a été modérée par le fait qu’il n’y avait pas de vive inquiétude à propos d’un scénario catastrophe qui opposerait les deux extrêmes Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.

En cela, nous pouvons parler d’un soulagement...

Le dénouement du premier tour éloigne de manière quasi définitive le risque du « Frexit », autrement de la sortie de la France de l’Union européenne. En conséquence, les stratégies de couverture qui avaient été mises en place ont été massivement débouclées.

La grande question qui se pose à présent est celle de savoir si Emmanuel Macron sera effectivement en capacité de gouverner...

Si le programme d’Emmanuel Macron parait pragmatique et favorable à l’Europe, aux entreprises, et à la dynamique économique de la France, il n’est pas acquis qu’il pourra être aisément appliqué. Pour ce faire, il lui faut un ensemble parlementaire a minima cohérent. Cela ne sera pas évident.

Pour autant, nous pouvons penser que le sujet des élections législatives aura surtout une dimension franco française et ne sera pas de nature à mettre à mal l’appétit des investisseurs internationaux pour les actions françaises et les actions européennes.

Ces derniers maîtrisent moins les subtilités politiques de la France. En particulier, les investisseurs anglo saxons, grands pourvoyeurs de flux, sont plus dans une logique présidentielle.

Par ailleurs, il n’est pas certain que sans majorité absolue à l’Assemblée pour Emmanuel Macron, la France sera un bateau ivre à la dérive. Nous avons pu être confrontés ces derniers temps à des pays pas facilement gouvernables comme l’Espagne, l’Italie, la Belgique mais qui ont tout même réussi à fonctionner politiquement et économiquement avec des résultats assez corrects.

Le résultat du premier tour vous a-t-il conduit à des ajustements dans votre allocation ?

Nous ne nous sommes pas mis avant les élections dans une configuration trop marquée sur un plan défensif. Notre gestion s’est caractérisée par une certaine neutralité avec l’idée que le pire n’est jamais certain, et que le marché a eu tendance à réagir de manière assez positive à des évènements politiques préalablement jugés négatifs.

A présent, la conclusion du premier tour nous a conforté dans le sentiment que le marché avait mis en pause son biais value dans l’appréhension et qu’il a décidé de le réactiver dans une optique de reflation et de retour à la croissance.

Jusqu’à quand ce call value serait-il à jouer ?

Ce call value serait à jouer indépendamment de la manière dont se profilent les élections législatives, au moins jusqu’à la fin de cet été. Il pourrait porter le Cac 40 vers les 5500 points-5600 points.

Dans notre scénario, nous percevons une concentration des risques pour le marché à la fin de l’été-début de cet automne.

Pour quelle raison ?

Nous tablons sur une hausse des taux d’intérêt long terme trop élevée aux Etats-Unis par rapport au niveau de croissance qui amènera les investisseurs à mettre en cause leur positionnement sur les actifs risqués outre Atlantique et par voie de contagion en Europe. Ce d’autant plus que l’on sera arrivé à la fin d’un cycle technique clairement identifié.

Comment expliquez-vous cette hausse des taux ?

C’est tout le sujet de la reflation. Sous l’impulsion de la hausse du prix du pétrole et des matières premières l’inflation a beaucoup cru depuis le début de l’année.
Nous sommes d’avis que devrait se matérialiser une inflation de second tour sur fond d’une accélération des salaires.

A priori, la remontée de l’inflation est propice à l’activité des banques et à l’expansion du chiffre d’affaires et des marges des entreprises ?

La trop forte remontée des taux sera nocive pour les crédits auto et les crédits étudiant, par conséquent pour les bilans bancaires, la distribution du crédit et la dynamique de croissance.

Un deuxième indicateur pourrait contribuer à siffler la fin de la partie sur les marchés actions ?

Un alignement du prix des valeurs value avec celui des valeurs growth.

L’effacement de la prime entre les deux composantes sera un autre facteur déclencheur d’une vive correction sur les marchés. Les investisseurs ne seront plus enclins à acheter des actions décotées de sociétés cycliques à risque au prix d’actions de qualité de sociétés génératrices de croissance.

Vous vous attendez à une fin d’année plus perturbée ?

Absolument. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà à l’esprit un signal d’alerte sur l’état de la situation d’ici quelques mois.

La hausse des taux et la vive revalorisation des marchés composera un cocktail qui pourrait avoir un très mauvais gout.
Ce signal est important à retenir pour ne pas se laisser embarquer dans une certaine euphorie qui pourrait ne pas perdurer.

Propos recueillis par Imen Hazgui