Interview de Jean-Marie Mercadal : Directeur général délégué en charge des gestions d'OFI AM

Jean-Marie Mercadal

Directeur général délégué en charge des gestions d'OFI AM

Il ne faut pas s'attendre à un 'Macron trade'

Publié le 11 Mai 2017

Comment expliquez-vous la baisse du CAC 40 suite à l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République ?
Les marchés appliquent le vieux principe : "acheter la rumeur, vendre la nouvelle". La victoire d'Emmanuel Macron avait été largement anticipée, notamment après son débat avec Marine le Pen, il n'y a donc pas eu de surprise. J'ajoute que les cours avaient déjà fortement monté depuis le mois de mars et les élections aux Pays-Bas, les investisseurs internationaux revenant progressivement vers les actions européennes dont ils s'étaient détournés après le Brexit. Aujourd'hui il n'est pas étonnant de voir ces investisseurs prendre une partie de leurs bénéfices. Cela ne remet pas en cause la tendance positive à moyen terme sur les actions européennes.

Il n'y aura donc pas de "Macron Trade", à l'instar de la hausse suscitée par le programme économique de Donald Trump lors de son élection ?
J'en doute. Trump a suscité beaucoup d'optimisme sur les marchés avec ses promesses de baisses d'impôts mais on attend toujours, après 100 jours, la concrétisation de ces mesures. Avec l'élection d'Emmanuel Macron on a évité le pire, c'est-à-dire l'arrivée au pouvoir d'un parti extrémiste et la dislocation de l'Europe. Mais au-delà de ce soulagement qui s'est traduit par une hausse de 5% de l'ensemble des marchés européens, il ne faut pas s'attendre à un "Macron trade". Son programme n'est pas de nature à impacter significativement nos anticipations. Nous pensons, comme en janvier, que le CAC 40 se situera aux alentours des 5500 points à la fin de l'année et atteindra les 6000 points en 2018.

Sur quels éléments fondez-vous cette prévision ?

Nous prévoyons une hausse de 10 à 15% des bénéfices des entreprises européennes cette année, ce qui devrait se traduire, à valorisation constante, par une hausse équivalente des cours. Le CAC 40 a déjà gagné 10% depuis le 1er janvier, il reste donc environ 5% à gagner. Sur le plan macroéconomique il y a un nouvel alignement des planètes pour les actions européennes : un dollar assez fort par rapport à l'euro, un pétrole bas, une croissance mondiale à nouveau synchronisée. Cela devrait permettre un rattrapage des actions européennes, qui restent sous-valorisées par rapport aux actions américaines.

Est-il trop tard pour se positionner sur les marchés actions ?

Compte tenu de la rapidité de la hausse sur les dix derniers mois (+20% depuis l'élection de Donald Trump), nous pourrions avoir une correction de 5 à 10% sur le CAC 40 à court terme. Cela nous ramènerait dans la zone des 4900-5100 points et constituerait un point d'entrée intéressant pour la suite. Il est également possible d'entrer aux niveaux actuels si l'on a un horizon d'investissement de long terme.

Quels sont vos principaux paris sectoriels pour les prochains mois ?

Bien qu'elles aient bien rebondi fin 2016, les valeurs bancaires françaises nous semblent encore décotées. Leurs résultats sont portés par l'accélération de la croissance dans la zone euro et par la remontée des taux d'intérêt qui a contrario pourrait pénaliser d'autres secteurs. D'une manière générale nous sommes favorables aux valeurs cycliques par rapport aux valeurs de croissance dont les valorisations sont déjà élevées.

Le principal risque pour les actions européennes n'est-il pas un retournement du marché américain ?
Pour qu'il y ait un retournement du marché américain, il faudrait une récession. Or nous ne voyons pas signe de récession aux Etats-Unis. La croissance a certes ralenti au premier trimestre mais les indicateurs avancés laissent espérer une ré-accélération. Quant aux résultats d'entreprises ils ont été meilleurs que prévu. De son côté la Fed a bien maîtrisé sa communication, avec deux hausses de taux prévues cette année et qui sont déjà intégrées par le marché. J'ajoute que Wall Street est loin d'être euphorique : le pourcentage d’investisseurs 'bullishs' est tombé à 30%, soit une baisse de 16 points depuis janvier selon l’étude de l’American Association of Individual Investors. Des phases de correction sont probables sur les marchés américains comme sur les marchés européens mais nous sommes confiants sur la capacité des actions européennes à poursuivre leur rattrapage.

Propos recueillis par François Schott