Interview de J-P. Mariaud et I. Pfyffer-Edelfelt  : Responsable de la Gestion Mid et Small Cap et Gérante Actions Petites et Moyennes Valeurs Européennes chez CM-CIC Asset Management

J-P. Mariaud et I. Pfyffer-Edelfelt

Responsable de la Gestion Mid et Small Cap et Gérante Actions Petites et Moyennes Valeurs Européennes chez CM-CIC Asset Management

CM-CIC Entrepreneurs Europe : l'implication d'un actionnaire de référence dans la stratégie d'une société permet de maintenir son équilibre financier

Publié le 21 Septembre 2018

Racontez-nous la genèse du fonds CM-CIC Entrepreneurs Europe ? Pourquoi a-t-il été créé ? Pour répondre à quelle opportunité d’investissement concrète ? Comment cette opportunité se présente-t-elle aujourd’hui ?
Le fonds CM-CIC Entrepreneurs Europe a été créé à la suite du franc succès rencontré par un autre fonds que nous gérons, CM-CIC Entrepreneurs. L’idée maîtresse de ce fonds est d’investir dans des sociétés entrepreneuriales ou familiales de croissance dotées d’une structure financière saine et d’ un certain pouvoir d’augmenter les prix (pricing power). Le critère primordial qui guide notre sélection est l’existence d’un actionnaire de référence. Celui-ci doit être partie prenante dans l’élaboration de la stratégie de la société.

Pourquoi avoir retenu un tel critère de sélection ? 

De nombreuses études démontrent que l’implication d’un actionnaire de référence dans la stratégie d’une société, qu’il fasse ou non partie du management, permet d’avoir une vision à plus long terme.
Celui-ci a souvent le souci de maintenir l’équilibre financier de la société et de ne pas aller vers un endettement excessif.

Quelles sociétés entrent dans votre champ d’analyse ?

Nous regardons les sociétés cotées en Europe, ayant une capitalisation comprise entre 800 millions et 10 milliards d’euros, soit environ 800 sociétés.

Y a-t-il un seuil fixé en ce qui concerne la participation dans le capital de l’actionnaire de référence ?

Oui, la participation dans le capital de l’actionnaire de référence doit être de 20 %. De plus, celui-ci doit être représenté au sein du Conseil d’administration.

Parlez-nous de l’équipe de gestion ? Est-elle la même que celle au démarrage du fonds ? De combien de personnes se compose-t-elle ? En quoi se distingue-t-elle ?

Nous sommes deux co-gérants de ce fonds. Nous nous inscrivons dans des générations différentes, ce qui conduit à avoir parfois une perception différente des situations.
La complémentarité de notre savoir-faire nous aide à garder une approche en lien avec l’évolution de l’économie, des agents économiques et des consommateurs.
Notre expérience est notre principal atout, car elle nous permet de « jauger » de la pertinence d’une stratégie et de la fiabilité du management pour l’exécuter. Nous avons un historique de rencontres qui nous permet, a priori, de bien appréhender l’écosystème d’une société.

De quelle manière cette équipe de gestion combinée à ce processus d’investissement s’efforcent-ils de parvenir au meilleur couple rendement-risque ? Sur quels leviers vous appuyez-vous?

Nous faisons uniquement de la sélection de titres. Nous nous intéressons avant tout aux sociétés de croissance qui génèrent une progression de leurs revenus d’au moins 5 % par an. Elles doivent avoir un bilan sain et une rentabilité des capitaux investis supérieure à 10 %. Les dépenses en R&D assurent une capacité à innover et constituent une réserve de croissance pour l’avenir.
La visite de sites est primordiale pour mieux appréhender les produits et services des entreprises. Cela nous permet de confronter le discours du management avec celui des opérationnels.

Vous arrive-t-il de participer à des introductions en bourse ?

Nous sommes attentifs aux IPO. C’est souvent par ce biais qu’arrivent les sociétés spécialisées dans les nouveaux secteurs d’avenir comme Zalando ou Asos.
Cependant, nous n’y participons pas systématiquement par manque d’éléments sur la réalisation de la société, sa capacité à se développer et la fiabilité du management.

En ce qui concerne les risques, de quelle manière sont-ils appréhendés ? Pilotés ? Quels pare-feux, quelles limites, quelles protections sont en place ?

Les limites que nous nous sommes imposées visent surtout à ce que le portefeuille reste diversifié par secteur et par pays.

S’agissant de l’impératif de liquidité, tous les fonds small et mid caps doivent être liquides à plus de 50 %, en cinq jours, en respectant 20 % du volume quotidien.

Le fonds est-il toujours entièrement investi ?

La poche de cash varie de 5 % à 15 %. Elle s’élève à 12 % au 19/09/2018. Cette réserve est destinée à saisir les opportunités.

De quelle manière prenez-vous en compte le risque politique ou encore la menace grandissante du protectionnisme dans votre processus d’investissement ?

Si nous le considérons dans nos décisions d’allocation, le risque politique ne nous conduit aucunement à évincer tout un pays de notre portefeuille. Ainsi, malgré les tensions palpables, nous restons investis sur l’Italie.
Concernant la menace du protectionnisme, la majeure partie des sociétés sur lesquelles nous avons une position ont des ressources en local et font peu d’import-export.

Mettez-vous en place des protections ?

Le risque de change n’est pas couvert. Il est intégré dans l’analyse que nous faisons des perspectives de croissance de résultats de la société.

Qu’en est-il des spécificités relatives à la composition du fonds ? Quels biais? Quelle concentration ? Quel turnover ?

Le portefeuille détient entre 50 et 60 valeurs. Dans la mesure où le fonds a un an, le turnover n’est pas représentatif des positions long terme que nous prenons.

Vous êtes-vous donnés une taille maximale pour ce fonds ?

En un an, le fonds est passé de 30 millions à 220 millions d’euros d’encours. Nous n’avons pas déterminé de taille maximale.

Donnez-nous un exemple de titre qui a particulièrement bien performé dans le fonds ?
La principale valeur contributrice de la performance du fonds est Wirecard. Nous avons découvert la société six mois après sa cotation. Elle propose une plateforme pour le paiement sur Internet et sur mobile. La société qui réalisait initialement 98 % de son chiffre d’affaires en Allemagne est parvenue à se doter d’une dimension mondiale avec le même actionnaire-fondateur-dirigeant.
Une autre conviction en Allemagne est Nemetchek, spécialisée dans la fabrication de logiciels dédiés à l’ingénierie et l’industrie du bâtiment qui permettent de réaliser des économies significatives sur les délais de construction et l’utilisation des matières premières. La société consacre plus de 20 % de son chiffre d’affaires dans la Recherche & Développement, ce qui nous conforte dans notre sentiment de confiance à continuer de voir les parts de marché augmenter et les marges progresser.

Pour ce qui est de la France, nous avons une vue très constructive sur la société Seb qui a su formidablement bien se développer, notamment par le biais de rachat d’autres entreprises. La Chine est devenue son premier marché grâce à l’acquisition de Supor. Elle a été en mesure d’étendre son positionnement avec la société WMF sur le segment des machines à café automatiques à destination des hôtels et restaurants.

Donnez-nous un exemple de valeur qui a été particulièrement chahutée et dites-nous de quelle manière vous avez fait face à ce chahut ?

Nous avons été amenés à sortir Tarkett du portefeuille. Les difficultés de la société à répercuter la hausse du coût des matières premières auprès de ses clients ont conduit la société à annoncer des avertissements sur résultats sur deux trimestres consécutifs. L’accumulation des vents contraires avait brouillé la visibilité de la trajectoire à long terme.
Nous avons mis en surveillance la société Kion, spécialisée dans la fabrication des chariots élévateurs dans la logistique industrielle. Des incertitudes pèsent sur le remplissage du carnet de commandes et la capacité de la société à maintenir son rythme de croissance.

Est-ce que deux trimestres de contreperformance constituent une des raisons majeures qui justifient le retrait d’un titre du portefeuille ?

Deux trimestres de contreperformance ne constituent pas automatiquement une raison pour sortir une société du portefeuille. Dans la mesure où nous nous inscrivons sur un horizon de long terme, nous avons en tête qu’il est possible d’avoir des incidents de parcours. Le tout est que nous ayons les informations suffisantes pour conserver notre confiance dans l’exécution de la stratégie à moyen long terme.

Y a-t-il des secteurs que vous évitez ?

Nous évitons les sociétés de biotechnologie ou les petites medtechs en démarrage, car il est très compliqué d’avoir la visibilité suffisante pour apprécier le potentiel de développement.






Imen Hazgui