Interview de Bertrand Casalis : Gérant du fonds Cogefi Flex Dynamic

Bertrand Casalis

Gérant du fonds Cogefi Flex Dynamic

Cogefi Flex Dynamic : il est primordial de s'attacher à une certaine discipline pour réduire le risque de perte en capital

Publié le 22 Octobre 2018

Vous êtes gérant du fonds Cogefi Flex Dynamic. Racontez-nous la genèse de ce fonds ? Pourquoi a-t-il été créé ?
Le fonds avait initialement été lancé en 1985 pour une clientèle de banque privée. Il a ensuite été ouvert au grand public pour optimiser la diversification internationale du portefeuille et réduire les coûts de frottement au niveau des plus-values.
Au départ, l’allocation d’actifs était orchestrée par plusieurs gérants spécialisés. Ensuite, afin d’améliorer le track de performance, il a été décidé de concentrer la gestion entre les mains d’une seule personne. J’ai moi-même pris le relais de la gestion en 1993.

Parlez-nous de votre process d’investissement ? Comment se distingue-t-il ?

Ma formation première est celle d’analyste financier. J’ai commencé à investir dans les actions françaises. Puis, j’ai élargi mon champ d’intervention sur les actions européennes.
J’ai d’abord fait du stock picking suivant une approche top down. La crise de 2001-2002 m’a conduit à faire évoluer mon process d’investissement en attachant moins d’importance aux considérations macroéconomiques et en mettant davantage l’accent sur la structure des coûts de financement.

Cette évolution m’a poussé à privilégier les valeurs de croissance, de qualité, pas ou peu endettées en considérant le ratio résultat d’exploitation sur frais financiers et l’échéancier des dettes.

Je m’efforce de comprendre le business model des entreprises dans lesquelles j’investis en déterminant les biens et services qu’elles vendent et les clientèles qu’elles visent, en évaluant le segment de marché dans lequel elles s’inscrivent, en appréciant leur stratégie commerciale.

Ma préoccupation première est de gagner de l’argent tout en réduisant le risque de perte de capital à long terme

Ma préoccupation première est de gagner de l’argent tout en réduisant le risque de perte de capital à long terme.
Dans la vie d’une société, il y a des périodes de croissance plus ou moins rapides et des tassements. Même en phase de corrections de marché, le plus important est de savoir rapidement récupérer les fonds perdus. Aussi, est-il primordial de s’attacher à une certaine discipline.
Dans le cas où j’ai la conviction que mon idée est bonne, je m’y accroche, et la laisse suivre son chemin.
En revanche, si la découverte d’un facteur ignoré m’amène à conclure que je me suis trompé, je ne m’entête pas, je vends. Mieux vaut avoir des coûts de frottement que des pertes importantes.

Je n’attends pas nécessairement de rencontrer le management
pour me positionner sur une valeur. Je peux mettre un petit ticket si je juge que l’histoire de la société est intéressante. Je creuse ensuite le sujet si je souhaite augmenter mon exposition.

Il me parait hasardeux d’être massivement investi sur une entreprise si on ne comprend pas bien son fonctionnement. Et il me parait compliqué de savoir comment fonctionne une société, avec une vue uniquement de l’extérieur. Des discussions approfondies avec le management s’imposent, ne serait-ce que pour se tenir au fait des projets qui n’ont pas été annoncés car insuffisamment matures.

Procédez-vous à un screening systématique des entreprises dans lesquelles vous investissez ? 

Je ne procède pas à proprement parler à un screening des entreprises
suivant une grille précise basée sur des critères communément exploités comme le retour sur capital, ou la progression des marges...
Je considère que les chiffres communiqués sont plus ou moins fiables. Il y a des effets de saisonnalité. Les méthodologies comptables évoluent. Par exemple, certaines sociétés réincorporent dans leur bilan la dette financée par leasing.

Sur quels indicateurs de marché en particulier basez-vous votre analyse ?

Le free cashflow est une approche intéressante mais galvaudée.
Pour une société, avoir un free cashflow substantiel ne suffit pas. Il est crucial de déterminer si le free cashflow permet de payer les dividendes et d’honorer les échéances de dette dans le cas où la société n’aurait plus accès au financement par le marché. Il faut alors considérer l’échéance des dettes brutes. S’il y a un doute à ce sujet, que l’action est chère et que le levier opérationnel n’est pas très compréhensible, je considère qu’il est préférable de s’abstenir quitte à passer à côté d’une opportunité.

Le multiple de bénéfices n’est pas adapté à tous les secteurs
, notamment le secteur bancaire ou assurances.

Parce que le marché n’est pas homogène, parler de multiple de marché n’a pas grand sens. Cela fait référence à l’agrégation de valeurs qui n’ont pas de lien entre elles.
Aussi, le multiple de marché renseigne sur une fourchette, a une valeur d’alerte mais ne sert pas d’indicateur prédictif.

Fixez-vous des objectifs de cours ?

Non. Ma démarche est de constituer un portefeuille sur le long terme. Aussi, j’ai un socle de valeurs que je détiens depuis plusieurs années et qui délivrent régulièrement de la croissance comme Sartorius, un fournisseur de poches en plastique jetables pour l’industrie pharmaceutique qui ne présentent pas de risque de contamination.

Un raisonnement par objectif de cours ne prend pas en compte le phénomène de croissance année après année sur la durée.
Cela amène au risque de sortir la valeur trop tôt du portefeuille.

Comment déterminez-vous le point de sortie ?

La sortie s’impose lorsque je prends conscience du risque de baisse des multiples de valorisation. La question se pose sérieusement si le cours anticipe 20 ans de croissance à 15%.
Je ne laisse place à aucun doute à ce sujet.
Je n’hésite pas à revenir sur une valeur que j’ai sortie, même à un prix supérieur au prix vendu, si un nouvel élément m’amène à forger une nouvelle conviction.

De combien de valeurs se compose le portefeuille ?

Actuellement, le portefeuille se compose d’une quarantaine de valeurs. La fourchette est de 30 à 50 titres.
Il y a un écart délibéré entre la composition du portefeuille et la composition de l’indice de référence.

Quid du turnover ?

Le socle des valeurs historiques du portefeuille représente 30 à 50%. Le reste est composé de nouvelles idées que je suis à même de sortir au bout de quelques jours, ou quelques semaines.

Avez-vous des biais sectoriels ?

Le portefeuille présente effectivement des biais sectoriels. Je ne suis pas investi sur le secteur banque et assurance en raison d’un manque de lisibilité et de visibilité. Je ne suis pas exposé au secteur des télécoms du fait des aléas auxquels il est assujetti.
Malgré ces zones d’inconfort, il m’arrive de faire des incursions dans des valeurs que j’estime intéressantes.
A l’inverse, on dénote une présence plus marquée du secteur de la technologie, des biens de consommation et le secteur de la pharmacie.

Je suis soucieux de la liquidité des titres. Il me faut pouvoir sortir rapidement des titres si besoin.
Les petites capitalisations de moins de 1,5 milliard d’euros ne doivent pas représenter plus de 10% de l’actif net.

Le secteur de la santé implique-t-il les biotechs ?

Il m’arrive d’investir dans des biotechs si j’ai une idée sur l’utilité du produit à partir d’informations sur le mécanisme d’action de la molécule, les besoins explorés, le marché ciblé.

De quelle manière prenez-vous en compte les risques actuellement perceptibles sur le marché comme l’Italie, la guerre commerciale ?

En dépit de ce qui se passe sur le front politique en Italie, je continue à détenir des valeurs italiennes sur lesquelles j’ai une forte conviction. Les derniers épisodes m’ont néanmoins poussé à revoir les pondérations.

Cela fait bien longtemps que j’ai compris qu’il ne fallait pas raisonner en balance commerciale mais en chaine de valeurs. Je n’ai pas de sociétés particulièrement impliquées dans ces chaines, comme les sociétés de surveillance ou les sociétés de testing qui pourraient souffrir outre mesure.

Si cette guerre commerciale venait à se généraliser, elle aurait des répercussions en termes de récession, de chômage, d’inflation importée qui déboucheraient sur des incidences généralisées sur les marchés financiers.

Pour l’instant assez peu de tarifs ont été mis en place, sauf dans l’acier et l’aluminium. Je détiens peu de valeurs impactées par la hausse du prix de l’acier ou du prix de l’aluminium.
Il faut distinguer entre le bruit court terme qui peut fournir une opportunité et une menace long terme sérieuse qu’il ne faut pas négliger.

Le fonds est-il entièrement investi en actions ?

Il y a une exigence d’être exposé au risque actions à hauteur de 50%. Le barycentre est autour de 85%.
Il peut y avoir jusqu’à 7% d’obligations privées non notées ou high yield comme Seb, ou Plastic Omnium pour lesquelles je n’ai pas de doute dans la capacité à rembourser la dette.





Imen Hazgui