Interview de Luc Jacquet : Directeur Général et cofondateur de Boostheat

Luc Jacquet

Directeur Général et cofondateur de Boostheat

Boostheat : le vrai coût est celui de l'énergie

Publié le 27 Septembre 2019

Avant toute chose, pouvez-vous nous présenter votre entreprise ?
Boostheat est une société industrielle française de chauffage, créée en 2011 par deux ingénieurs. Elle assure la conception, le développement, la construction et la commercialisation de chaudières à gaz innovantes au service de la transition énergétique. L’entreprise compte à ce jour 96 salariés et dispose de son propre outil opérationnel via une usine 4.0 de 7 000 m2 située en région lyonnaise. Notre expertise s’appuie sur 7 familles de brevets liées par exemple à la compression thermique régénérative. Grâce notamment au soutien de nos partenaires, Boostheat a pu s’appuyer depuis sa création sur des ressources de 45 millions d’euros.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre produit, la « Boostheat.20 », et sa singularité ?
Il s’agit d’un appareil de chauffage innovant au gaz additionnant les avantages d’une chaudière à condensation, assortie d’un ballon d’eau chaude intégré, et d’une pompe à chaleur en captation aérothermique. La grande force de ce dispositif est qu’il représente une rupture technologique : le rendement énergétique de la Boostheat.20 est de l’ordre de 200 %, quand celui d’une chaudière classique s’établit autour de 80 %. C’est notre principale valeur ajoutée sur ce marché du chauffage qui représente 25 % de la consommation énergétique mondiale : proposer à chacun un moyen concret de participer à l’objectif de réduction de 45 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2030. De plus, le fluide frigorigène utilisé dans notre appareil est le CO2, un gaz 2 000 fois moins polluant que le gaz standard utilisé. Pour ces raisons notamment, Boostheat bénéficie d’une maturité ESG « avancée », avec une note de 58/100 quand la moyenne sectorielle s’établit à 43/100. Un domaine dans lequel nous souhaitons fortement continuer à progresser.

Quel est l’objectif de votre levée de fond, estimée entre 38,7 et 51,2 millions d’euros ?
L’introduction de Boostheat sur Euronext sert notre stratégie de croissance. Pour l’essentiel, 60 % de l’augmentation de capital sera voué au « Go2Market » : commercialisation, marketing, internationalisation et besoin en fond de roulement. Les deux autres investissements en perspective sont la recherche & développement pour 30 %, qui pesait déjà la moitié des ressources passées de l’entreprise, et le développement de notre outil industriel pour les 10 % restants, avec l’objectif de pousser la capacité de production à 50 000 chaudières par an. Pour faire simple, l’enjeu immédiat est d’accroître fortement les ventes pour réduire drastiquement les coûts de production.

Le prix d’installation ne risque-t-il pas d’être dissuasif pour la majorité des clients potentiels ?

Justement, non. La solution écologique que représente la Boostheat.20, nous la destinons en priorité aux 97 % de Français pour lesquels la question du prix est essentielle et se pose très concrètement d’un mois sur l’autre. Car ce qui est écologique et bon pour le bien commun ne peut réellement convaincre que s’il est rendu accessible économiquement. Concrètement, le coût total de notre dispositif et de son installation avoisine les 18 000 euros. Mais il ne sera jamais totalement endossé par l’acheteur, qui pourra compter sur des subventions et aides diverses d’une moyenne de 9 000 euros en fonction de ses conditions de ressources. Nous proposons aussi un financement à crédit de 65 euros par mois sur 180 mensualités avec BNP Paribas. Mais, l’appareil permettant de réduire la consommation d’énergie de 50 %, la rentabilité du dispositif devient rapidement évidente et s’exerce sur le long terme. Car le vrai coût, c’est celui de l’énergie.

Quel est l’état actuel du marché sur lequel vous êtes placé ?

Boostheat évolue sur un marché des ventes de systèmes de chauffage en pleine croissance, de l’ordre de + 5 % en France. Nous ciblons en priorité le segment « B2C » de la rénovation de chaudières et des pompes à chaleur dans des habitations d’une taille de 100 à 250 m2, en fonction de leur isolation énergétique. Ce marché représente aujourd’hui plus de environ 600 000 chaudières par an en France, et 6,5 millions en Europe où environ la moitié des équipements ont plus de 25 ans d’âge. Sont présentes sur ce marché des entreprises concurrentes de grande taille comme Viessman, Atlantic ou Daikin, disposant donc de moyens très importants. Toutefois, la spécificité qualitative de notre solution de chauffage nous fait envisager sereinement de trouver notre place sur un marché cible annuel de 232 000 chaudières. Notre pari : l’équilibre financier à 3 ans en vendant 4 500 chaudières par an, et à moyen terme une marge brute de 25 % en occupant plus de 5 % du marché dans les 5 ans.

Quelle stratégie de commercialisation avez-vous choisie ?

Notre objectif majeur est de ne pas nous couper de nos clients en confiant notre commercialisation à une filière extérieure. Ce qui ne veut pas dire non plus tout faire nous-mêmes… C’est la raison pour laquelle, via un réseau de partenaires indépendants formés en interne au sein de la « Boostheat Academy », nous voulons assurer nous-mêmes l’installation et l’entretien de nos dispositifs de chauffage. Concrètement, il faudra deux jours à une équipe de deux personnes, plombiers ou chauffagistes, pour installer une Boostheat.20. Ils seront rémunérés directement par l’entreprise pour ce travail, et toucheront un intéressement supplémentaire conséquent s’ils ont apporté eux-mêmes la prestation commerciale qui a permis de conclure l’opération. Nous espérons développer ainsi très vite un réseau commercial spécialisé au plus près de nos clients.

Votre entreprise est-elle déjà présente à l’international ?

Absolument. D’ailleurs, le plan de déploiement engagé par l’entreprise est clairement européen. Nous nous appuyons notamment sur un partenariat exclusif avec le groupe Holdigaz, un acteur majeur du marché suisse à l’origine d’un apport commercial et financier déterminant. Boostheat est aussi durablement implanté en Allemagne, cette fois-ci via une filiale chargée de développer des réseaux d’installateurs au niveau des « Länder ». À court terme, nous souhaitons nous positionner au Benelux, au Royaume-Uni, en Irlande, en Espagne et en Italie.

Envisagez-vous à l’avenir de développer d’autres appareils ?

C’est déjà le cas avec la « Boostheat.50 ». Plus puissante, elle s’adresse cette fois-ci aux bâtiments tertiaires professionnel. Nous avons à ce titre signé avec Dalkia, qui dépend du groupe EDF, un contrat-cadre de 30 millions d’euros sur trois ans. En continuant à miser sur la recherche & développement, nous espérons aussi continuer à enrichir notre gamme de dispositifs en faisant évoluer nos produits existants et la technologie qui les porte, toujours au bénéfice de la transition énergétique.

Aymeric Jeanson