Interview de Jacques Dikansky : PDG de Naturex

Jacques Dikansky

PDG de Naturex

Nous recherchons des acquisitions dans la cosmétique, en Asie et en Amérique du Sud

Publié le 06 Avril 2011

Quels commentaires vous inspirent les résultats 2010 en nette hausse de Naturex ?
Ce qui marque les résultats 2010, c’est d’un côté l’intégration de Natraceutical qui génère par elle-même une croissance importante du chiffre d’affaires. D’un autre côté, Naturex a connu une croissance organique très soutenue de 16,2%. De plus, le nouvel ensemble a vu sa marge opérationnelle s’améliorer plus rapidement que prévu. Quand nous avons repris Natraceutical fin 2009, leur niveau de marge opérationnelle était beaucoup plus faible que le nôtre. Naturex seul a dégagé une marge opérationnelle de 12,8% en 2009 alors que la marge pro-forma, intégrant la division Ingrédients Natraceutical, était de 9%. Nous avons repassé l’ensemble à 12,1% en à peine un an.

Quels facteurs ont été favorables à une intégration rapide des activités Ingrédients de Natraceutical ?
Je crois que c’est surtout la résultante de l’expérience de Naturex. La division Ingrédients de Natraceutical est quand même la huitième acquisition du groupe en huit ans. Les sept opérations précédentes étaient du même genre, même si pas forcément de la même taille. C’est cet «entraînement» qui nous a permis d’intégrer assez rapidement Natraceutical qui était pourtant plus gros. Solides sur le plan des fondamentaux, les actifs que nous avons rachetés renfermaient un vrai potentiel, avec des produits intéressants, de nombreuses applications et de bons sites industriels. Par contre, c’était une division qui dormait un peu où la rentabilité n’était pas optimale. Le fait d’intégrer la structure Naturex, d’être tirée par l’équipe commerciale Naturex, de lui appliquer nos modèles en termes de structure qualité, développement, informatique, a permis de doper la croissance et d’améliorer la marge rapidement.

Quels nouveaux marchés vous a ouverts votre acquisition ?
Au niveau des marchés, Naturex était surtout présent aux Etats-Unis (55% du chiffre d’affaires avant l’acquisition de Natraceutical) et en Europe, mais beaucoup moins dans le reste du monde. Au contraire, Natraceutical avait une présence peu importante aux Etats-Unis (moins de 10% de leur CA), mais était mieux implanté en Europe et dans le reste du monde, c’est-à-dire en Asie-Océanie, en Amérique du Sud, au Moyen-Orient, en Europe de l’Est. L’un des grands intérêts de cette acquisition, c’est qu’elle nous a permis de mieux répartir notre chiffre d’affaires. Elle nous a rendus plus forts en Europe, nous a ouvert de nouveaux marchés porteurs comme l’Asie, l’Amérique du Sud, et nous avons pu développer la vente des produits Natraceutical aux Etats-Unis. Nous avons découvert que ces zones étaient en pleine explosion sur les ingrédients naturels en général, et nous comptons désormais beaucoup sur ces marchés pour tirer la croissance dans les années à venir. A travers cette acquisition, le terrain de jeu de Naturex a complètement changé de dimension. Aujourd’hui il s’est étendu au reste du monde, où l’industrie alimentaire se développe très vite à la lumière du niveau de vie qui s’élève pour une partie de la population en Chine, au Brésil, en Russie. Les grands groupes alimentaires internationaux vont de plus en plus s’installer dans ces pays pour produire les mêmes produits qu’en Europe ou aux Etats-Unis, et ont donc besoin des mêmes ingrédients. De plus, la tendance du naturel, de la santé et du bien-être, existe aussi dans ces pays-là, et les consommateurs qui ont le pouvoir d’achat pour ce type de produits sont assez regardants sur ce qu’ils consomment.

Quels sont les nouveaux produits que vous avez obtenus via le rachat des activités Natraceutical ?
Les produits de Natraceutical étaient assez complémentaires de ceux de Naturex. Certains produits sont venus compléter des gammes déjà existantes chez Naturex, comme l’activité dans les couleurs naturelles, les levures et Hinotes (fractions volatiles de fruits) qui ont renforcé la gamme aromatique. Nous avons aussi ajouté de nouvelles cordes à notre arc qui sont les poudres de fruits et légumes (utilisées pour la fabrication des potages, des produits pour bébés), les pectines qui sont des épaississants (crèmes dessert, certaines boissons), et aussi un édulcorant naturel qui est le Talin.

Comptez-vous davantage renforcer la part de la division Personal Care (1,2% du CA en 2010) dans vos activités ?
La division Personal Care est à l’heure actuelle trop petite, et nous voulons qu’elle prenne une part plus importante. C’est la division qui a enregistré la plus forte croissance (+69%) en 2010. Cette activité devrait continuer à se développer avec une croissance soutenue, et nous avons pas mal de projets prometteurs. Nous voudrions réaliser une acquisition qui nous permettrait de nous étoffer dans ce domaine. Cela pourra être une acquisition significative ou plusieurs petites. Nous avons différents dossiers à l’étude.

Quels sont vos axes de recherche en termes de possibilités d’acquisitions ?
Nous étudions une dizaine de dossiers d’acquisitions possibles (dont 5-6 plus particulièrement) en ce moment. Nos axes de recherche sont les ingrédients pour la cosmétique, mais aussi du côté de l’Asie et de l’Amérique du Sud où nous avons des développements commerciaux importants dans ces zones-là et il serait bien de les renforcer par une présence industrielle. Pour autant, nous nous intéressons aussi à des dossiers en Europe et aux Etats-Unis qui sont des marchés plus traditionnels.

Quelles sont vos prévisions pour Naturex dans les années à venir ?
La croissance de Naturex dans les prochaines années viendra de deux sources. D’une part, les marchés en Europe et aux Etats-Unis continuent à se développer et à rester de vrais moteurs de croissance. La tendance de fond vers le naturel (santé, beauté, bien-être) est toujours aussi forte dans ces pays avec des consommateurs de plus en plus exigeants et une réglementation incitative. D’autre part, des nouveaux marchés, comme la Chine, la Russie, le Brésil, peut-être l’Inde, le Mexique. En 2010, au Brésil ou en Chine, nous étions autour de 40% de croissance, et nos budgets 2011 dans ces pays c’est 50% de croissance. L’Asie-Océanie, qui représente 10% de notre chiffre d’affaires devrait dans quelques années représenter 15-20%. Nous considérons que Naturex est bien positionné pour tirer partie des évolutions de marché, même peut-être faire mieux, en s’appuyant notamment sur notre réseau commercial mondial, notre présence industrielle étoffée, notre taille qui donne une bonne visibilité sur le marché, notre gamme de produits large.
Pour l’exercice en cours proprement dit, nous anticipons une croissance des ventes à deux chiffres et une marge opérationnelle située entre 12 et 13 % du chiffre d’affaires, à périmètre et devises constants.

Quels sont les projets du groupe pour 2011 ?
Outre le projet de réaliser une acquisition, nous prévoyons aussi un agrandissement de notre site d’Avignon. Nous allons aussi continuer à tisser notre réseau commercial avec quatre ouvertures de bureaux prévues pour 2011, en Corée, au Mexique, en Pologne et en Inde.

Propos recueillis par Claire Lavarenne