Interview de Gilles Bazy-Sire : Président de GPS Equity

Gilles Bazy-Sire

Président de GPS Equity

La production chinoise bénéficie à plein de la décrue du baril

Publié le 22 Décembre 2014

Quelles sont les conséquences pour les pays émergents de la baisse du pétrole et de la hausse du dollar ?

La baisse du pétrole peut provoquer des soubresauts à court terme sur les marchés financiers mais à moyen terme elle constitue une très bonne nouvelle pour l’économie mondiale. La baisse observée de 50% des prix du pétrole, si elle était durable génèrerait une baisse de coûts colossale pour l’ensemble des agents économiques - entreprises, ménages, collectivités publiques, États- équivalant à 2% du PNB mondial, soit 1 500 milliards de dollars. C’est un ordre de grandeur équivalant à « Quantitative Easing » de la Réserve Fédérale américaine, directement en « économie » de coûts pour les agents économiques. Pour un pays comme la Russie la baisse du pétrole a un impact clairement négatif. Mais ce n’est pas le cas de tous les pays producteurs. L’Indonésie par exemple consacre une part importante de son budget à subventionner les prix de l’énergie. La baisse du prix du baril va lui permettre de diminuer, voire de supprimer ces subventions sans rencontrer de difficultés politiques et, en contrepartie, de réaffecter ces dépenses publiques à des investissements productifs générateurs de croissance, d’emploi et d’amélioration du niveau de vie. Ainsi, bien qu’elle soit un gros pays producteur d’hydrocarbures, l’Indonésie gagne au global, comme les Etats Unis, à une baisse des cours du baril.

S’agissant de la hausse du dollar, elle est liée à la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine. La perspective de voir la Fed revenir à une politique monétaire plus orthodoxe est très positive en termes d’effet signal. Cela signifie que l’économie américaine, la locomotive du monde, va bien, et contribuera favorablement à la croissance du reste de la planète, dont les pays émergents.

Vous considérez la Russie comme l’un des marchés les plus sous-évalués aujourd’hui. Qu’entendez-vous par là ?

La Russie traverse une crise monétaire due partiellement aux sanctions imposées par l’Union européenne et les Etats-Unis, mais surtout à la baisse du prix des hydrocarbures. Il faudra surveiller de près l’évolution de la situation géopolitique et apprécier si la baisse des cours du pétrole augmente les chances d’une normalisation de la politique étrangère russe ou si, au contraire, elle provoque la crispation supplémentaire que beaucoup d’analystes politiques redoutent. Dans l’hypothèse d’une normalisation, on pourrait observer une réappréciation massive du marché actions russe, actuellement à des niveaux extrêmement déprimés.

Quel est votre analyse de la situation des autres grands pays émergents (Brésil, Chine, Inde) ?

La Chine est le premier importateur mondial de pétrole, mais aussi le premier exportateur de produits manufacturés. La production chinoise bénéficie à plein de la décrue du baril, qui tout à la fois abaisse les coûts de production, réduit la charge du transport maritime des marchandises exportées (90% du commerce
mondial est assuré par la voie des mers), et augmente le pouvoir d’achat des acheteurs des produits chinois dans le monde entier. Pour autant, à notre sens, la forte hausse observée hausse du marché actions chinois sur la fin de l’année intègre une partie de cette perspective favorable et notre rating sur ce pays est moins favorable aujourd’hui qu’il y a quelques mois.
L’Inde bénéficie elle aussi grandement de la baisse des prix de l’énergie. Pour les mêmes raisons qu’en Chine (l’indice Sensex de la bourse de Bombay a pris 30% depuis le début de l’année, ndlr) nous restons prudents sur le potentiel de ce marché en 2015 même si certains groupes indiens figurent toujours parmi nos valeurs favorites.
Quant au Brésil il nous paraît un des marchés les plus surévalués aujourd’hui, compte tenu de la baisse des cours des matières premières et de perspectives de croissance très faibles pour 2015.

Propos recueillis par François Schott