Interview de Thierry Brocas : Avocat associé au sein du cabinet De Pardieu Brocas Maffei

Thierry Brocas

Avocat associé au sein du cabinet De Pardieu Brocas Maffei

Fusions-acquisitions : nous avons été confrontés à plusieurs interrogations de la part de confrères américains sur d'éventuelles opérations en France

Publié le 23 Mars 2015

Quel regard portez-vous sur l’activité des fusions-acquisitions depuis le début de l’année en France ?
L’activité a été moins soutenue en ce début d’année qu’au cours de la seconde moitié de l’année 2014, ce qui n’est guère surprenant. Habituellement un certain ralentissement est perceptible après le rush de la fin d’année qui se caractérise par la clôture de nombreux deals. La période d’accalmie est alors propice à la sélection et à l’étude de nouveaux dossiers.
Nous sommes convaincus que l’activité reprendra de l’ampleur à partir de la fin du premier trimestre.

Vous vous attendez donc à la soumission de plus de dossiers à votre cabinet ?
Nous avons assurément une position intéressante pour bénéficier du regain d’activité. Nous sommes bien positionnés pour des opérations mid et large caps. Nous sommes une des rares firmes française indépendante de référence sur le marché.

Pour beaucoup nous devrions voir une multiplication des offres de rachat de la part de sociétés américaines sur des sociétés européennes cette année ?
Nous pouvons effectivement l’envisager. Nous avons-nous-mêmes été confrontés à plusieurs interrogations de la part de confrères étrangers et notamment américains sur d’éventuelles opérations en France.
Est-il exact de penser que compte tenue de la forte hausse des valorisations boursières, les offres prendront surtout la forme d’offres publiques d’échange ?
Je suis d’avis que les opérations se feront avec un mix en cash et en titres. De nombreux groupes sont parvenus à reconstituer un important matelas de liquidités et ont un potentiel d’endettement considérable.

Ces opérations se feront-elles selon vous dans des secteurs en particulier ?

Des opérations de restructuration devraient, à mon avis, être observées dans l’énergie, dans les transports et les travaux publics, la santé et l’aide à la personne, l’hôtellerie. Par exemple de nombreux exploitants d’hôtels qui ont créé leurs entreprises dans les années 1950/1970 vont partir à la retraite.
Par ailleurs, il est probable que les restructurations ne soient pas terminées dans les secteurs des télécoms et de la pharmacie.

Quels seront les principaux obstacles à la réalisation de ces opérations ?
La procédure de contrôle des concentrations, à Paris ou à Bruxelles, représente une problématique bien connue.
La problématique de l’actionnariat est différente suivant que la société est cotée ou non. Elle se pose en cas d’opérations publiques, et éventuellement hostiles. Cependant il faut reconnaître que l’on ne voit pas beaucoup d’opérations hostiles allant contre la position du management ; les tentatives hostiles de prise de contrôle du Club Med récemment représentent une exception.

Ne peut-on pas s’attendre à ce que la prolifération d’offres d’acquisition par des sociétés américaines soient perçues par certains comme des offres hostiles et fassent en conséquence l’objet de leviers de boucliers ?

Il est probable que les pouvoirs publics n’aimeraient pas voir de grands groupes européens se retrouver sous la mainmise de groupes américains. Toutefois, sauf dans des cas très particuliers, l’administration n’a pas les moyens de véritablement s’opposer à une opération qui ne s’inscrit pas dans des secteurs protégés.
De plus, l’actionnariat des groupes européens, y compris français, est souvent majoritairement international. De ce fait, les Assemblées générales d’actionnaires sont souvent réticentes à donner au Conseil d’administration des moyens de s’opposer à la survenance d’offres non désirées.

Peut-on penser que la France sera une terre d’accueil significative pour ces offres ?
Pas suffisamment, nous pouvons le craindre.

Qu’est ce qui pourrait encourager le lancement d’offres en France ?
Un signal fort, en ce qui concerne les opérations “small” ou “mid-cap”, serait une modification substantielle de la loi Hamon. Le projet d’assouplissement présenté par le gouvernement sous forme d’un amendement à la loi Macron, actuellement en discussion au Sénat, cherche à corriger certains défauts évidents de cette loi. Cela étant il me semble que, même ainsi corrigée, la loi Hamon sera toujours vue par les investisseurs étrangers comme un véritable épouvantail.
Avez-vous bon espoir de voir une évolution en la matière ?
Sans doute pas au-delà de l’amendement à la loi Macron qui sera prochainement présenté au Sénat.

Propos recueillis par Imen Hazgui