Interview de Gil Beyen : Président directeur général d'Erytech

Gil Beyen

Président directeur général d'Erytech

Un trou d'air sur le segment des biotechs américaines pourrait davantage avoir lieu du fait d'éléments macroéconomiques

Publié le 07 Mai 2015

Quel regard portez-vous sur le parcours des biotechs françaises ces derniers trimestres ?
Le secteur a atteint une relative maturité. Une bonne base scientifique a été cultivée sur les dernières années. Certains développements ont atteint un stade notable. Il y a également dans l’Hexagone un environnement favorable à la recherche notamment avec le crédit impôt recherche qui a créé une atmosphère boursière propice. Enfin, le contexte est globalement porteur pour les actions.

Pensez-vous que ces parcours boursiers remarquables pour certaines sociétés, en ligne avec leurs fondamentaux n’ont pas provoqué une certaine complaisance à l’égard d’autres sociétés aux fondamentaux moins solides ?
Je ne le pense pas. L’engouement pour le secteur s’explique véritablement par la multiplication des innovations technologiques pour traiter des maladies jusqu’ici incurables. Face à une démographie de plus en plus vieillissante il y a une volonté d’aider la recherche pour continuer à vivre dans les meilleures conditions possibles.
Une discrimination est opérée entre les projets. Les projets les plus valorisés sont également les projets les plus prometteurs.

Alimentez-vous une inquiétude a propos du fait que des excès commis dans la sphère biotech américain conduise à une correction importante qui impacte le segment des biotechs françaises ?
Bien que nous ayons observé certaines vagues plus profondes, je crois que la tendance générale est robuste basée sur de véritables progrès scientifiques. Par ailleurs face à des taux d’intérêt très bas, les actions américaines ont été tirées à la hausse par l’abondante liquidité disponible.
Plus que sur les valorisations des biotechs américaines, mon regard est surtout focalisé sur les considérations macroéconomiques aux Etats-Unis.

Vous êtes d’avis que si nous devions avoir un trou d’air sur la cote américaine elle serait davantage justifiée par des éléments macroéconomiques que par des éléments microéconomiques ?
C’est effectivement mon avis.

Quels commentaires vous inspire la multiplication d’IPO dans le secteur biotech dans la bourse de Paris ?

Le fait d’avoir un marché boursier dynamique permet d’avoir plus d’argent disponible pour les sociétés qui sont à un stade de développement précoce. De nouveaux investisseurs sont attirés. Des fonds spécialisés sont créés. Une véritable expertise se met en place.

D’aucuns déplorent le fait que des sociétés qui n’étaient pas prêtes à faire leur entrée sur le marché sont tout de même parvenues à le faire ?

Je n’ai pas d’exemples en têtes de sociétés qui n’auraient pas du faire leur entrée en bourse. Il est à présent indéniable que tous les projets de recherche en cours ne se couronneront pas par un succès. Certains échecs sont inévitables. Cela est inhérent même à notre secteur.

Vous n’avez donc pas une appréhension par rapport à une qualité déclinante des dossiers introduits ?
Je n’ai pas d’indicateurs objectifs pour soutenir que nous faisons face à une qualité déclinante. Il me semble au contraire que parce que le financement en bourse est davantage favorable aux sociétés du secteur que la qualité des dossiers a vocation à s’améliorer.

Quelle vision avez-vous de la lourdeur procédurière et administrative qui caractérise la France selon certains. Est-ce selon vous un handicap pour l’expansion des sociétés biotechs implantées à Paris ?
Evoluant dans un secteur sensible où la vie de patients est en jeu, une réglementation rigoureuse pour encadrer l’activité des sociétés biotechs est indispensable. Chez Erytech, comme nos études sont très avancées et en grande partie en dehors de la France, je ne vois pas tellement le facteur bloquant, mais j’ai pu moi-même entendre dire que certaines procédures étaient devenues trop longues particulièrement aujourd’hui.

Avez-vous vous-même ressenti cette lenteur procédurière dans votre activité notamment vis-à-vis de vos essais cliniques ?

Non. Nous avons toujours bien avancé. Nos études actuellement en cours en France se déroulent conformément à nos anticipations.

Propos recueillis par Imen Hazgui