Interview de Andreas Hoefert : Chef économiste d'UBS Wealth Management

Andreas Hoefert

Chef économiste d'UBS Wealth Management

La sortie de la Grèce pourrait s'avérer une source d'opportunités sur le marche des actions de la zone euro

Publié le 30 Juin 2015

Quel bilan faites-vous de l’évolution des actions de la zone euro à l’issue des six premiers mois de l’année. Pour commencer, avez-vous été surpris par la violence de la hausse entre janvier et mars ?
Au regard de multiples modèles d’évaluation un gap évident existait entre les valorisations des actions européennes et celles des actions américaines. L’écart était justifié par la surperformance de l’économie américaine.
Cependant depuis le début de cette année, nous avons pu observer une multiplication de surprises positives du coté de la conjoncture européenne et de nouvelles décevantes concernant la dynamique américaine. In fine la prévision de croissance pour la zone euro a été révisée à la hausse à 1,5% (contre 1% initialement) et celle pour la croissance des Etats-Unis à la baisse à 2,5% (au lieu de 3%).  C’est je pense ce qui a justifié l’optimisme des investisseurs qui se sont massivement rabattus sur les actions de la zone euro au détriment des actions américaines.

Quels commentaires vous inspire la phase de consolidation qui s’est ouverte en avril ?
Cette consolidation a deux origines. La première réside dans la violente remontée des taux longs de la zone euro. Par ailleurs, les investisseurs sont clairement dans l’attente de voir de quelle manière va évoluer le dossier grec. Différentes deadlines ont été fixées, en février, en mars, en avril, en mai puis en juin. Aucune n’a abouti sur un accord.

Quelle probabilité accordez-vous à une sortie de la Grèce de la zone euro?
Nous accordons à cette hypothèse une probabilité entre 30 et 40%.

Selon vous, cette sortie ne serait pas forcément fatale à la poursuite du mouvement haussier des actions de la zone euro ?
Si la sortie devait être actée, elle engendrerait indéniablement des perturbations sur le segment des actions de la zone euro dans l’immédiat. Ceci étant, nous pouvons penser que les responsables européens, en premier lieu desquels la Banque centrale européenne prendront les actions nécessaires pour limiter la contagion.

Cette sortie pourrait s’avérer une source d’opportunités ?
Beaucoup ont mis en avant le fait que les actions de la zone euro ayant significativement remonté en début d’année ont retrouvé des niveaux de valorisation quelque peu chers. La correction qui s’est creusée en raison des craintes autour du dossier grec, qui pourrait encore s’amplifier dans le cas d’une sortie, permettrait de retrouver plus d’actions décotées avec de bons fondamentaux. Le cas échéant, notre comité d’investissement analyserait sans doute, s’il n’y a pas lieu d’augmenter encore la surpondération sur les actions de la zone euro.

Pensez-vous pour l’heure, indépendamment d’une éventuelle poursuite de la correction que le phénomène de rattrapage des actions européennes vis-à-vis des actions américaines est terminé ?
Je ne pense pas que ce phénomène soit terminé. En relatif, les actions américaines sont encore plus chères que les actions européennes.
En ce début d’année, trois moteurs clairement identifiés pour le rallye des actions de la zone euro étaient la baisse de l’euro, le repli du cours du pétrole et la faiblesse des taux. Ces trois moteurs ont perdu de leur puissance depuis janvier du fait de leur évolution haussière…
Ces trois moteurs sont certes moins puissants mais ils demeurent totalement favorables pour les actions de la zone euro. Si l’on fait la comparaison par rapport à il y a un an, la parité euro dollar se situe à 1,11 aujourd’hui contre 1,40. Le taux à dix ans allemand est passé de 1,4% à 0,8%. Le cours du baril est descendu de 100 dollars à 65 dollars.
Ces trois facteurs sont d’autant plus propices qu’ils ont conduit un pays comme l’Allemagne, à une croissance autosoutenue, dont tire avantage les autres pays de la région. Nous prévoyons pour la première puissance de la zone euro une hausse de PIB au dessus de 2%.

Si l’on considère que la performance additionnelle des actions de la zone euro serait portée par l’accroissement des profits, une expansion additionnelle des multiples et le versement de dividendes, qu’escomptez sur ces trois composantes ?

Si l’économie de la zone euro continue à se développer comme nous pressentons et si nous allons au devant d’autres bonnes surprises, la progression des bénéfices pourrait s’avérer très élevée. Si le programme de quantitative easing de la BCE perdure jusqu’en septembre 2016, nous pourrions avoir effectivement une expansion supplémentaire des multiples sous l’impulsion des taux maintenus à un niveau très bas et de la l’abondante liquidité injectée.

Avez-vous une estimation en matière d’augmentation des bénéfices ?

Non.

Pourquoi mentionnez-vous « si le programme de quantitative easing de la BCE perdure jusqu’en septembre 2016 » ?

Si la reprise de l’économie européenne persiste, l’inflation et les anticipations d’inflation remonteront d’autant plus. La question de la légitimité du QE de la BCE pourrait alors se poser surtout si l’objectif d’inflation de 2% se rapproche de manière certaine.  Des conflits pourraient apparaitre entre les membres du Conseil des gouverneurs de la BCE, notamment entre l’Allemagne hostile à ce QE et la France très partisane. Ainsi, plus que des interrogations sur la faisabilité technique, des réflexions pourraient émerger s’agissant de la légitimité de ce programme de QE. Toutefois, cet élément d’incertitude devrait surtout avoir une acuité en fin d’année.

Quel vous parait être le potentiel d’upside supplémentaire des actions de la zone euro ?

Il est difficile de le dire. La surpondération des actions de la zone euro dans nos portefeuilles traduit le fait que nous en tablons sur une surperformance par rapport aux autres classes d’actifs. Parallèlement, nous sommes neutres sur les Etats-Unis, légèrement négatifs sur le Royaume-Uni du fait du poids du secteur des matières premières sur le marché des actions britanniques. Nous avons une sous pondération de manière générale sur les marchés émergents même si nous opérations une discrimination dans un cette univers.

Quelles autres menaces voyez-vous pour la persistance du rallye des actions de la zone euro ?

La première hausse des taux de la Fed devrait impacter l’ensemble des marchés actions, pas seulement celui des actions de la zone euro. Cependant assez rapidement, le marché devrait s’apercevoir que le rythme suivi sera très graduel. Un ralentissement de la dynamique économique aux Etats-Unis plus fort que pressenti pourrait avoir une incidence sur la croissance de la zone euro. La mise à mal serait causée par un amoindrissement du volume des exportations de la zone euro et par une appréciation de l’euro vis à vis du dollar. Une dégradation de la relation avec la Russie pourrait aussi entacher notre scénario positif sur les actions de la zone euro.

Deux enjeux sont palpables actuellement sur les marchés financiers : celui de la contraction de la liquidité au niveau microéconomique et celui de la hausse du régime de volatilité ?

L’enjeu de liquidité est surtout perceptible sur le marché obligataire. Il explique la brusque hausse du taux à dix ans allemand de 0,05 à 1% en l’espace de six semaines, ce qui représente une perte entre 7% et 10%. La volatilité sur le marché actions est intégrée dans les esprits des investisseurs. Ce qui m’inquiète davantage c’est la volatilité sur le marché obligataire en raison du niveau très bas des taux. Depuis cinq ans notre maitre mot est de sous pondérer massivement les obligations d’Etat en admettant que les obligations allemandes ne deviendraient attractives qu’au-delà de 2,5% et les obligations américaines qu’au-delà de 3,5%.

Avez-vous des biais dans votre allocation sur les actions de la zone euro?

Nous sommes positionnés sur les actions allemandes et les actions des small et mid caps en raison de la reprise technique de la zone euro.
Sur le plan sectoriel, l’idée serait d’être plus sur les valeurs cycliques que les valeurs défensives.

Propos recueillis par Imen Hazgui