Catherine Garrigues
Responsable de la gestion actions européennes chez Allianz Global Investors
Actions européennes : nous mettons l'accent sur les dépenses militaires et nous évitons l'automobile
Publié le 28 Juin 2017
Quel regard portez-vous sur l’évolution du marché des actions européen ces derniers mois ?
Le marché des actions européen s’est réveillé à la fin de l’année dernière, un peu à la surprise générale, sous l’impulsion d’une nette amélioration de l’environnement économique et financier et des thèmes de la reflation et de la repentification de la courbe des taux.
A la suite de l’annonce de la mise en place d’un programme de quantitative easing de la BCE en 2014, les investisseurs se sont massivement orientés vers le marché tout en se couvrant contre l’euro. Cela a duré quelque mois. Puis nous avons assisté à un dégonflement sur fond d’inquiétudes très fortes au sujet de la santé du secteur bancaire dans les pays périphériques de la zone euro, Espagne et Italie en tête.
Des solutions ont été en partie apportées aux problèmes rencontrés.
Par ailleurs, la croissance économique a pris de l’élan et s’est largement diffusée dans la région.
Le changement d’état d’esprit des investisseurs à l’égard du marché des actions européen s’est renforcé en ce début d’année à la suite d’une série d’OPA ?
Un changement de psychologie a été palpable consécutivement à l’offre faite par Kraft-Heinz le 17 février 2017, de racheter Unilever la deuxième plus grosse capitalisation de la zone euro (120 milliards d’euros). Si l’opération a échoué, elle a cependant suscité des interrogations chez les investisseurs quant à sa raison d’être. Des éléments de réponse ont été identifiés dans la liquidité abondante à faible coût à disposition de la société américaine, la panne de croissance au niveau mondial de cette dernière et sa profitabilité très supérieure à celle de sa concurrente européenne.
Comprenez-vous l’échec de cette opération ?
L’opération a échoué car Kraft-Heinz s’est un peu comporté comme un fonds de Private equity avec une logique de réduction des couts, de délaissement des activités les moins rentables.
Pour contrer l’opération, Unilever a rapidement mis en place un plan stratégique pour rassurer ses actionnaires prévoyant une accélération de sa dynamique de développement, un recentrage sur les activités coeur, des économies de couts, un programme de rachat d’actions.
Le questionnement du marché a pris de l’ampleur avec les OPA qui ont suivi ?
Quelques jours après l’annonce de Kraft-Heinz, le 8 mars, PGG société spécialisée dans la fabrication de peinture professionnelle a signalé son intention de lancer une offre sur AkzoNobel pour consolider le secteur.
Quelles principales motivations se cachent derrière ces volontés d’acquisition ?
Deux principales motivations très probablement. Tout d’abord l’appréhension d’une poursuite de la remontée des taux par la Fed qui aurait pour effet de renchérir le cout de financement sur les marchés.
Egalement le retour de la croissance en Europe qui aurait pour conséquence une hausse des PE et de ce fait le renchérissement du cout d’acquisition des sociétés européennes.
Quels commentaires vous inspire l’exposition des investisseurs à des utilities dépourvues de croissance des résultats opérationnels...
C’est le reflet d’un bull market. Le secteur présente deux facettes, une partie régulée où la performance boursière est essentiellement liée à l’évolution des taux. Une autre partie comporte les générateurs d’électricité comme Eon, Engie, RWE, Uniper, Fortum dont les business model sont en évolution. Ces acteurs sont essentiellement tirés par une spéculation sur d’éventuels rapprochements.
Selon vous, de nombreux paramètres convergent dans le sens d’une hausse supplémentaire du marché au cours des mois à venir...
Nous avons une sous valorisation assez forte du marché européen par rapport au marché américain. Un différentiel de croissance se dessine en faveur de la zone euro par rapport aux Etats-Unis.
Un point d’inflexion très net est apparu sur les anticipations de croissance des profits en 2017. Le même phénomène est observé pour 2018.
L’évolution est très corrélée à l’orientation positive des PMI. Il semble que nous n’ayons pas intégré dans le consensus de marché tout le potentiel d’accroissement des BPA. In fine, nous pourrions avoir une hausse d’une vingtaine de pourcents.
Les opérations capitalistiques devraient demeurer foisonnantes. Même si toutes les opérations ne suivent pas la même logique économique, le M&A fait monter le marché en général dans la mesure où plus de liquidité est investi.
Pour quelles raisons les estimations bénéficiaires pour 2017 seraient plus crédibles que celles avancées pour 2016 ?
Il y a une reprise macroéconomique généralisée. Au-delà de pays phares de la zone euro comme l’Espagne qui ont repris du galon grâce à l’adoption de réformes structurelles d’envergure, les pays émergents repartent également.
Il y a, en outre, un gros effet de base positif sur certains secteurs, en particulier les pétrolières et les financières.
Les résultats délivrés à fin juin laisse présager une forte probabilité que l’on atteigne un tel niveau.
Les petites et moyennes valeurs devraient continuer à mieux performer que les grandes valeurs…
Malgré la surperformance affichée, les petites et moyennes valeurs comme Wordline ou Elis ne sont pas beaucoup plus chers 17x contre 15x. Leur rallye est justifié par leurs bons résultats.
Quelle vision avez-vous de la faiblesse de la volatilité ? Celle-ci est-elle destinée à prendre de l’ampleur d’ici la fin de l’année ?
La faible volatilité est un fait que l’on constate mais que l’on peut difficilement expliquer. Il est compliqué d’avancer comment elle va évoluer.
Ceci étant, si nous avons une illusion d’optique que la volatilité calculée de manière implicite à partir des indices est faible ; de vives fluctuations sont observées sur les titres pris isolément. L’action Schaeffler a chuté de 12% en intraday mardi 27 juin alors que la société a simplement annoncé qu’elle manquerait d’un point le niveau des marges objectivé.
Il y a de toute évidence un problème de liquidité sur sur les titres. Pour entrer ou sortir des positions plusieurs journées, voire des semaines sont requis. Si un investisseur veut traiter, il est obligé de composer avec une variation du cours.
Cette faible volatilité des indices suppose de considérer différemment le risque de marché...
Le risque mesuré par la tracking error, l’écart type par rapport à un indice de référence parait faible. Mais les risques ne sont pas inexistants. Ils sont sous évalués par rapport à ce qu’ils sont. La simple remontée de cette volatilité sur sa moyenne historique multiplierait par deux le niveau de risque porté dans un portefeuille actions, portefeuille obligataire ou portefeuille multi asset.
Quels principaux risques percevez-vous pour le marché d’ici la fin de l’année ?
Je ne vois pas de risque provenir des entreprises elles-mêmes. Celles-ci ont réalisé d’énormes efforts sur les outils de production, les couts…
Les risques sont davantage exogènes. Le risque relatif à la fragilité du secteur bancaire italien semble avoir été écarté. Une solution a été trouvée. Elle est contraire aux instructions initiales données par la BCE de ne pas faire payer les contribuables mais elle existe.
Il pourrait y avoir une rupture de tendance sur le crédit, ou sur les taux consécutivement à une société qui ne parviendrait pas à revendre son portefeuille obligataire alors qu’elle a besoin de liquidité.
Quelle analyse faites-vous de l’inquiétude grandissante concernant une importante consolidation à venir du marché des actions américain ?
Pour l’heure, je ne table pas sur cette consolidation. A mon sens, la rentabilité des capitaux investis justifie la cherté du marché des actions américain. Peu de capitaux sont investis alors qu’il y a une énorme génération de résultats.
Nous sommes dans un telle phase de disruption que les méthodes de valorisation ne sont plus valides. Il est devenu de plus en plus difficile de valoriser les actifs existants.
Facebook, Apple, Amazon, Facebook, Netflix, Google ont créé depuis les années 2 000 milliards de dollars de capitalisation boursière. C’est un peu plus que le Cac 40, que le Dax et un peu moins que Footsie 600. Nous n’avons pas ces acteurs là en Europe.
Mon intuition personnelle est que ces titres ne sont pas excessivement chers. Amazon, par exemple vaut 20 fois le consensus anticipé en 2020.
Or cette dernière semble avoir une réelle stratégie de diversification de ses activités. Dernièrement, Amazon a acheté Whole Food, une chaine alimentaire haut de gamme spécialisée dans le bio avec un panier moyen élevé pour 13,7 milliards pour un chiffre d’affaires de 15 milliards, 0,9x les ventes. Le titre a gagné 7%. Cette opération se justifie par la marque. Whole Food fait 1,5% du marché américain de l’agroalimentaire, 450 magasins.
Quid d’un nouveau krach pétrolier ?
Nous l’avons eu et nous ne devrions pas l’avoir à nouveau.
Depuis deux ans, le monde a complètement changé pour le shale oil américain. Aujourd’hui le baril baisse parce que la production américaine monte contre toute attente. Les break-even ont chuté. Dans certains bassins du Texas, le point mort est descendu jusqu’à 25 dollars.
Même avec un prix du pétrole à 45 dollars il reste rentable d’ouvrir de nouveaux puits de forage.
Cela exerce une pression structurelle sur la matière première.
Quels biais sectoriels ou géographiques présente aujourd’hui votre allocation sur le marché des actions européen ?
Nous pensons qu’il ne faut plus avoir de biais de style car il n’y a pas vraiment de tendance lourde qui se dégage. On ne peut pas affirmer que ce sont les valeurs cycliques ou les valeurs défensives qui tirent le marché. Ainsi nous devrions continuer à être sur un marché plus équilibré.
Sur le front géographique, nous avons accentué notre exposition sur l’Italie où la croissance est en retard. Il y a de belles histoires de restructuration qui peuvent bien fonctionner indépendamment de ce qui pourrait se passer sur la macroéconomie italienne. Qui plus est, nous voulons être optimistes sur l’issue des élections législatives et l’adoption des réformes dans le pays.
Sur un plan sectoriel, nous avons une forte exposition sur les valeurs technologiques : dans les processus de paiement, dans les semiconducteurs, le software, le cloud…
La révolution technologique par capillarité se diffuse un peu partout. Elle a comme sous-jacent des gains de productivité, une amélioration de l’efficacité de l’outil industriel dans l’ensemble des secteurs et donc un accroissement des marges.
Nous avons une surpondération sur les sociétés susceptible de profiter de la hausse substantielle à venir des dépenses militaires en Europe. BAE, Melite, Thalès, Leonardo sont toutes de belles sociétés qui connaissent un très bon parcours boursier. Nous avons pareillement une exposition significative aux sociétés sensibles à une augmentation des dépenses de construction.
Un autre biais sectoriel intéresse le secteur bancaire. Nous tirons avantage d’une réévaluation sur le secteur avec une baisse de la prime de risque, une baisse du cout de financement. Ce biais est surtout un biais tactique. Structurellement il n’y a pas beaucoup de croissance à attendre sur le secteur confronté à des défis colossaux tels que l’open banking, l’ouverture des données aux clients pour favoriser l’émergence de nouveaux services chez les Fintechs.
Que pensez-vous des constructeurs et équipementiers automobiles ?
Nous n’avons pas d’automobiles. Nous jugeons la visibilité très faible. Nous jouons ce secteur à travers les semiconducteurs tels que Octo, Infineon, Osram. Tant pour la voiture autonome que la voiture électrique, le contenu en composants est en en forte croissance.
A notre sens, les équipementiers sont très chers. Le consensus part de l’idée que ces équipementiers vont capter l’essentiel de la part de la valeur ajoutée des véhicules de demain.
Il est difficile de prévoir quel sera le contenu des véhicules électriques et de la voiture autonome et de les comparer au contenu existant des voitures thermiques.
La thématique des fusions-acquisitions vous parait-elle intéressante à jouer ?
Certaines offres ont une réelle pertinence car les acteurs veulent se rapprocher pour accroitre leur pricing power et donc leur rentabilité. On peut penser au rapprochement entre Essilor et Luxottica. Les deux entités sont totalement complémentaires. De même en a-t-il été de l’acquisition de Berendsen par Elis dans le ménage industriel. Si l’opération était envisagée depuis longtemps, le projet a vraiment pris forme à la suite du référendum sur le Brexit qui a poussé la livre a se déprécier de 20%, donnant ainsi plus de clarté au business plan sous-jacent à cette initiative.
D’autres opérations en revanche peuvent laisser dubitatif. Je ne sais pas si le rachat par Vivendi des minoritaires de Havas détenus par Bolloré soit une opération qui créera beaucoup de valeur à long terme.
Il faut donc regarder envisager ce moteur de performance du marché avec discernement.
Le marché des actions européen s’est réveillé à la fin de l’année dernière, un peu à la surprise générale, sous l’impulsion d’une nette amélioration de l’environnement économique et financier et des thèmes de la reflation et de la repentification de la courbe des taux.
A la suite de l’annonce de la mise en place d’un programme de quantitative easing de la BCE en 2014, les investisseurs se sont massivement orientés vers le marché tout en se couvrant contre l’euro. Cela a duré quelque mois. Puis nous avons assisté à un dégonflement sur fond d’inquiétudes très fortes au sujet de la santé du secteur bancaire dans les pays périphériques de la zone euro, Espagne et Italie en tête.
Des solutions ont été en partie apportées aux problèmes rencontrés.
Par ailleurs, la croissance économique a pris de l’élan et s’est largement diffusée dans la région.
Le changement d’état d’esprit des investisseurs à l’égard du marché des actions européen s’est renforcé en ce début d’année à la suite d’une série d’OPA ?
Un changement de psychologie a été palpable consécutivement à l’offre faite par Kraft-Heinz le 17 février 2017, de racheter Unilever la deuxième plus grosse capitalisation de la zone euro (120 milliards d’euros). Si l’opération a échoué, elle a cependant suscité des interrogations chez les investisseurs quant à sa raison d’être. Des éléments de réponse ont été identifiés dans la liquidité abondante à faible coût à disposition de la société américaine, la panne de croissance au niveau mondial de cette dernière et sa profitabilité très supérieure à celle de sa concurrente européenne.
Comprenez-vous l’échec de cette opération ?
L’opération a échoué car Kraft-Heinz s’est un peu comporté comme un fonds de Private equity avec une logique de réduction des couts, de délaissement des activités les moins rentables.
Pour contrer l’opération, Unilever a rapidement mis en place un plan stratégique pour rassurer ses actionnaires prévoyant une accélération de sa dynamique de développement, un recentrage sur les activités coeur, des économies de couts, un programme de rachat d’actions.
Le questionnement du marché a pris de l’ampleur avec les OPA qui ont suivi ?
Quelques jours après l’annonce de Kraft-Heinz, le 8 mars, PGG société spécialisée dans la fabrication de peinture professionnelle a signalé son intention de lancer une offre sur AkzoNobel pour consolider le secteur.
Quelles principales motivations se cachent derrière ces volontés d’acquisition ?
Deux principales motivations très probablement. Tout d’abord l’appréhension d’une poursuite de la remontée des taux par la Fed qui aurait pour effet de renchérir le cout de financement sur les marchés.
Egalement le retour de la croissance en Europe qui aurait pour conséquence une hausse des PE et de ce fait le renchérissement du cout d’acquisition des sociétés européennes.
Quels commentaires vous inspire l’exposition des investisseurs à des utilities dépourvues de croissance des résultats opérationnels...
C’est le reflet d’un bull market. Le secteur présente deux facettes, une partie régulée où la performance boursière est essentiellement liée à l’évolution des taux. Une autre partie comporte les générateurs d’électricité comme Eon, Engie, RWE, Uniper, Fortum dont les business model sont en évolution. Ces acteurs sont essentiellement tirés par une spéculation sur d’éventuels rapprochements.
Selon vous, de nombreux paramètres convergent dans le sens d’une hausse supplémentaire du marché au cours des mois à venir...
Nous avons une sous valorisation assez forte du marché européen par rapport au marché américain. Un différentiel de croissance se dessine en faveur de la zone euro par rapport aux Etats-Unis.
Un point d’inflexion très net est apparu sur les anticipations de croissance des profits en 2017. Le même phénomène est observé pour 2018.
L’évolution est très corrélée à l’orientation positive des PMI. Il semble que nous n’ayons pas intégré dans le consensus de marché tout le potentiel d’accroissement des BPA. In fine, nous pourrions avoir une hausse d’une vingtaine de pourcents.
Les opérations capitalistiques devraient demeurer foisonnantes. Même si toutes les opérations ne suivent pas la même logique économique, le M&A fait monter le marché en général dans la mesure où plus de liquidité est investi.
Pour quelles raisons les estimations bénéficiaires pour 2017 seraient plus crédibles que celles avancées pour 2016 ?
Il y a une reprise macroéconomique généralisée. Au-delà de pays phares de la zone euro comme l’Espagne qui ont repris du galon grâce à l’adoption de réformes structurelles d’envergure, les pays émergents repartent également.
Il y a, en outre, un gros effet de base positif sur certains secteurs, en particulier les pétrolières et les financières.
Les résultats délivrés à fin juin laisse présager une forte probabilité que l’on atteigne un tel niveau.
Les petites et moyennes valeurs devraient continuer à mieux performer que les grandes valeurs…
Malgré la surperformance affichée, les petites et moyennes valeurs comme Wordline ou Elis ne sont pas beaucoup plus chers 17x contre 15x. Leur rallye est justifié par leurs bons résultats.
Quelle vision avez-vous de la faiblesse de la volatilité ? Celle-ci est-elle destinée à prendre de l’ampleur d’ici la fin de l’année ?
La faible volatilité est un fait que l’on constate mais que l’on peut difficilement expliquer. Il est compliqué d’avancer comment elle va évoluer.
Ceci étant, si nous avons une illusion d’optique que la volatilité calculée de manière implicite à partir des indices est faible ; de vives fluctuations sont observées sur les titres pris isolément. L’action Schaeffler a chuté de 12% en intraday mardi 27 juin alors que la société a simplement annoncé qu’elle manquerait d’un point le niveau des marges objectivé.
Il y a de toute évidence un problème de liquidité sur sur les titres. Pour entrer ou sortir des positions plusieurs journées, voire des semaines sont requis. Si un investisseur veut traiter, il est obligé de composer avec une variation du cours.
Cette faible volatilité des indices suppose de considérer différemment le risque de marché...
Le risque mesuré par la tracking error, l’écart type par rapport à un indice de référence parait faible. Mais les risques ne sont pas inexistants. Ils sont sous évalués par rapport à ce qu’ils sont. La simple remontée de cette volatilité sur sa moyenne historique multiplierait par deux le niveau de risque porté dans un portefeuille actions, portefeuille obligataire ou portefeuille multi asset.
Quels principaux risques percevez-vous pour le marché d’ici la fin de l’année ?
Je ne vois pas de risque provenir des entreprises elles-mêmes. Celles-ci ont réalisé d’énormes efforts sur les outils de production, les couts…
Les risques sont davantage exogènes. Le risque relatif à la fragilité du secteur bancaire italien semble avoir été écarté. Une solution a été trouvée. Elle est contraire aux instructions initiales données par la BCE de ne pas faire payer les contribuables mais elle existe.
Il pourrait y avoir une rupture de tendance sur le crédit, ou sur les taux consécutivement à une société qui ne parviendrait pas à revendre son portefeuille obligataire alors qu’elle a besoin de liquidité.
Quelle analyse faites-vous de l’inquiétude grandissante concernant une importante consolidation à venir du marché des actions américain ?
Pour l’heure, je ne table pas sur cette consolidation. A mon sens, la rentabilité des capitaux investis justifie la cherté du marché des actions américain. Peu de capitaux sont investis alors qu’il y a une énorme génération de résultats.
Nous sommes dans un telle phase de disruption que les méthodes de valorisation ne sont plus valides. Il est devenu de plus en plus difficile de valoriser les actifs existants.
Facebook, Apple, Amazon, Facebook, Netflix, Google ont créé depuis les années 2 000 milliards de dollars de capitalisation boursière. C’est un peu plus que le Cac 40, que le Dax et un peu moins que Footsie 600. Nous n’avons pas ces acteurs là en Europe.
Mon intuition personnelle est que ces titres ne sont pas excessivement chers. Amazon, par exemple vaut 20 fois le consensus anticipé en 2020.
Or cette dernière semble avoir une réelle stratégie de diversification de ses activités. Dernièrement, Amazon a acheté Whole Food, une chaine alimentaire haut de gamme spécialisée dans le bio avec un panier moyen élevé pour 13,7 milliards pour un chiffre d’affaires de 15 milliards, 0,9x les ventes. Le titre a gagné 7%. Cette opération se justifie par la marque. Whole Food fait 1,5% du marché américain de l’agroalimentaire, 450 magasins.
Quid d’un nouveau krach pétrolier ?
Nous l’avons eu et nous ne devrions pas l’avoir à nouveau.
Depuis deux ans, le monde a complètement changé pour le shale oil américain. Aujourd’hui le baril baisse parce que la production américaine monte contre toute attente. Les break-even ont chuté. Dans certains bassins du Texas, le point mort est descendu jusqu’à 25 dollars.
Même avec un prix du pétrole à 45 dollars il reste rentable d’ouvrir de nouveaux puits de forage.
Cela exerce une pression structurelle sur la matière première.
Quels biais sectoriels ou géographiques présente aujourd’hui votre allocation sur le marché des actions européen ?
Nous pensons qu’il ne faut plus avoir de biais de style car il n’y a pas vraiment de tendance lourde qui se dégage. On ne peut pas affirmer que ce sont les valeurs cycliques ou les valeurs défensives qui tirent le marché. Ainsi nous devrions continuer à être sur un marché plus équilibré.
Sur le front géographique, nous avons accentué notre exposition sur l’Italie où la croissance est en retard. Il y a de belles histoires de restructuration qui peuvent bien fonctionner indépendamment de ce qui pourrait se passer sur la macroéconomie italienne. Qui plus est, nous voulons être optimistes sur l’issue des élections législatives et l’adoption des réformes dans le pays.
Sur un plan sectoriel, nous avons une forte exposition sur les valeurs technologiques : dans les processus de paiement, dans les semiconducteurs, le software, le cloud…
La révolution technologique par capillarité se diffuse un peu partout. Elle a comme sous-jacent des gains de productivité, une amélioration de l’efficacité de l’outil industriel dans l’ensemble des secteurs et donc un accroissement des marges.
Nous avons une surpondération sur les sociétés susceptible de profiter de la hausse substantielle à venir des dépenses militaires en Europe. BAE, Melite, Thalès, Leonardo sont toutes de belles sociétés qui connaissent un très bon parcours boursier. Nous avons pareillement une exposition significative aux sociétés sensibles à une augmentation des dépenses de construction.
Un autre biais sectoriel intéresse le secteur bancaire. Nous tirons avantage d’une réévaluation sur le secteur avec une baisse de la prime de risque, une baisse du cout de financement. Ce biais est surtout un biais tactique. Structurellement il n’y a pas beaucoup de croissance à attendre sur le secteur confronté à des défis colossaux tels que l’open banking, l’ouverture des données aux clients pour favoriser l’émergence de nouveaux services chez les Fintechs.
Que pensez-vous des constructeurs et équipementiers automobiles ?
Nous n’avons pas d’automobiles. Nous jugeons la visibilité très faible. Nous jouons ce secteur à travers les semiconducteurs tels que Octo, Infineon, Osram. Tant pour la voiture autonome que la voiture électrique, le contenu en composants est en en forte croissance.
A notre sens, les équipementiers sont très chers. Le consensus part de l’idée que ces équipementiers vont capter l’essentiel de la part de la valeur ajoutée des véhicules de demain.
Il est difficile de prévoir quel sera le contenu des véhicules électriques et de la voiture autonome et de les comparer au contenu existant des voitures thermiques.
La thématique des fusions-acquisitions vous parait-elle intéressante à jouer ?
Certaines offres ont une réelle pertinence car les acteurs veulent se rapprocher pour accroitre leur pricing power et donc leur rentabilité. On peut penser au rapprochement entre Essilor et Luxottica. Les deux entités sont totalement complémentaires. De même en a-t-il été de l’acquisition de Berendsen par Elis dans le ménage industriel. Si l’opération était envisagée depuis longtemps, le projet a vraiment pris forme à la suite du référendum sur le Brexit qui a poussé la livre a se déprécier de 20%, donnant ainsi plus de clarté au business plan sous-jacent à cette initiative.
D’autres opérations en revanche peuvent laisser dubitatif. Je ne sais pas si le rachat par Vivendi des minoritaires de Havas détenus par Bolloré soit une opération qui créera beaucoup de valeur à long terme.
Il faut donc regarder envisager ce moteur de performance du marché avec discernement.
Propos recueillis par Imen Hazgui