Interview de Igor  de Maack : Gérant et Porte parole de la gestion de DNCA Finance

Igor de Maack

Gérant et Porte parole de la gestion de DNCA Finance

En 2018 le segment des PME conserve tout son intérêt mais davantage de discernement est nécessaire

Publié le 28 Juin 2018

Racontez-nous la genèse de ce fonds DNCA PME ? Pourquoi a-t-il été créé ? Pour répondre à quelle opportunité d’investissement concrète ? Comment cette opportunité a-t-elle évolué avec le temps ?
Le fonds a été lancé en décembre 2013 pour répondre à la nouvelle opportunité créée par l’instauration du régime fiscal PEA PME dans le cadre du quinquennat de François Hollande afin d’accroitre l’appétit pour le risque et favoriser le développement des PME/ETI.
La thématique des PME fait encore sens aujourd’hui. L’économie française se porte bien. Qui plus est, la dynamique de la régionalisation de l’épargne demeure intacte. De nombreux gouvernements multiplient les discours et les mesures afin d’inciter leurs citoyens et contribuables à financer le tissu économique local.
D’un point de vue boursier, le segment des PME conserve tout son intérêt selon nous. Cependant, les niveaux de valorisation s’étant en grande partie tendus, davantage de discernement est nécessaire pour exploiter ce gisement. En particulier, une attention plus grande doit être attachée à la problématique de la liquidité.

Vous mettez l’accent sur l’impératif de discernement accru sur le segment. Pourquoi ?
Nous pressentons une année complexe pour les marchés actions et pour les générateurs d’alpha. Le pic de croissance a probablement été atteint au sein de la zone euro. La hausse du prix de l’énergie représente un coût supplémentaire pour les consommateurs et les entreprises évoluant dans l’industrie de transformation. Le cas de l’Italie ranime le risque systémique au sein de la région.
Il va falloir s’attendre à une plus grande dispersion des performances.
Plus spécifiquement, les petites et moyennes capitalisations ont moins de soutien que par le passé. Au-delà d’une cherté accrue, héritage de la surperformance passée, elles sont par ailleurs vivement concurrencées par les grandes capitalisations qui affichent une moindre valorisation et sont aidées par une thématique pétrolière porteuse.
Si la liquidité venait à être contrainte, les classes d’actifs les plus illiquides seraient les premières à être mises à mal. Une correction est tout à fait possible.

Parlez-nous de l’équipe de gestion ? Est-elle la même que celle au démarrage du fonds ? De combien de personnes se compose-t-elle ? En quoi se distingue-t-elle ?

L’équipe de gestion est la même que celle en place au démarrage du fonds. Elle se compose de Romain Avice ainsi que moi-même. Nous avons récemment été rejoints par une troisième personne pour travailler sur des dossiers de petites capitalisations plus spécifiques.
Romain et moi sommes amenés à intervenir sur d’autres fonds dans le segment des larges caps et dans d’autres classes d’actifs. De ce fait, nous avons une vision plus globale du marché dans son ensemble et nous sommes ainsi dans une situation plus confortable et plus détachée pour apprécier le segment des small caps en relatif.

S’agissant du processus d’investissement, où réside sa valeur ajoutée ? Qu’est ce qui fait que ce fonds est singulier par rapport aux autres fonds concurrents de la même catégorie ?

De nombreux fonds entrant dans la même catégorie ont un biais de style croissance et présentent une volatilité historiquement élevée. Ce n’est pas le cas du fonds que nous pilotons.
Dans le cadre du processus d’investissement, au-delà des ratios purement financiers, le critère des multiples de valorisation est clé. Nous nous focalisons sur les petites valeurs fortement décotées. Ainsi alors que le PE moyen du Cac Mid&Small se situe autour de 21x, le PE moyen du fonds est de 17x. En termes de valeur d’entreprise sur excédent brut d’exploitation (EV/EBTIDA), ratio que nous privilégions car moins impacté par le levier financier dans une période de taux bas, la décote du fonds atteint presque 25%.

De plus, nous n’hésitons pas à utiliser la flexibilité du dispositif en ayant recours à la poche non éligible au dispositif PEA/PME qui peut représenter jusqu’à 25% du fonds (environ 15% aujourd’hui). En cela, nous nous positionnons sur des valeurs plus industrielles, plus cycliques comme des valeurs de l’industrie automobile.
Par ailleurs, à l’aube d’une normalisation monétaire et à ce stade du cycle économique, nous portons une attention particulière sur le niveau d’endettement des sociétés en portefeuille avec un ratio de dette nette sur excédent brut d’exploitation de 1.4x (vs 2.4x pour la CAC Mid&Small).

Qui plus est, nous considérons pleinement dans notre choix de titres le critère de la gouvernance des entreprises conformément à la politique de vote de DNCA Finance. Souvent les petites entreprises sont des entreprises familiales susceptibles de composer avec des problématiques particulières de management. Le risque lié à une gouvernance défaillante est d’autant plus élevé que la politique de transparence n’est pas toujours très développée et la communication des informations pas toujours évidente.
Nous regardons de près la présence de membres indépendants dans le Conseil d’administration, les modalités de rémunération. La majorité du capital ne se trouvant pas entre les mains du marché, il n’est pas exclu qu’un actionnaire de référence tente de faire voter au sein de l’Assemblée générale une rémunération d’une ampleur démesurée ou assise sur des méthodes de calcul alambiquées.
Nous avons tendance à ne pas laisser passer ces sujets dans notre filtre de sélection.

Ainsi vous faites de l’activisme…

Nous ne faisons pas vraiment d’activisme. Nous jouons surtout pleinement notre rôle d’actionnaire minoritaire. Nous votons, nous échangeons, nous pouvons au mieux être à l’initiative d’une modification bénéfique dans le management mais nous ne nous servons pas de notre participation au capital pour exercer une pression quelconque.

En ce qui concerne les risques, de quelle manière sont-ils appréhendés ? Quels pares feux, quelles limites, quelles protections sont en place ?

Nous n’avons pas de limites dans notre marge de manœuvre. Nous nous autorisons à aller dans tous les secteurs. Toutefois, eu égard du niveau des valorisations et de la progression des encours, nous évitons d’investir dans des sociétés ayant une capitalisation inférieure à 100M€ même si ce n’est pas une règle systématique. Aussi, il est possible de retrouver une valeur comme Clasquin dans le portefeuille.

Utilisez-vous le réservoir de cash disponible pour vous abriter ?

Le fonds est pratiquement toujours entièrement investi. Depuis 2014, la moyenne de détention des actions ressort à 92%. Bien que nous puissions augmenter la poche de cash jusqu’à 25% de l’actif, nous ne le faisons pas actuellement.

De quelle manière pilotez-vous plus spécifiquement le risque de liquidité ?

Nous tachons de limiter le risque de liquidité à travers les considérations de capitalisation, de taille du flottant et sa rotation, de volatilité journalière moyenne, de pondération. Aucune valeur ne représente plus de 5% des encours sous gestion.

Evidemment, nous calculons avec l’appui de notre équipe de risque le nombre de jours nécessaires pour vendre une partie substantielle du portefeuille. Toutefois le résultat de ce calcul reste avant tout théorique notamment en excluant le recours aux ventes en blocs assez répandues sur cette classe d’actifs. Les crises de 2008 et 2011 nous ont démontré à quel point il était compliqué de présager quel scénario allait finalement s’appliquer dans la réalité.
Pour rappel, l’investisseur peut subir un risque de perte en capital.

Qu’en est-il des spécificités relatives à la composition du fonds ? Avez-vous des biais ?

Les deux biais sectoriels actuels que nous pouvons évoquer sont l’industrie (35% de l’actif) et les SSII (24% de l’actif). Le premier biais s’explique par la dynamique économique et la reprise de l’investissement. Le second biais se justifie par le phénomène de digitalisation du monde des entreprises et de l’économie française.

De combien de titres se compose le portefeuille ?
Le portefeuille se compose d’une soixantaine de titres. En cela, nous gérons DNCA PME de façon moins concentrée que certains autres fonds de la gamme.
Les dix premières valeurs représentent 26% de l’actif. Les pondérations sont comprises entre 1% et 3% dans la majorité des cas. Il peut nous arriver d’investir dans des titres à hauteur de 0,5%/1% de l’actif. Ce sont alors soit des dossiers en redressement soit des dossiers de très petite taille pour lesquels le manque de visibilité ne permet pas une prise de risque significative.

Vous arrive-t-il de participer à des IPO ?

Oui. Nous avons participé à la grosse vague d’introductions en bourse de 2014. Au début de cette année, nous avons investi dans la société DONTNOD Entertainment, spécialisée dans la production de jeux vidéo narratifs. Ces introductions en bourse doivent être appréciés avec une vigilance accrue compte tenu de la valorisation des marchés. En cas de tensions futures, les dossiers les moins solides ne seront pas épargnés.
Nous avons décidé de ne plus investir dans les sociétés qui ne présentent pas une rentabilité immédiate, à l’instar des sociétés de technologie pointue ou de biotechnologie enclines à annoncer un point d’équilibre à échéance de deux à trois ans. Nous sommes d’avis que le plan d’affaires de ces sociétés est moins maitrisable et que divers aléas peuvent compromettre ou retarder son exécution.

Qu’en est-il du turnover du fonds ?

Nous n’avons pas encore un historique suffisant pour appréhender précisément le turnover du fonds. Ce que l’on peut avancer, c’est que la rotation est plutôt faible dans la philosophie de gestion DNCA dans la mesure où nous avons un horizon d’investissement de moyen-long terme, entre trois et cinq ans.

Donnez-nous un exemple de titre sur lequel vous avez une vision constructive ?

Nous pouvons évoquer la maison de champagne Laurent Perrier. La société a été très chahutée en raison de quelques difficultés rencontrées : une consommation à l’étranger en repli, notamment au Royaume-Uni du fait de la dépréciation de la livre sterling et de la détérioration du pouvoir d’achat des ménages britanniques ; une concurrence exacerbée avec la multiplication de campagnes promotionnelles de produits d’entrée de gamme (vin pétillant notamment). Pour autant nous sommes convaincus que le cours de bourse ne reflète pas la valeur fondamentale de l’entreprise notamment dans une approche de valorisation transactionnelle de ses actifs. La valeur constitue ainsi une des premières lignes du portefeuille.

Un autre beau dossier que nous pouvons mentionner est Mcphy Energy, spécialisé dans la fabrication et la commercialisation d'équipements de production et de stockage d'hydrogène sous forme solide à partir de l'électrolyse de l'eau. La société a souffert depuis son introduction en bourse en raison du report de son objectif de point mort opérationnel. Toutefois, nous pensons que la technologie développée est prometteuse. Dernièrement, EDF a signalé sa décision d’entrer dans le capital de McPhy Energy pour développer une offre d'hydrogène décarboné. Il est très probable que les prises de commandes progressent en volume et en valeur, et se traduisent par une montée en puissance du chiffre d'affaires.
Nous conservons ces dossiers bien que le compte de résultat peine à produire. D’une part nous nous refusons de vendre ces valeurs à perte. Surtout, nous sommes d’avis que l’heure de vérité sur ces deux valeurs est prochaine.

Avez-vous été amenés à commettre des erreurs d’appréciation ?

Nous avons effectivement été amenés à mal juger certains dossiers. En particulier, nous avons été poussés à sortir des sociétés que nous avions acquises au moment de la grande mouvance des IPO en 2014. Cela fut le cas par exemple de MND ou encore Awox. Contrairement à d’autres belles sociétés qui ont su rapidement délivrer et dans lesquelles nous avons également misé, Ateme ou Visiativ, MND et Awox n’ont pas été en mesure d’être au rendez-vous de leurs engagements. Par ailleurs, nous avons également sous-estimé sur certains dossiers la difficulté de transformation du modèle économique à l’instar d’Air France ou Sodexo dans la partie non éligible au dispositif PEA PME.

*Objectif du fonds : L’objectif de gestion est la recherche d’une performance annualisée supérieure
à 7% nette de frais et sur la durée de placement recommandée (5 ans) dans le respect de la règlementation PEA et PEA-PME.

*Principaux risques :
• Risque lié à la gestion discrétionnaire
• Risque de crédit
• Risque actions
• Risque de liquidité
• Risque de contrepartie
• Risque lié aux petites et moyennes capitalisations
• Ce fonds présente un risque de perte en capital

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Propos recueillis par Imen Hazgui