Interview de Lewis Aubrey-Johnson : Directeur Produits de l'équipe Fixed Income d'Invesco à Henley

Lewis Aubrey-Johnson

Directeur Produits de l'équipe Fixed Income d'Invesco à Henley

Fonds Invesco Pan European High Income : nous faisons preuve de courage lorsque les conditions du marché sont difficiles

Publié le 10 Juillet 2018

Pouvez-vous nous raconter la genèse du fonds Invesco Pan European High Income (LU0243957239)? Pourquoi a-t-il été créé ? Pour répondre à quelle opportunité d'investissement concrète ? Comment cette opportunité a-t-elle évolué au fil du temps ?
Cela fait de nombreuses années que nous gérons des fonds à rendement dans la sphère obligataire (22 ans) et dans la sphère actions (40 ans). Nous avons une expertise reconnue dans ce domaine. Quand le marché de l’épargne s'est développé en Europe, nous avons souhaité capitaliser sur notre savoir-faire pour proposer nos solutions aux personnes désireuses de préparer leur retraite. Nous avons lancé le fonds Invesco Pan European High Income en mars 2006.
Lorsque nous avons commencé, le concept d'investissement dans des fonds à rendement n'était pas très plébiscité. La donne a évolué avec l'effondrement des taux d'intérêt. La baisse continue des rendements générés par un grand nombre de sources financières jugées « sûres », comme les comptes de dépôt ou les obligations d'État, a poussé ou forcé les investisseurs à prendre plus de risques afin de capter plus de revenus. Les fonds à rendement sont devenus de plus en plus populaires à mesure que les taux sont passés à un niveau proche de zéro.
Il nous a semblé évident d’utiliser nos compétences en matière de gestion obligataire et les résultats de notre recherche crédit pour répondre aux nouveaux besoins des épargnants.

Parlez-nous de l'équipe de gestion ? Est-ce la même qu'au début du fonds ? Combien de personnes en font partie ? Comment se distingue-t-elle ?

Le fonds investit principalement dans la sphère obligataire et accessoirement dans la sphère actions. Il y a de ce fait trois gérants, deux issus de l'équipe obligataire et un gérant issu de l'équipe actions européennes. Les deux gérants obligataires sont en place depuis le lancement du fonds, il y a douze ans. Ils ont plus de 20 ans d'expérience au sein d’Invesco. Le gérant actions a changé en 2012.
Derrière ces trois personnes, il y a toute l'équipe obligataire qui comprend 26 personnes, dont des analystes, des gérants de portefeuille et des courtiers.
La stabilité de cette équipe est un facteur clé. En plus des deux gérants obligataires, sept autres personnes font partie de l’équipe depuis plus de dix ans. Il y a une véritable cohésion qui date depuis longtemps.

Pourquoi le gérant actions a-t-il changé en 2012 ?

L'ancien gérant a évolué dans une autre fonction au sein de l'équipe de gestion actions. Il y a simplement eu une réorganisation.

Où réside la valeur ajoutée du processus d'investissement ? Qu'est-ce qui rend ce fonds unique par rapport à d'autres fonds concurrents de la même catégorie ?

Deux aspects de notre processus de gestion sont à mettre en lumière. Nous nous appuyons sur une très forte équipe d'analystes de crédit avec des horizons différents, venant de différents pays, avec des compétences différentes, des perspectives différentes. En cela le process repose sur un véritable mélange d'expériences de grande qualité.
Un deuxième élément à souligner est relatif à l'esprit qui nous anime. Nous sommes prêts à prendre des risques lorsque la perception des risques est élevée. En d'autres termes, lorsque la plupart des investisseurs sont craintifs et essaient de vendre des titres ou d'arrêter de prendre des risques, nous décidons de saisir l'occasion pour prendre de nouvelles positions là où nous voyons les plus grandes anomalies de valorisation. Ainsi, nous faisons preuve de courage en augmentant la part des actifs risqués lorsque les conditions du marché sont difficiles. Ce n'est pas quelque chose de facile à faire mais c’est ce qui nous a permis de générer de la performance.

Comment cette équipe de gestion, combinée à ce processus d'investissement, s'efforce-t-elle d'atteindre le meilleur rapport risque/rendement ? Quelles sont les limites fixées ?

L'une des règles que nous suivons est que la part des actions ne dépasse pas les 30 %. Au cours des dix années où nous avons géré le fonds, le maximum était de 22 %. Cette règle s'explique par notre profil d’allocation prudente.
Au-delà de cela, nous avons une importante surveillance des risques. Les deux principaux risques pour ce fonds sont le risque de crédit et le risque lié aux actions. Si nous n’avons pas de limites officielles, dans la pratique le montant de ces risques évolue au fil du temps. En 2011, pendant la crise de l'euro, nous avons augmenté le risque de crédit. Même si les conditions de marché étaient très compliquées, certaines valorisations semblaient très attrayantes. En revanche, ces derniers 18 mois, nous avons réduit les risques de crédit. Ainsi, nous ne détenons pas de papiers notés CCC ou pas de papiers notés B.

Que pensez-vous du risque de liquidité ?

Nous nous préoccupons beaucoup de ce sujet. La liquidité est quelque chose que l'on peut facilement perdre. Aujourd'hui, nous avons environ 20 % du fonds en cash ou en obligations dont l'échéance est inférieure à un an, essentiellement des obligations du Trésor. Cette poche de liquidités tend à nous donner une position confortable si nous voulons acheter des titres ou si des clients vendent leurs parts.

S'agit-il de la plus grande proportion de liquidités depuis le lancement du fonds ?

Si l'on considère la durée de la période, il s’agit de la plus grande proportion. Nous avons aujourd'hui plus de liquidités que nous n'en avons jamais eu. Considérant le fait, par ailleurs, que nous détenons également 10% d'obligations « investment grade » à court terme.

Pensez-vous que cette composante en liquidités constitue un biais structurel ?

Nous réfléchissons beaucoup à cette question. En tant que gérant de fonds, c'est un grand dilemme. Nous sommes préoccupés par le fait d’avoir toute une poche de liquidités qui ne procure aucun revenu.
Ce que nous pensons, c'est que si nous investissons toutes ces liquidités, nous augmenterions considérablement le risque, mais nous n'augmenterions pas vraiment les rendements en découlant.
Le grand défi que nous avons avec ce fonds est de savoir comment il se comportera lorsque le prochain marché baissier dans le compartiment du crédit se produira. Si nous pouvons démontrer que nous sommes en mesure de limiter la perte de ce fonds au cours du prochain marché baissier en détenant des liquidités, en ayant une position quelque peu défensive, ce sera très positif pour le fonds.
Il est difficile de dire si ce parti pris va continuer. Au moment des dernières élections italiennes, nous avons observé des écartements de spreads obligataires. C'était une bonne nouvelle pour nous d'une certaine façon, car des anomalies de valorisations faisaient leur apparition. Cependant, assez rapidement, les spreads se sont resserrés, de sorte qu'il n'y avait plus d'opportunités significatives pour se positionner.

Utilisez-vous des couvertures financières ? Quel genre de pares-feux mettez-vous en place ?

Nous utilisons peu les couvertures. Le fonds Pan European High Income est un fonds très simple, un fonds très traditionnel. Nous gérons le risque principalement en achetant et en vendant des titres et en modifiant l’allocation d’actifs.
Toutefois, si nous éprouvons un besoin particulier de couvrir le portefeuille, très rapidement, nous pouvons le faire en ayant recours aux CDS (Credit Default Swap) par exemple.

Qu'en est-il des particularités relatives à la composition du fonds ?

Nous avons quatre composantes principales dans le fonds : 20 % de liquidité, 12 % d'obligations « investment grade », 46 % de d’obligations plus risquées (obligations de sociétés à haut rendement, obligations subordonnées émises par des banques ou des compagnies d'assurance, ou obligations subordonnées émises par des sociétés), 22 % d'actions.
Nous générons des revenus grâce à 68% du fonds. Nous avons différents niveaux de revenus générés. Dans la composante des obligations bancaires subordonnées, nous obtenons un rendement de 4/4,5%. Dans la composante des obligations à haut rendement des entreprises, nous obtenons 4,5%. Dans la composante actions émises par des entreprises ayant un bilan solide, un chiffre d’affaires en hausse, le rendement des dividendes est aussi élevé que celui des titres à haut rendement.

Avez-vous des préférences sectorielles ?

Pour le moment, nous n'avons pas de préférence marquée pour un secteur en particulier. Pendant longtemps, nous avons aimé les banques, pour leur décote. Aujourd'hui, le risque est largement dispersé et les valorisations sont moins attrayante y compris dans les bancaires. Nous avons été amenés à réduire progressivement notre exposition à ce dernier secteur.
Certaines parties du secteur du commerce de détail en Europe deviennent de plus en plus intéressantes à mesure que les changements dans ce secteur produisent des gagnants et des perdants, mais nous pensons qu'il y a encore du chemin à parcourir avant qu'il ne représente une forte opportunité d'investissement.

Combien y a-t-il de titres dans le fonds ?
Le portefeuille est composé d’une cinquantaine d’actions et de quelques centaines d’ogligations. Il ne s'agit pas d'un portefeuille concentré. C'est un fonds très diversifié. Le risque relatif à une entreprise n'est pas significatif.

Qu'en est-il du turnover ?

La rotation du portefeuille varie au fil du temps en fonction des conditions du marché et de l'évolution de notre stratégie. Souvent, la rotation du portefeuille est très faible parce que les marchés des titres obligataires peuvent être globalement stables pendant longtemps. Toutefois, lorsque nos points de vue changent, il peut en résulter des modifications importantes dans le portefeuille et ainsi augmenter sa rotation.
La liquidité du marché secondaire est également un facteur important, car effectuer des opérations sur les marchés lorsque la liquidité est faible peut nuire au rendement du portefeuille.

Donnez-nous un exemple d'un titre qui s'est particulièrement bien comporté dans le fonds ? Donnez-nous un exemple d'erreur de jugement et dites-nous comment les ajustements ont été faits pour corriger cette erreur ?

Du côté positif, on peut citer Unicredit. La banque s'est retrouvée en difficulté ; pour nous, elle avait la capacité de résoudre ses problèmes. Le niveau du rendement payé pour le risque pris était très généreux. Au cours des deux années, la banque a fait de grands progrès dans l'assainissement de son bilan, la mobilisation de capitaux, la levée de fonds propres, la cession de créances non performantes. Les économies européenne et italienne se sont redressées. Cet investissement a très bien fonctionné grâce à un niveau important de croissance des coupons et du capital, le risque diminuant.

D'un côté négatif, on peut parler de Valeant. La direction a décidé de restructurer l'entreprise. Cela a entraîné une faiblesse de la valeur des actions et des obligations émises par la société. Nous avons dû vendre les obligations moins chères que lorsque nous les avons achetées.

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Propos recueillis par Imen Hazgui