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Interview de Pierre Chabrol : Chef du bureau épargne et marchés financiers à la Direction Générale du Trésor

Pierre Chabrol

Chef du bureau épargne et marchés financiers à la Direction Générale du Trésor

Label ISR : bilan et perspectives après 4 ans d'existence

Publié le 17 Mai 2021

 Comment a été conçu le label ISR ?

L’idée du label a été proposée par des sociétés de gestion, qui développaient déjà des programmes d’investissement responsable et qui étaient à la recherche d’un référentiel crédible et visible en la matière eu égard aux épargnants. La volonté affichée était alors d’éviter le greenwashing ou « l’ISR-washing » (pratique trompeuse visant à présenter un produit comme responsable alors qu’il ne l’est pas). Afin de dépasser les divergences de vues entre les différents acteurs de ce que pouvait être l’investissement responsable et de proposer un cahier des charges solide pour le label ISR, une gouvernance alliant l’ensemble des acteurs de la place a été mise en place et dans laquelle l’Etat continue de jouer un rôle important.
 
Les différentes étapes de la démarche ISR 


 Cela fait maintenant quatre ans que le label ISR a été créé, peut-on parler d’un succès ?


Oui, on peut indéniablement parler d’un succès. L’encours total des fonds ISR représentait 350 milliards d’euros en décembre 2020 et 20% des sociétés de gestion françaises proposaient des fonds labelisés ISR. Ce qui était jusque-là un phénomène de niche est devenu central dans la gestion d’actifs. L’année 2020 a également été un tournant, avec un doublement des encours sous gestion au cours de l’année.

 Comment expliquez-vous ce record en 2020 ?

Je dirai qu’il y a trois raisons principales à l’origine de ce développement.
Tout d’abord on constate un essor de l’ESG en général (prise en compte de critères liés à l’Environnement, au Social, et à la Gouvernance), à la fois dans la demande des épargnants et des investisseurs, mais également dans les méthodologies utilisées par les sociétés de gestion pour avoir une évaluation ESG robuste et crédible en complément d’une évaluation financière classique. Les outils utilisés dans l’analyse extra financière sont plus sophistiqués et plus robustes. La demande de plus en plus exigeante du côté des investisseurs et des épargnants a rencontré une offre foisonnante.
Le label a aussi été aidé par un ensemble d’ évolutions réglementaires, dont la Loi Pacte de mai 2019, dont les diverses mesures viennent soutenir les OPC ISR. En particulier, cette législation prévoit que les unités de compte dans les contrats d’assurance-vie et les plans d’épargne entreprise doivent systématiquement référencer des fonds ISR.
Enfin, la communication des émetteurs des produits labellisés ISR s’est considérablement intensifiée.

 Pourquoi cet engouement actuel pour l’ESG et l’ISR ?

L’historique des performances et l’effet de réputation des entreprises « vertueuses » versus entreprises « mauvaises élèves » ont fait leur œuvre.
Des analyses d’experts financiers montrent que l’ISR est rentable. L’évaluation d’un investissement au regard des critères ESG permet aussi de considérer des risques environnementaux, sociétaux et gouvernementaux qui vont finalement impacter les performances financières. La prise en compte de l’ESG permet ainsi sur le long terme une gestion plus intelligente.
D’après les professionnels de l’ISR, ce sont désormais les épargnants, surtout dans les plus jeunes générations qui sollicitent directement des placements qui ont du sens. Ces derniers veulent s’assurer que leurs investissements auront un impact bénéfique.

 Quant au périmètre du label : initialement limité aux OPC, il a été étendu aux SCPI. Certains s’étonnent du fait qu’aujourd’hui il n’y ait que 13 SCPI ayant obtenu le label ISR et indique que c’est un phénomène minoritaire, une goutte d’eau dans l’univers de l’investissement immobilier ?

Le label ISR n’a pas d’objectifs chiffrés, bien qu’il ait vocation-par ses caractères généraliste et inclusif-à s’étendre plus largement.
La déclinaison au secteur de l’immobilier est récente. Elle a été annoncée en juillet 2020 et mise en œuvre en octobre 2020 et ces chiffres datent de décembre 2020 donc l’extension n’avait que deux mois d’existence..
En outre, le label ISR est octroyé par des labellisateurs, au nombre de trois, qui doivent mettre des équipes dédiées à l’examen des projets de candidatures des fonds immobiliers qui souhaitent être labélisés ISR, au regard de critères plus spécifiques. Un temps d’adaptation a donc été nécessaire du côté des certificateurs.
Enfin, l’un des enjeux fondamentaux de ce label est de faire en sorte que le processus reste crédible et fiable.

 Est-ce que le label pourrait s’intéresser à d’autres produits financiers au-delà des OPC et des SPCI ?

Pour l’instant l’extension à d’autres produits n’est pas envisagée, mais elle pourrait l’être. Bien que le label couvre déjà beaucoup de produits financiers.

 Quelles distinctions faites-vous entre ce label ISR par rapport aux autres labels, notamment européen (Towards-Sustainability, Luxflag, FNG-Siegel) ?

Sa première spécificité est son histoire, le label ISR français étant le premier du genre. La France a été pionnière avec l’ISR, et veut rester à l’ avant-garde.
En ce qui concerne les différences, elles sont diverses et multiples entre chaque label. Elles peuvent être relatives à la gouvernance. En France par exemple l’Etat joue un rôle très important dans la structuration du label. Tel n’est pas nécessairement le cas dans les autres pays où un label existe. Les divergences peuvent également être liées à la dimension E, S ou G sur laquelle le label met l’accent. Il existe des labels en Europe uniquement centrés sur les enjeux environnementaux alors que pour le label français, l’environnement n’est qu’un aspect de l’ISR.
Nous accordons une importance fondamentale au fait de jouer sur les trois thématiques clés (environnement, social et gouvernance). Une autre disparité remarquée réside dans la définition d’exclusions sectorielles. Alors que certains labels prévoient plusieurs exclusions, le label ISR français, à ce jour, n’en retient aucun.

 La particularité du label français réside donc dans cette garantie de l’Etat ?

De nombreux labels européens sont gérés et encadrés uniquement par les acteurs du marché, et en effet la France fait partie des exceptions où le label ISR appartient à l’Etat et où le Trésor joue un rôle important dans la vie quotidienne de ce label.
Cela étant, le label français est très adapté à la place (conçu avec la place). Toutes les évolutions se font à la demande et en concertation étroite avec les acteurs du marché, les émetteurs des produits ISR, les instances publiques de régulation, mais également les représentants des épargnants, des distributeurs, des investisseurs institutionnels et des représentants du monde académique.

 Et ces différents protagonistes forment le comité du label ISR et le font évoluer ?

Exactement, les évolutions introduites dans le label, à l’instar de celles qui ont vu le jour en juillet 2020, sont proposées, discutées et arrêtées à l’intérieur du comité du label ISR. Et c’est le ministre des Finances qui prend en définitive les décisions.

 Y a-t-il une fréquence de réunion de ce comité ? Il se réunit tous les mois ?

Non pas vraiment c’est un procédé de réunion assez peu formalisé. Le comité est désigné avec les membres permanents, mais la fréquence des réunions n’est pas formalisée.

 Y-at-il actuellement une réforme envisagée pour le label ISR ?

Il a déjà été réformé l’année dernière avec la version 2 du référentiel, qui était déjà une réforme importante, notamment avec l’élargissement de la gamme de produits étudiés (notamment avec les SCPI). On a aussi augmenté le niveau d’exigence de façon assez substantielle, en termes de transparence et de reporting sur les critères ESG sélectionnés. Cela a des implications concrètes dans la gestion financière. Il faut aller chercher les données, il faut s’engager en termes de politique actionnariale et les entreprises du portefeuille doivent avoir une note ESG supérieure sur au moins deux critères ESG par rapport aux entreprises de leur secteur.


Tout le monde s’accorde sur le succès du label qui est indéniable et tout le monde s’accorde aussi sur la nécessité à le faire évoluer compte tenu de l’ampleur et de l’objectif des missions. L’ISR n’est plus un sujet de niche, c’est devenu massif et par ailleurs comme vous le disiez toute à l’heure, la thématique de l’ESG et les exigences de l’ESG ont changé. On n’est plus le seul label, il y a une réglementation européenne qui est en place, avec des référentiels qui se mettent en place au niveau européens. Il y a depuis le printemps dernier une doctrine de l’AMF en matière de communication ESG, ce qui permet de réguler de façon plus précise la façon dont les sociétés de gestion peuvent communiquer sur l’ESG. L’AMF a déterminé 3 catégories d’intensité de l’utilisation des critères ESG dans la gestion d’actifs et le degré de communication et de marketing qui pourra être fait sur le caractère ESG de tel ou tel fond dépendra de ce niveau d’intensité. La communication doit correspondre à la réalité. Parce que l’AMF s’était rendu compte que certaines sociétés de gestion employaient des pratiques trompeuses vis-à-vis des épargnants en prétendant qu’elles étaient ESG et sérieuses ce qui n’était pas le cas. Maintenant qu’il y a ce socle doctrinal de l’AMF, il faut peut-être qu’on réfléchisse aussi à repositionner l’ISR par rapport à cela.

 Qu’en est-il des critiques ?

Certaines critiques ont été formulées contre le label ISR, il faut les comprendre, les entendre, et il faut y répondre. Par exemple la thématique des exclusions sectorielles : aujourd’hui il n’y a pas d’exclusions sectorielles. Ce n’est pas la logique du label, le label est un label généraliste et nous pensons que l’ISR peut concerner tous les secteurs de l’économie. Notre but n’est pas de traiter seulement les entreprises et les secteurs responsables par essence, on cherche à accompagner toute l’économie et le financement de l’économie vers une gestion plus responsable. Cela reste la logique et la philosophie du label. Simplement il apparaît très bizarre à plein de gens qu’un fonds ISR puisse  porter des entreprises qui ont un lien avec le charbon, ou des choses comme ça. Ce n’est pas trivial comme question et ça suppose d’avoir une réflexion avec tous les acteurs intéressés.

 Y-at-il une date qui a été fixée pour la publication du rapport contenant ces observations ?

Le rapport a été publié le 25 mars dernier et le Ministre de l’économie, des finances et de la relance, M. Bruno Le Maire a lancé ce jour là le chantier de modernisation du label ISR. Nous souhaitons que la France continue de s’affirmer comme une des grandes places mondiales en matière de finance durable.

 Des premières mesures sont-elles envisageables cet été ?

Oui, nous commençons par une réforme de la gouvernance du label.

 Concernant l’idée d’un label européen unique, est-ce utopique ?

On en est pas encore là, pour l’instant il y a plus des labels concurrents avec chacun leur avantage, notre souci est plutôt de s’assurer que le label français soit le label pionnier qui montre la voie et qu’il soit le label de référence. Il est aujourd’hui rattrapé par les autres et on a envie de garder cette position de pionnier. L’inquiétude de certains acteurs de la place était qu’on était en train de perdre notre avance. On n’en est pas encore au niveau de se dire on va faire un label européen, il y aurait des questions compliquées à résoudre, il s’agit plus de garder un label français robuste et actif. Si on veut s’assurer que la place de Paris est la place centrale pour la finance durable en Europe, ça fait partie de la panoplie qu’il faudrait avoir à l’esprit. Les travaux au niveau européen sont concentrés sur les aspects environnementaux, et on veut aller plus loin, parce que les données y sont et les reportings environnementaux vont devenir obligatoires et standardisés et faciles à utiliser pour des sociétés de gestion

 En ce qui concerne les travaux de la taxonomie de la commission européenne, une des critiques émises a été qu’elle était trop environnementales, qu’en pensez-vous ?

Il s’agit de définir une taxonomie de transition pour avoir une typologie des données recueillies, les critères, les seuils, qui devraient permettre aux acteurs de marché d’être en mesure d’accompagner leurs clients dans le respect de la trajectoire de décarbonation, qui est une étape vers le zéro carbone. L’idée c’est de disposer d’un cadre de suivi et d’accompagnement pour atteindre l’objectif politique de décarbonation de l’économie, qui soit robuste, efficace et commun à tous les pays européens.



 Pour en savoir plus sur le label ISR :


Label ISR, en route vers la transition écologique













Imen Hazgui et Grégoire Gaichies



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