Interview de Frédéric Toumelin : Directeur Exécutif de la SAS Carte Bleue

Frédéric Toumelin

Directeur Exécutif de la SAS Carte Bleue

Notre ambition : parvenir à un marché de un milliard d’euros pour la Carte Cadeau

Publié le 26 Avril 2007

La société Carte Bleue a connu une forte augmentation en 2006 : le parc des cartes a augmenté de 5,2%, passant à près de 32 millions, la part de marché a dépassé les 60 %. Comment expliquez-vous ces résultats ?
Ce sont des résultats qui s’inscrivent avant tout dans la continuité. Le marché des cartes bancaires est en croissance continue, même s’il est maintenant arrivé à maturité. Les taux d'équipement sont très élevés, quasiment chaque adulte possède une carte.
Des études montrent néanmoins que la croissance continuera à se poursuivre, notamment du fait que certaines personnes ont un mode de gestion de l'argent qui leur permet de posséder plusieurs comptes : un compte pour les dépenses courantes de première nécessité (logement, nourriture, habillement) et un autre compte qui leur sert de réserve temporaire pour mettre de côté de l'argent pour des dépenses plus conséquentes comme les vacances ou certains équipements (électroménager, Hi fi).
Ce phénomène permet aux banquiers de proposer à leurs clients, au lieu d'avoir une carte uniquement sur le compte principal, d'avoir également une carte sur ses comptes satellites. L'avantage pour le client réside dans la possibilité d'utiliser au moment opportun la carte servant aux dépenses annexes. Ainsi, le client pourra également bénéficier de tout un contenu d'assurance et d'assistance associé.

L'usage de la Carte Bleue a considérablement augmenté : + 7,3% sur le nombre d'opérations soit 4,15 milliards et plus 8,1% sur le montant, soit 219 milliards d'euros. Qu'illustre ce phénomène selon vous ? Quels sont les enjeux sous jacents à une telle croissance ?
Nous pouvons expliquer l'augmentation de cet usage par la progression du paiement par carte aux extrémités, à la fois pour les montants élevés et les tout-petits montants. C'est ce qui explique d'ailleurs que le montant moyen ne change pas beaucoup et se situe depuis plusieurs années aux alentours de 50 €.
Les Français ont pris toute la mesure de la praticité, de la simplicité, de la rapidité du paiement par carte, à la fois pour des achats élevés qu’ils avaient plutôt l'habitude de payer par chèque, et pour des petits montants qu’ils avaient plutôt l'habitude de payer en espèces.

Cette situation est le résultat de deux principaux facteurs. Tout d'abord, un mouvement spontané et volontaire des consommateurs qui veulent utiliser de plus en plus la carte bancaire pour leur paiement et qui le font savoir aux commerçants, ce qui créé un cercle vertueux d'acceptation. La carte devient de plus en plus acceptée même dans des environnements où les commerçants étaient autrefois quelque peu réticents, comme dans le commerce de proximité, les boulangeries, les coiffeurs, la santé…
Par ailleurs,  la logique de service des banques vis-à-vis des commerçants leur permet de s'adapter à ces nouvelles demandes et de proposer, pour chaque type de commerce, des modalités d’acceptation qui correspondent bien à ses spécificités propres.

Cette progression dans l’utilisation de la Carte Bleue implique assurément des enjeux et des challenges. Par exemple, le financement de gros montants suggère généralement une problématique d'étalement des dépenses. Auparavant, le client pouvait faire plusieurs chèques qui étaient encaissés progressivement. Jusqu'à présent, une telle chose n'était pas possible avec la carte bancaire. Seul le débit différé au lieu du débit immédiat était prévu, mais en tout état de cause la dépense était passée sur le compte à la fin du mois.

Aujourd'hui, il existe certaines banques, telles que la BNP avec son offre Terceo qui permet avec la carte au choix du consommateur de demander qu’au-dessus d'un certain montant, la dépense soit fractionnée en trois paiements. Cela ne nécessite pas l'accord du commerçant puisque c'est un produit financier proposé par la banque. Le commerçant est payé immédiatement.

Quelles ont été les principales opérations lancées par Carte Bleue cette année 2006 ? En quoi ces opérations ont-elles permis de stimuler les activités de la société ?
En 2006, nous avons continué à appuyer un virage que nous avions commencé à prendre depuis environ 3 ans, qui consiste à aller de plus en plus vers des services de manière très bilatérale avec nos principaux clients. Ceci est lié à la maturité du marché.
Nous sommes parvenus à un stade où l'infrastructure est complètement mise en place et est de bonne qualité. De ce fait les banques cherchent de plus en plus à se faire concurrence en se différenciant.
Nous avons été aider chacune d’elle isolément à utiliser nos produits et à les « customiser » pour une correspondance avec certaines demandes spécifiques.

Par exemple, il y a environ deux mois, la Société Générale a lancé une carte destinée particulièrement aux amateurs de rugby. Les spécificités de cette carte sont essentiellement de deux natures. Tout d’abord, le contenu à proprement parler : des réductions sur un certain nombre de produits ou services liés au monde du rugby, des abonnements à des revues spécialisées, des centres sportifs comme les thalassos Serge Blanco, des restaurants tenus par des personnalités du rugby...
De plus, cette carte présente une innovation en termes de design.

Vous constatez une forte extension du marché de la Carte Cadeau pour cette année. Quels sont les chiffres de cette croissance pour l'année 2006 ?
C'est un produit qui est encore assez récent dans la gamme. Le segment de marché nécessite un effort continu pendant encore plusieurs années et la réunion d’un nombre d'acteurs suffisant pour que cela enclenche vraiment un effet boule de neige. Or en 2006, nous avions trois groupes bancaires qui étaient en mesure d'être actifs dans le domaine : LCL, la Banque Postale et le CIC, ainsi que deux banques qui ont repoussé leur implication pour 2007: la BNP et la Banque Populaire.
De ce fait, nous n'avons pas eu autant d'acteurs que nous l'avions espéré pour déployer un véritable mécanisme marketing complet avec beaucoup de visibilité.

Par conséquent, même si le marché s'est développé de manière non négligeable, le potentiel est réellement devant.

Quelles sont vos perspectives concernant le potentiel de croissance de ce marché ?
Nous avons un marché total du cadeau en France entre particuliers qui est de l'ordre de 50 milliards d'euros par an. 10 milliards d'euros sont échangés sous forme de chèque ou d'espèces. Lorsque nous interrogeons les personnes concernées, un certain regret est ressenti du fait de la disparition de la dimension festive, sympathique, émotionnelle du cadeau. Le but de la Carte Cadeau, c'est justement de réintroduire une telle dimension personnalisée tout en gardant l'avantage principal qui est de permettre à la personne bénéficiaire d'acheter ce qui lui fait réellement plaisir.

Nous n'avons pas la prétention de dire que nous atteindrons les 10 milliards d'euros, mais en prendre 10 % à horizon de quelques années, si les banques s'impliquent, est une ambition réaliste.

En matière de fraude à la Carte Bleue, quelles mesures envisagez-vous de prendre concernant la sécurisation du commerce sur Internet et la sécurisation du retrait des billets dans les distributeurs ?
La Société Carte Bleue a pour vocation de commercialiser des produits, ces derniers devant naturellement répondre à un certain nombre d'exigences de sécurité. Nous sommes situés à l'intérieur d'un cadre qui est établi par le Groupement Carte Bancaire, organisme normalisateur qui a pour mission la lutte contre la fraude, mais également par d'autres organismes régulateurs comme la Fédération des Banques Françaises ou la Banque de France.

Techniquement parlant, nous n'intervenons pas directement parce que nous n’avons pas la compétence pour le faire. C’est le rôle des industriels de la carte, des industriels des terminaux, des industriels des distributeurs de billets, dans le respect de ce cadre normatif évoqué plus haut…

Néanmoins, nous pouvons aider les banques à détecter des fraudes éventuelles.
Nous avons notamment des passerelles vers l'international. Lorsqu'une Carte Bleue Visa est utilisée à l'étranger la transaction est traitée par notre système et nous avons la possibilité d’alerter les banques de l’existence d’anomalies éventuelles. 

Quels sont vos objectifs pour l'année 2007 ? Quelles sont les principales actions ou mesures nouvelles que vous envisagez d'adopter dans le courant de cette année ?
En termes de développement, le domaine du prépayé, qui réserve beaucoup de croissance, reste l’axe principal. La Carte Cadeau en est un exemple. Transposée dans les entreprises, particulièrement dans les grandes sociétés, la Carte Cadeau peut par exemple se décliner sous forme de programmes d’incentive.
De même dans le domaine de l'intérim, pour éviter les coûts de l'administration, des cartes prépayées que l'on re-crédite pourront être utilisées.
Au-delà du prépayé, notre action s’inscrit surtout dans la gestion et l’amélioration de la gamme existante. Par exemple, nous avons décidé l'an dernier d'étendre les garanties pour les petits enfants sur la carte Visa Premier. De plus en plus de grands-parents partent en vacances avec leurs petits-enfants.
Enfin, comme nous avons la vocation de fidéliser nos principaux clients, nous souhaitons répondre le plus possible à leurs intentions et développer avec eux des programmes innovants qui leur permettent d’une part de se différencier, et d’autre part d’entretenir le dynamisme de notre secteur d’activité dans son ensemble.

Propos recueillis par I.H.

laetitia