Interview de Franck Dixmier : Directeur de la gestion chez Allianz Global Investors France

Franck Dixmier

Directeur de la gestion chez Allianz Global Investors France

Zone euro : je n'ai aucun doute sur la bonne entente du couple franco-allemand, indispensable à la résolution de la crise

Publié le 31 Mai 2012

Comment voyez vous évoluer le comportement de la BCE ?
Dans un contexte de politique budgétaire contrainte, une politique monétaire accommodante est utile. Le cadre budgétaire devant être de plus en plus contraint, la politique monétaire de la BCE devrait rester très accommodante. Nous ne voyons pas de hausse du taux directeur ou de stratégie de retrait de la liquidité.
Au-delà, une baisse du taux directeur n’est pas exclue en raison du ralentissement économique et surtout de l’aggravation de la crise. L’inflation n’est pas un problème. Elle devrait se situer en dessous de 2% en fin d’année. Les mentalités sur ce point évoluent. L’Allemagne est prête à accepter un peu plus d’inflation.
Cet abaissement aurait essentiellement une visée psychologique.

Tablez-vous sur un troisième LTRO, une réactivation du mécanisme SMP ?
Il ne me semble pas pertinent aujourd’hui de procéder à une troisième opération de refinancement à long terme (LTRO) des banques européennes. La liquidité dans le système est pléthorique. En outre, des centaines de milliards d’euros sont déposés quotidiennement auprès de la BCE. Ce qui pourrait déclencher une troisième LTRO serait une chute de l’activité ou du sentiment.
L’aide de la BCE auprès des banques pourra passer par la reconduite du mécanisme de refinancement à six mois sans limite.

Je suis sceptique quant à la réactivation du SMP. Nous sommes avec ce mécanisme à la limite de l’interprétation des statuts de la BCE. L’intervention de la BCE dans ce cas de figure n’est pas conditionnelle, ce qui est problématique en terme de hasard moral. De plus cela créé une subordination croissante des détenteurs privés des titres de dettes gouvernementales non souhaitable. Dans le cadre du processus de restructuration de la dette grecque, ce sont les porteurs privés qui ont été touchés par l’opération.

La problématique du mandat de la BCE mérite d’être soulevée…

La Fed a en charge la stabilité des prix et le plein emploi. Il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas fondamentalement de même pour la BCE. Cela aurait permis d’éviter des erreurs dans la conduite de la politique monétaire au niveau du taux directeur. Cela n’aurait de sens que dans une union monétaire plus intégrée.

Pensez-vous que la BCE devrait indiquer en avance l’orientation de sa politique monétaire à l’instar de la Réserve fédérale américaine ?
Je suis défiant quant à cette position de la Fed de ne pas bouger son taux directeur jusqu’en 2014. Qu’est ce qui lui permet de l’affirmer ? La finalité est louable, elle est celle d’ancrer des anticipations dans le marché. Que se passera t il si le marché s’aperçoit que la Fed est totalement hors du coup concernant ses anticipations. Elle perdrait sa crédibilité. Je préfère donc une BCE plus cohérente dans son action, plus transparente, et qui ne s’impose pas ses propres contraintes.

Certains aimeraient que la BCE ait en charge la supervision des banques européennes pour plus de visibilité sur le secteur. Qu’en pensez-vous ?

Ce sont régulateurs locaux qui sont en charge de la supervision locale des banques nationales.
Pour ce qui est de la visibilité et de la comparabilité des banques européennes, Bâle III s’efforce d’y répondre. La communication des banques elle-même a évolué vers une certaine convergence.

Quel regard avez-vous sur le Pacte de croissance qui est tant sollicité actuellement et sur la divergence d’opinion à propos de ce Pacte entre Angela Merkel et François Hollande?
Angela Merkel et François Hollande ont parfaitement conscience qu’une bonne entente du couple franco allemand est indispensable à la résolution de la crise. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils finiront par s’accorder sur le volet croissance à adjoindre au Pacte fiscal. Pour autant, je n’escompte pas de renégociation du traité existant.
Cette croissance fera appel à la fois à de la dépense et à des réformes structurelles. Des effets probants mettront du temps à se manifester. L’impact sera avant tout psychologique dans un premier temps.

Quelle est votre position s’agissant de l’instauration des euro obligations ?
Les euro obligations sont la tuile faitière, autrement dit ce que l’on met en dernier dans la maison quand on a effectué tous les travaux d’embellissement. La question sera résolue une fois que nous aurons une véritable union fiscale. Sans cela, ces instruments n’auraient pas de sens.

In fine, dans ce contexte, quelle est le positionnement de votre portefeuille obligataire ?
Nous sommes sous pondérés sur les dettes italiennes, espagnoles, portugaises et françaises. Nous n’avons pas d’obligations grecques ou irlandaises. Nous sommes aussi sous pondérés sur les obligations garanties. Nous sommes surpondérés en revanche, en duration sur l’Allemagne.

Nous avons une position neutre sur le crédit. Dans cette poche, la discrimination géographique est significative. Nous n’avons pas d’émetteurs basés dans les pays périphériques.
Sur les obligations investment grade, nous sommes surpondérés sur la dette senior et sous pondérés sur les émetteurs des activités régulés, utilities et télécoms.
Dans les obligations high yield nous sommes davantage positionnés sur les émetteurs non cycliques que sur les émetteurs cycliques.

Propos recueillis par Imen Hazgui