Interview de Olivier  Plaisant : Directeur de la gestion actions d'Ecofi Investissements et gérant du fonds Ecofi Enjeux Futurs

Olivier Plaisant

Directeur de la gestion actions d'Ecofi Investissements et gérant du fonds Ecofi Enjeux Futurs

Focus sur le fonds Ecofi Enjeux Futurs : un fonds thématique de type megatrend, un fonds de croissance durable

Publié le 10 Décembre 2019

Rappelez-nous la genèse du fonds Ecofi Enjeux (FR0010592022)? Pourquoi a-t-il été créé ?
Ce fonds a été lancé en 2008 pour répondre aux enjeux du développement durable avec une dimension internationale. C’est un fonds thématique qui a obtenu le Label ISR.

Vous avez défini 6 thématiques fondamentales autour du développement durable. Quelles sont-elles ?

Nous avons défini des thèmes qui incluent des sociétés manufacturières et des services publics : l’efficience énergétique, le traitement de l’eau et des déchets et les énergies renouvelables. Il y a des thèmes directement liés à l’Homme : la santé, les services à la personne et l’éducation et un thème transversal : l’inspection, le contrôle et la certification.
L’ensemble des thématiques de natures différentes, ainsi que l’approche internationale, nous permet ainsi de diversifier le risque dans le portefeuille. Nous y retrouvons des valeurs au profil offensif à fort bêta, de croissance ou liées au cycle économique, et des valeurs plus défensives au bêta plus faible présentant une volatilité moindre et davantage immunes au contexte macroéconomique.

Pourquoi s’être intéressé à la thématique inspection, contrôle et certification ?

Afin de s’assurer que les process, les industries, les produits répondent de manière efficace aux défis futurs, il y a un enjeu de maîtrise de la qualité et des risques.

Quels sont les moteurs communs à ces secteurs ?

Une fois les thèmes identifiés, nous avons regardé quels étaient les moteurs animant ces thématiques. Les dynamiques démographiques, la nécessité d’une meilleure gestion des ressources de la planète faisant partie de ces moteurs, il était évident que nous nous situions dans le cadre d’un fonds thématique de type megatrend, un fonds de croissance durable.

Parlez-nous de l’équipe de gestion ? En quoi se distingue-t-elle ?

Nous sommes des gérants-analystes. Notre recherche se base en premier lieu sur notre connaissance des sociétés, nous rencontrons régulièrement les managements des sociétés. Elle prend aussi appui sur toute une série de rapports et études réalisés par des bureaux d’analyse externes.

Afin d’étayer notre vision microéconomique par des considérations macroéconomiques et financières, notre réflexion s’enrichit de celle de nos différents pôles d’expertises : économie, allocation, gérants taux… Les débats d’idées sont intenses. Nous faisons ainsi un aller-retour permanent entre le bottom-up et le top-down.

Les gérants actions participent aux réunions d’allocation d’actifs et sont donc impliqués dans les vues de la société.

D’un point de vue plus matériel, nous travaillons en open space, configuration qui favorise grandement les échanges et nous tenons chaque semaine un comité afin de prendre du recul.

Quelles sont les principales caractéristiques de votre processus d'investissement ?
Où réside sa principale valeur ajoutée par rapport à des fonds concurrents de la même catégorie ?

Le filtre ISR constitue la première étape de notre sélection, en amont de l’analyse financière, et se base en 3 temps : exclusions sectorielles et des paradis fiscaux ; sélection des émetteurs en fonction des enjeux Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) ; gestion des émetteurs controversés.
Le cœur de notre processus de gestion est constitué par l’analyse financière et l’évaluation. Elle aboutit à une double notation : une note correspondant au potentiel d’appréciation du cours et une note de risque. Cette dernière est déterminée à partir d’un modèle quantitatif intégrant des facteurs tels que la volatilité du titre, la taille de la société, le degré de suivi par les analystes, en particulier pour les petites moyennes capitalisations.

Il est à noter que le filtre ISR est revu tous les mois. Les notes de risques sont également revues tous les mois. Les notes fondamentales sont, quant à elles, réévaluées chaque fois que nous identifions des changements susceptibles de modifier notre évaluation du titre (news flow, publications de résultats, rencontres avec le management, changements de recommandations d’analystes…)

Qu’en est-il des spécificités relatives à la composition du fonds ?

Ce fonds a un biais de croissance durable. Les sociétés dans lesquelles nous investissons délivrent une croissance régulière et visible. Ceci nous a été profitable puisque ces dernières années le style croissance a tenu le haut du pavé.

Malgré ce profil croissance, vous avez décidé dernièrement d’avoir une poche de valeurs décotées ?

Le style «décoté » a tendance à surperformer le style « croissance » dans les périodes de reprise de cycle qui s’accompagnent de hausses de taux. Nous pensons que nous n’y sommes pas encore et que les valeurs de croissance ont encore de beaux jours devant elles. Cela étant, de nombreuses valeurs décotées sont à un niveau de sous-valorisation que nous jugeons excessif. Des mouvements limités de surperformance de ce type de valeurs ont été constatées dans la deuxième partie de l’année. Ils pourraient se répéter et il ne faut pas être totalement absent de ce segment de marché.
Nous avons aujourd’hui à peu près 25% de valeurs décotées dans le fonds et augmenterons cette proportion quand nous anticiperons une reprise de cycle.

Pour autant, le fonds ne contient pas de valeurs bancaires ni de valeurs pétrolières...

Effectivement, l ’ADN du fonds n’est pas compatible avec les énergies fossiles polluantes, par conséquent nous ne sommes pas investis en valeurs pétrolières. Les valeurs bancaires quant à elles ne font pas partie des thématiques stricto sensu. La surperformance de ce type de valeur pourrait être pénalisante pour notre fonds qui n’en détient pas. Nous nous devons d’avoir une opinion sur ces secteurs que nous n’avons pas afin de trouver des valeurs de substitution appartenant à nos thématiques.
Pour ce qui concerne les bancaires, deux principales raisons pourraient conduire ces valeurs à connaître un rallye substantiel : leur faible niveau de valorisation et une hausse des taux. Dans le premier cas, nous pouvons investir dans des sociétés faiblement valorisées de nos thématiques afin de capter ce mouvement de marché mené par les valeurs décotées. Dans le second cas, nous trouverons des valeurs d’assurance santé qui peuvent réagir positivement à une hausse des taux et il faudra éviter les valeurs qui en pâtissent comme les immobilières.
Pour ce qui concerne les valeurs pétrolières, on peut trouver des valeurs de substitution dans des secteurs ayant une corrélation positive avec le prix du pétrole : énergies renouvelables, valeurs d’inspection et de certification.

Que pouvez-vous nous dire concernant la répartition géographique du fonds ?

Dans les débuts de vie du fonds, nous avions une surpondération sur les valeurs européennes. La crise de 2011 qui a mis à mal les secteurs des énergies renouvelables en Europe nous a poussé à reconsidérer très rapidement cette répartition. Nous avons rapidement changé de cap pour sortir de ce secteur en Europe et nous orienter vers les Etats-Unis.

Aujourd’hui, nous privilégions l’Europe que nous surpondérons par rapport au MSCI World. Cette vue positive est motivée par le différentiel de valorisation en faveur de cette zone par rapport aux Etats-Unis.

Qu’en est-il des marchés émergents ?

Si nous exprimons des vues sur ces marchés, nous n’investissons pas en direct sur ces zones. Quand nous sommes favorables à l’investissement sur les émergents, nous allons chercher des sociétés des grands marchés de l’OCDE qui sont exposées sur ces zones. Ainsi Schneider Electric est un bon exemple de véhicule pour avoir une exposition sur la Chine. Actuellement nous sommes quelque peu en retrait des pays émergents.

Quelle logique poursuivez-vous s’agissant de la pondération des valeurs dans le portefeuille ?

En termes de construction de portefeuille, la pondération de chaque titre dépend de sa double notation (note d’analyse fondamentale/ note d’analyse de risque). A notation fondamentale équivalente, une valeur au profil plus risqué sera moins pondérée.
La construction de portefeuille dépendant donc des qualités fondamentales des sociétés et de leurs caractéristiques de risque. Le profil de nos portefeuilles traduit notre appétit ou notre aversion pour le risque.
Notre méthode de construction traduit une « gestion de conviction » à savoir un nombre de lignes compris entre 40 et 60 valeurs. Des pondérations de lignes calibrées de manière absolue et non relativement au poids de chaque valeur dans l’indice de référence.

Au-delà des contraintes réglementaires, quelle discipline vous imposez-vous pour mieux appréhender le risque ? Vous êtes-vous fixés des seuils en ce qui concerne votre univers d’investissement ? Utilisez-vous des instruments de couverture dans le portefeuille ?

Nous n’utilisons pas d’instrument de couvertures dans le portefeuille. Nous ne nous interdisons pas de le faire si un cas extrême de marché se produisait. Dans ce cas-là la stratégie serait calibrée par notre pôle d’expertise de gestion quantitative.

Pour ce qui concerne les seuils d’investissements, nous faisons en sorte d’éviter qu’un secteur GICS de niveau 1 fasse plus d’un tiers du fonds afin que ce dernier ne devienne pas monosectoriel. Nous pilotons le bêta du portefeuille. Nous surveillons la tracking-error ex post même si nous n’avons pas une gestion benchmarkée. Nous scrutons la contribution à la volatilité des secteurs et des lignes individuelles. Nous réalisons aussi des stress tests pour observer le comportement des portefeuilles dans les cas extrêmes. Nos analyses ont pour but une bonne maîtrise des risques en évitant notamment d’empiler des risques contre-intuitifs
Nous pouvons avoir jusqu’à 20% du fonds investi dans les petites capitalisations. Le fonds faisant 200 millions d’euros, nous avons aujourd’hui moins de petites capitalisations qu’au début de la vie du fonds.

Au-delà de la taille de capitalisation, nous faisons attention à la liquidité, par le prisme du volume d’échanges des titres par rapport à la quantité achetée.
L’ISR est une autre manière de gérer le risque, notamment avec des actions de dialogue avec les sociétés. Ainsi, en coordination avec le département ISR, nous rencontrons les sociétés dans lesquelles nous sommes investis quand celles-ci subissent une dégradation de leur note ESG ou font face à des controverses grandissantes.

Comment le fonds a-t-il traversé les périodes chahutées de l’année 2018 ?

Nous avons connu deux périodes chahutées l’an dernier. La première en début d’année. Nous avons encaissé le choc sans sous-performer. La seconde à l’automne. Nous avions perçu que cette période donnait lieu à une aberration de marché consécutivement à l’anticipation d’une récession imminente. Durant cette période, quand la collecte a été positive, nous nous sommes positionnés à bon compte des lignes sur lesquelles nous avions de fortes convictions.

Qu’en est-il du turnover du fonds ? Quel est votre horizon d’investissement ?

En tant qu’investisseur de long terme, le turnover du portefeuille est relativement faible.
Nous détenons certaines valeurs depuis longtemps avec des pondérations plus ou moins importantes au fil du temps. Tel est le cas de Schneider Electric, Dassault Systèmes, Bureau Veritas en France, ou CVS Health Corporation aux Etats-Unis…
Il est à souligner que nos fonds sont investis constamment à 90% en actions.

Quelles sorties et quelles entrées peuvent être mentionnées depuis le début de l’année ?

Nous sommes revenus sur l’équipementier automobile Plastic Omnium, en raison de sa faible valorisation, et avons constitué une ligne dans la société américaine qui fournit des services de garde et d’éducation des jeunes enfants Bright Horizons Family Solutions du fait de ses perspectives de croissance. Nous sommes sortis d’Amplifon, société spécialisée dans la fabrication d’appareils auditifs, après que le cours ait atteint notre cible de valorisation.






Imen Hazgui