Interview de Marc Touati : Economiste et directeur général de Assya Compagnie financière

Marc Touati

Economiste et directeur général de Assya Compagnie financière

François Fillon : avec ce qui a été annoncé, le triple A devrait être préservé au moins jusqu'aux prochaines élections présidentielles

Publié le 08 Novembre 2011

Quel regard portez-vous sur les nouvelles mesures d’austérité divulguées par le premier ministre, François Fillon, hier ?
Le but est clairement de maintenir une certaine de dose de crédibilité de la France et de sauvegarder son triple A. Avec ce qui a été annoncé, ce triple A devrait être préservé au moins jusqu’aux prochaines élections présidentielles.

Ceci étant, les mesures avancées- notamment l’augmentation de la TVA et de l’impôt sur les sociétés ainsi que la suppression des niches fiscales- permettent essentiellement de récupérer du cash à court terme dans les caisses de l’Etat.
Nous pouvons craindre qu’à long terme, cet alourdissement de la charge fiscale finisse par casser la croissance et par réduire de ce fait l’assiette fiscale. Ce que l’on aura gagné initialement sera perdu par la suite. S’en suivront nécessairement un accroissement du déficit et de la dette.

Il est indispensable, selon vous, de se reposer la question de nos dépenses publiques…

Ces dépenses publiques représentent 57% du PIB aujourd’hui en France. Ce niveau n’est pratiquement pas abaissé.
Il va falloir aller au-delà du colmatage de brèche. Les problèmes structurels du déficit devront être résolus. On peut espérer que les dirigeants s’y attaqueront après les élections présidentielles.

Pourtant un effort a été fait au niveau de ces dépenses publiques pour tenter de rééquilibrer le rapport avec les recettes ?
Certes un effort a été fait par rapport à ce qui avait été indiqué cet été. Cependant ces dépenses publiques restent trop élevées. Les dépenses de fonctionnement continuent à progresser de près de 10 milliards d’euros par an. Il est essentiel de mettre fin à cette tendance.
Pour le moment le gouvernement compense avec un alourdissement de la fiscalité. Or la France est l'un des pays dans le monde qui a la plus forte pression fiscale. Imposer une charge fiscale supplémentaire n’a pas d’autre effet que de freiner le peu de croissance que l’on a aujourd’hui.

Le premier ministre a parlé de 18 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour 2012 et 2013 et d’un retour à l’équilibre pour 2016. Qu’en pensez-vous ?
Cela restera des vœux pieux. Globalement nous sommes face à ce qui ressemble à l’histoire de Pierre et le loup. Cela fait tellement d’années que les dirigeants français annoncent une baisse des dépenses publiques, que l’on a du mal à y croire. De ce fait, je demeure extrêmement prudent.
Si la croissance baisse davantage et que le taux de chômage augmente, les 18 milliards d’économies supplémentaires me semblent irréalisables.

S’engager à un horizon de 2016 vous parait excessif…
2016 est une date trop éloignée. On a déjà du mal à se projeter dans six mois, alors dans cinq ans ! Il peut se passer tellement de choses d’ici là.

Sur quelle croissance tablez-vous pour l’hexagone l’année prochaine ?
Je table sur une croissance de 1% mais sur un taux de chômage qui va augmenter au-delà de 10%. Ceci étant, si la crise de la dette perdure et que l’euro ne recule pas, la cible de 1% me parait compromise.

S’agissant de la crise de la dette dans la zone euro, comment voyez vous celle-ci évoluer ?
Très clairement la crise de la zone euro est loin d’être terminée. Tant que la zone ne sera pas parvenue à générer une croissance plus robuste grâce à un euro plus faible, à un taux d’intérêt réduit, et à la mise en place d'une politique budgétaire fédérale, la crise perdurera.

L’Italie est sous les feux de la rampe en ce moment. Le taux obligataire à 10 ans est proche des 7%. Quelle suite des évènements anticipez-vous pour le pays ?

L’Italie subit de plein fouet le contrecoup du manque de crédibilité de son dirigeant. De deux choses l’une, soit Silvio Berlusconi parvient à mettre en œuvre un plan crédible avec le soutien de son gouvernement et de sa population, soit il ne parvient pas à le faire et dans ce cas les attaques sur le pays se multiplieront.

Une arrivée au pouvoir de Mario Monti est-elle concevable ?

Elle n’est pas évidente. S’il y a démission de Silvio Berlusconi, il faudra des élections derrière.

Une accentuation de la crise italienne pourrait-elle changer la donne pour la France ?
Si la menace qui pèse sur l’Italie s’aggrave, on peut effectivement penser que la France ne sera pas épargnée. L’Italie a fait plus d’efforts que la France pour réduire son endettement au cours de ces dix dernières années.

Dans ce cas le triple A de la France serait-il-remis en cause ?

Je ne le pense pas. A mon avis, seul un défaut de l’Italie ou de la Grèce pourrait éventuellement conduire à une dégradation du triple A de la France d’ici les prochaines élections présidentielles. Nous serions alors dans un scénario extrême.

Propos recueillis par Imen Hazgui