Interview de Yohan Boukobza : Conseiller en gestion de patrimoine, fondateur du cabinet B&Z Associés

Yohan Boukobza

Conseiller en gestion de patrimoine, fondateur du cabinet B&Z Associés

Je suis convaincu que le gouvernement touchera à la fiscalité de l'assurance-vie

Publié le 16 Octobre 2012

Quelle analyse faites-vous des récentes mesures prises par le gouvernement s’agissant de la fiscalité du patrimoine ?
La question n’est pas tant de mettre en avant ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Les mesures ont été adoptées. Il faut composer avec.
A présent, nous ne faisons pas face à une surprise. Nous savions à quoi nous devions nous attendre avec l’élection de François Hollande.

Quels vous semblent être les actifs les plus négativement impactés par ces nouvelles mesures ?
D’une certaine manière les actions. Le gouvernement a décidé de récompenser la fidélité. L’abattement de 9500 euros quelque soit la durée de détention a été supprimé. A présent prévaut un abattement progressif qui gagne en importance au fur et à mesure que la durée de détention s’allonge. Ainsi pour une détention située entre 2 et 4 ans, l’abattement sur l’impôt sur la plus value constitué est de 5%. Pour une durée de détention de 4 à 7 ans, l’abattement est de 10%, pour 7 ans, l’abattement est de 15%, pour 8 ans, de 20%, pour 9 ans de 25%, pour 10 ans de 30%, pour 11 ans, de 35% et pour 12 ans de 40%.
La fidélité va clairement payer. Plus longtemps on détiendra des actions et moins on paiera d'impôts.
Considérons un couple qui gagne 250 000 euros par an. Ils font une plus value sur actions de 50 000 euros. Ce couple paiera 19455 euros dans le cas où il ne conserve pas ces actions et qu’il ne bénéficie pas de l’abattement. S’ils conservent les actions plus de 12 ans, ils devront payer un impôt de 11255 euros.

On a donc tort de dire que le gouvernement compromet l’investissement à long terme dans les entreprises ?
Oui et non. Cet abattement progressif amène effectivement à un traitement privilégié pour l’investissement long. Cependant, ce dispositif présente de toute évidence moins d'intérêt que le dispositif précédent. Ce n'est pas forcément ce que les épargnants souhaitent. Ces derniers tendront à réfléchir à deux ou trois fois avant de se porter acquéreur d'une action.

Observez-vous cette réticence auprès de vos clients ?
Pas encore. Les clients ne nous questionnent pas encore, mais cela ne devrait pas tarder. Il leur faut digérer la portée des nouvelles mesures.

Aujourd’hui que vous êtes moins armés pour aider vos clients, que leur conseillez vous de faire ?
Cela dépend de l’aversion au risque et l’horizon d’investissement. La réponse peut paraitre banale, mais elle colle à la réalité.
Si le client souhaite financer un projet à court terme, à un ou deux ans, il pourra opter pour un livret boosté.
S’il souhaite financer un projet dans un avenir plus lointain, on lui conseillera d’aller sur l’assurance-vie qui représente une enveloppe importante en termes d’encours. Il y a la possibilité d’aller vers de plus en plus de supports OPCVM.
Ces dernières années, il a été possible de faire rentrer dans les contrats d’assurance-vie, des FCPI spécialisées dans l’immobilier résidentiel ou dans l’immobilier de bureau.
Nous proposons des contrats multi supports avec un maximum de fonds à l’intérieur. Cela peut aller jusqu’à 500-700 OPCVM de proposés.
L’idée est alors d’avoir plusieurs contrats dans des compagnies distinctes.

Pour atténuer le risque de solvabilité des assureurs ?
Absolument. Il y a dans les fonds en euros beaucoup d’obligations d’Etat. Des interrogations peuvent légitimement être soulevées sur la propension des assureurs à résister en cas de choc.

Que pensez-vous des PEA et des fonds immobilier ?
Les PEA ne sont pas les outils les plus plébiscités en raison de la désaffection des épargnants pour les actions.
Les fonds immobilier peuvent constituer une bonne alternative. Les SCPI Primonial Capimmo, Immorante, Elise et Pierre= sont connu depuis plusieurs années, et ont fait leurs preuves en termes de performance (de 5-6% par an). L’accent est alors mis sur le commerce de bureau.
Pour les personnes qui exercent une profession libérale, le contrat Madelin représente également un placement intéressant. Ce produit a toute sa place dans une optique d’optimisation. Le contrat est souscrit a 30-40 ans jusqu’à 65 ans. L’argent est versé ensuite sous forme de rente et c’est totalement déductible des charges ou des impôts.

A quelles autres retombées négatives vous attendez-vous à la suite de l’adoption de ces mesures ? Certains parlent d’une hausse du taux d’épargne des Français ? D’une fuite des grandes fortunes ?

Ce taux pourrait tout à fait évoluer à 19%. La hausse de la collecte du livret A devrait se poursuivre.
Les grandes fortunes ont anticipé et sont déjà parties. Celles qui restent n'ont pas eu d'autre choix que de rester.
Les personnes qui gagnent plus d'un million d'euros sont peu, moins de 2000.

Beaucoup s’attendent à ce que le gouvernement fasse machine arrière en 2013 ? Est-ce également votre cas ?
Je ne le pense pas. Le gouvernement semble très déterminé. En cela, Il va falloir s'adapter au nouvel environnement et être très vigilent.

Pensez-vous que le gouvernement pourrait aller plus loin et modifier la fiscalité de l’assurance-vie ?
J'en suis convaincu. Pour le moment, on ne parle que d'un allongement de la durée de détention obligatoire afin de fidéliser. Je doute que l’on en reste là.
Si tel était le cas, nous ne sommes pas à l’abri d’un changement de comportement de la part des épargnants. Admettons qu’un couple vende un appartement à 300 000 euros. Celui-ci se demandera sérieusement si cela vaut le coup de placer l'argent dans un contrat d'assurance-vie qui ne rapporte rien, qui paie 3% et dont la sortie au bout de quelques temps l’amènera à payer une très importante somme sous forme d'impôt.

Propos recueillis par Imen Hazgui