Interview de Eric Bourguignon : Directeur de la gestion taux et crédit de Swiss Life Asset Managers

Eric Bourguignon

Directeur de la gestion taux et crédit de Swiss Life Asset Managers

Je pense qu'on a passé le point culminant des tensions concernant la Grèce

Publié le 17 Juillet 2015

Quel jugement portez-vous sur le protocole d’accord signé lundi 13 juillet à Bruxelles entre la Grèce et ses créanciers ?
Le point positif de ce texte, c’est de montrer que l’Europe n’est pas prête à accepter les forces centrifuges qui menacent la zone euro. S’il y avait eu le Grexit les marchés se seraient interrogés, tout de suite ou dans quelques mois, sur le prochain maillon faible qui aurait pu faire éclater l’union monétaire. C’est la raison pour laquelle on n’a pas hésité à mettre des dizaines de milliards sur la table. On fait tout pour qu’il n’y ait pas de drame. Mais cette politique donne le sentiment d’une fuite en avant de la construction européenne. On ajoute de la dette à la dette afin de maintenir un pays dans la zone euro. L’issue est loin d’être évidente. Les chefs d’Etats se sont donné du temps mais la crise grecque n’est pas terminée. Les négociations vont se poursuivre pendant plusieurs mois.

A-t-on sauvé la Grèce ?

Je ne le pense pas. L’accord répond aux préoccupations des créanciers mais il n’est pas satisfaisant d’un point de vue strictement économique. Aujourd’hui on opère un roulement de la dette dans l’espoir que, la reprise aidant, le pays deviendra autonome financièrement et sera en mesure de rembourser son stock de dette. Les 86 milliards de nouveaux prêts serviront, pour l’essentiel, à rembourser la dette existante et à restructurer le système bancaire. Mais si on n’allège pas le fardeau de la dette (ndlr : 312 milliards d’euros) les finances publiques grecques vont continuer à se dégrader et l’économie à péricliter. C’est tout le problème de la soutenabilité d’une dette.

A quelle part de la dette grecque ses créanciers doivent-ils renoncer selon vous?

Il semble acquis qu’une remise d’environ 100 milliards d’euros de dette est nécessaire ou, ce qui revient au même d’un point de vue actuariel, un report des échéances sur plusieurs dizaines d’années.

Vous dites que la crise grecque n’est pas terminée. Quelles peuvent être ses conséquences sur les marchés financiers ?
Les marchés se sont montrés relativement impassibles face à la crise grecque depuis le début de l’année. Je pense qu’on a vu le point culminant des tensions après la victoire du « non » au referendum sur les mesures proposées par l’Union européenne et le FMI. Mais avec l’accord conclu lundi, l’essentiel est préservé, à savoir le maintien du pays dans la zone euro. Les marchés n’aiment pas les drames. Ils sont rassurés quand on trouve des solutions mêmes provisoires aux crises aiguës du moment. Sous réserve que tout se déroule comme prévu, la Grèce ne devrait pas être une source de vives tensions au cours des prochains mois.

Vous excluez donc une nouvelle crise des dettes européennes ?
Le risque de contagion est limité. Contrairement aux tensions que l’on a connues entre 2009 et 2012, les pays périphériques de la zone euro affichent aujourd’hui des excédents extérieurs et une maîtrise de leurs finances publiques. Par ailleurs la Banque centrale européenne abreuve le marché de liquidités et maintient les taux à des niveaux historiquement bas. Cela dit, nous avons vu au cours des derniers mois que les taux pouvaient remonter brutalement et de façon inattendue. Cela n’est pas lié spécialement à la Grèce mais davantage aux ajustements des anticipations de croissance et d’inflation. Pour cette raison nous restons à l’écart des obligations souveraines européennes, car elles sont aujourd’hui très chères et risquent de se déprécier en cas de nouvelle remontée des taux. Cela vaut pour la plupart des dettes d’Etats à l’heure actuelle.

Propos recueillis par François Schott