Interview de Nicolas Chéron : Stratégiste chez CMC Markets France

Nicolas Chéron

Stratégiste chez CMC Markets France

Le discours de Janet Yellen a apporté un peu de visibilité

Publié le 25 Septembre 2015

La Réserve fédérale américaine n’a pas relevé ses taux directeurs en septembre comme de nombreux économistes l’attendaient mais a indiqué qu’elle le ferait sûrement avant la fin de l’année. Est-ce une bonne stratégie selon vous ?
Compte tenu du cycle économique et du faible niveau du chômage aux Etats-Unis la Fed aurait dû remonter ses taux début 2015. Elle ne l’a pas fait. Aujourd’hui elle se retrouve dans une situation compliquée, avec une économie américaine en apparente bonne santé mais des marchés financiers fébriles. Le statu quo monétaire lors de la réunion du 17 septembre et surtout les commentaires de Janet Yellen sur les risques liés à la conjoncture mondiale n’ont fait que renforcer l’inquiétude des investisseurs. Une semaine plus tard, le 24, Janet Yellen annonce qu’une hausse des taux aura lieu avant la fin de l’année et les marchés actions rebondissent ! C’est assez inattendu. En fait le marché a besoin de savoir ce que va faire la Fed. Le dernier discours de Janet Yellen apporte un peu de visibilité en insistant sur la remontée très progressive des taux l’année prochaine.

La Fed assure pourtant ne pas tenir compte des turbulences boursières…
Contrairement à ce qu’elle prétend la Fed prête une grande attention à l’évolution des marchés. En 2008 le premier quantitative easing (QE) visait avant tout à stabiliser la bourse. Aujourd’hui la Fed marche sur des oeufs parce qu’elle a conscience du niveau de valorisation des actions américaines et des conséquences que pourrait avoir une hausse de taux sur le S&P500 à court terme. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’elle reporte encore la hausse des taux si de nouvelles secousses boursières se font sentir.

Le CAC 40 a perdu 15% depuis son plus haut de la mi-avril, le Dax plus de 20%. Est-on entré dans un « bear market », un marché baissier ?
Nous sommes à la limite d’un bear market qui s’installe au-delà d’une baisse de 20%. Cependant les marchés étaient montés d’autant au premier trimestre si bien que la performance depuis le début de l’année est quasiment nulle. Pour l’instant nous sommes encore dans le scénario d’une correction, qui d’ailleurs peut être salutaire. Les supports testés fin août, avec la tempête boursière chinoise, et cette semaine avec l’affaire Volkswagen, ont tenu. Heureusement Volkswagen n’est pas Lehman Brothers ! Sauf nouveau choc exogène je tablerais plutôt sur une stabilisation des cours aux niveaux actuels d’ici la fin de l’année. Cela dit les marchés restent surévalués et je ne suis pas particulièrement optimiste pour 2016 au vu des perspectives de croissance mondiale (le moteur chinois s’enraye, le Japon est en récession, ainsi que le Brésil, etc).

Vous ne croyez pas à l’efficacité des quantitative easing (BCE, BoJ, Banque Populaire de Chine) pour relancer l’économie mondiale ?
Le QE ne sert pas à redémarrer l’économie réelle mais à rassurer les marchés. C’est une sorte de filet de protection. Mais plus elles font de QE, plus les banques centrales perdent en efficacité et en légitimité. La prochaine crise viendra de la perte de confiance des opérateurs envers les banques centrales qui n’auront plus la toute puissance qu’elles ont eue ces dernières années. C’est pourquoi la Fed a intérêt à normaliser rapidement sa politique monétaire quitte à entraîner une correction des marchés actions et obligataire.

Propos recueillis par François Schott