Luisa Florez et Benoît Humeau
Directrice Thématiques durables et Analyste ISR au sein de La Banque Postale Asset Management
Politiques de vote et d'engagement ISR : de plus en plus d'actionnaires minoritaires déposent des résolutions sur des sujets ESG
Publié le 27 Novembre 2019
Au-delà de votre processus de sélection ISR, avez-vous élaboré une politique de vote et d’engagement pour influencer les sociétés dans lesquelles vous investissez dans l’adoption des meilleures pratiques en matière de responsabilité sociale, de développement durable…
Absolument. Notre politique de vote et d’engagement a été définie de telle manière qu’elles vise à établir un dialogue avec les sociétés dans lesquelles nous investissons ou dans lesquelles nous souhaitons investir.
Nous tâchons d’identifier les pratiques à améliorer et d’échanger avec les sociétés pour les encourager à évoluer dans ce sens.
Votre politique de vote reflète vos convictions identifiées dans votre méthodologie d’évaluation de la Responsabilité sociétale d’une entreprise, GREaT...
Notre politique de vote est un outil qui nous aide à mettre en œuvre les convictions de notre méthodologie GREaT. Par exemple, nous sommes très actifs pour exiger une bonne diversité au conseil d’administration. Nous soutenons plus facilement la rémunération des dirigeants lorsque celle-ci tient compte de critères extra-financiers. A l’inverse, lorsque les sociétés font l’objet de controverses importantes dans le domaine environnemental ou social, nous pouvons rejeter certaines résolutions, comme la demande de décharge de responsabilité ou l’élection d’un administrateur potentiellement impliqué.
Quel est votre taux de couverture de votre politique de vote ?
Nous votons aujourd’hui pour 85% des encours actions détenus dans les fonds ouverts.
Nous votons systématiquement lorsque l’entreprise est présente dans nos fonds ISR ou à défaut, lorsque l’on détient un seuil de capitalisation boursière considéré suffisant pour peser a minima sur les résultats de l’assemblée générale.
Nos principes de vote sont communiqués en amont de l’assemblée générale pour certaines sociétés ; nous voulons le faire davantage à l’avenir.
Vous voyez à ce sujet un changement notable dans le comportement des sociétés ?
Celles-ci prennent de plus en plus l’initiative de nous contacter les premières, en amont de la tenue des assemblées, pour nous présenter les résolutions déposées et échanger sur des éventuels sujets de divergence.
Cette démarche nous permet de prendre un premier contact pour mieux appréhender les résolutions qui peuvent poser problèmes.
Quel est le pourcentage de votes contraires ?
Environ 30% de nos votes sont contraires aux résolutions proposées par le management. En fonction des types de résolutions, ce taux de rejet peut s’avérer plus important. S’agissant du sujet des rémunérations par exemple, nous sommes plus exigeants que la moyenne. Une résolution sur deux est rejetée sur ce sujet.
Nous sommes également plus pointilleux à propos de la nomination des membres au sein des Conseils pour deux principales raisons : la diversité (nous demandons qu’il y ait au moins 40% de femmes au sein des Conseils) et l’indépendance (nous demandons que le taux d’indépendance soit de 33% ou de 50% en fonction de l’importance de la détention de l’actionnaire de référence).
Avez-vous constaté une évolution des résolutions déposées ?
Ces trois dernières années, nous pouvons relever que de plus en plus d’actionnaires minoritaires déposent des résolutions sur des sujets ESG, même si c’est encore rare dans beaucoup de pays européens. Des initiatives ont ainsi été prises dans les assemblées générales des groupes pétroliers pour réclamer davantage de transparence sur la manière dont est pris en compte l’Accord de Paris dans la stratégie de développement.
Avez-vous été à l’origine d’un dépôt de résolution ?
Non, pas encore. Cependant nous avons été amenés à soutenir des résolutions qui vont dans ce sens, portées par d’autres actionnaires.
Avez-vous mis en place un comité de vote au sein de la société de gestion?
Nous avons créé un comité de gouvernance composé du Directeur de la recherche, de représentants de la gestion actions, et de représentants de l’équipe Thématiques durables.
Ce comité décide des évolutions de la politique de vote et valide nos votes pour les assemblées générales des sociétés considérées comme prioritaires.
Y a-t-il des membres externes à LBPAM présents dans ce comité ?
Non. En revanche, nous alimentons ce comité à partir de ce qui est fait en externe, comme par exemple le comité technique de l’AFG sur la gouvernance, des séminaires de Proxinvest (qui réalise des analyses sur les résolutions), ou d’autres instances de place.
Vous arrive-t-il de prendre contact avec les entreprises dont vous votez les résolutions ?
Nous pouvons prendre contact avec les entreprises lorsque nous avons voté par la négative à plusieurs de leurs résolutions. Nous nous rendons ainsi disponibles pour leur expliquer le bien fondé de notre positionnement. Mais c’est quelque chose que nous souhaitons renforcer, notamment en impliquant davantage les équipes de gestion actions pour qu’elles puissent relayer le point de vue de LBPAM.
Au-delà de votre politique de vote, en quoi consiste votre politique d’engagement ISR ?
Individuellement, nous déterminons des sujets phares sur lesquels nous souhaitons avoir plus d’informations de la part d’une entreprise donnée. Souvent, nos questions sont relatives au climat et à la politique charbon. Nous interpellons les entreprises afin d’évaluer l’alignement de leur business model avec les accords de Paris et de comprendre leur feuille de route, les efforts et les délais qui leur seront nécessaires pour parvenir aux objectifs définis dans cet accord.
Il peut également nous arriver d’interroger des entreprises dans le domaine des droits humains. Nous avons une Sicav gérée avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). Dans ce cadre, une prise de contact est faite avec des entreprises dont on a identifié de mauvaises pratiques pour identifier l’existence de mesures correctives.
Qui plus est, dans le cadre de notre comité d’exclusion, nous déterminons les entreprises qui sont soupçonnées de violation grave ou répétée des principes du Pacte Mondial. Nous pouvons alors nous rapprocher de certaines de ces entreprises pour comprendre si elles ont décidé de s’inscrire dans un mouvement d’amélioration de la situation, par exemple par l’indemnisation des victimes ou la compensation des dommages engendrés.
Avez-vous des discussions dans une approche collective ?
Nous n’hésitons pas à participer à des initiatives collectives qui mettent au service des investisseurs une expertise spécifique dans les domaines d’analyse ESG et qui enrichissent nos convictions. C’est ainsi que nous nous avons rejoint l’initiative collaborative Access to Medecine qui vise à faire progresser l’accès aux soins dans les pays pauvres.
Nous avons également rejoint FAIRR (Farm Animal Investment Risk & Return), une association à but non lucratif, basée au Royaume-Uni, qui encourage l’amélioration des pratiques dans le domaine de l’agriculture et du bien-être animal. Dans ce contexte, nous avons soutenu l’engagement ciblé vers les entreprises de la restauration rapide aux Etats-Unis pour mieux comprendre leurs pratiques sociales et environnementales dans la chaine d’approvisionnement.
Le fait de rejoindre ces initiatives collectives est de nature à nous permettre d’avoir plus d’impacts, surtout auprès d’entreprises dont le siège social se situe en dehors de la France.
La directive européenne sur les droits des actionnaires II dont l’entrée est vigueur est prévue l’année prochaine a-t-elle eu des implications sur votre politique de vote et d’engagement ?
Cette directive devrait entraîner de vrais progrès en termes de fonctionnement pratique du système de vote aux assemblées générales, qui n’est pas encore optimal. En ce qui nous concerne plus directement, elle nous incite à renforcer la transparence sur nos pratiques de vote vis-à-vis de nos clients. Nous réfléchissons notamment à rendre publiques l’intégralité de nos décisions pour les assemblées générales des sociétés détenues dans les fonds ouverts.
Absolument. Notre politique de vote et d’engagement a été définie de telle manière qu’elles vise à établir un dialogue avec les sociétés dans lesquelles nous investissons ou dans lesquelles nous souhaitons investir.
Nous tâchons d’identifier les pratiques à améliorer et d’échanger avec les sociétés pour les encourager à évoluer dans ce sens.
Votre politique de vote reflète vos convictions identifiées dans votre méthodologie d’évaluation de la Responsabilité sociétale d’une entreprise, GREaT...
Notre politique de vote est un outil qui nous aide à mettre en œuvre les convictions de notre méthodologie GREaT. Par exemple, nous sommes très actifs pour exiger une bonne diversité au conseil d’administration. Nous soutenons plus facilement la rémunération des dirigeants lorsque celle-ci tient compte de critères extra-financiers. A l’inverse, lorsque les sociétés font l’objet de controverses importantes dans le domaine environnemental ou social, nous pouvons rejeter certaines résolutions, comme la demande de décharge de responsabilité ou l’élection d’un administrateur potentiellement impliqué.
Quel est votre taux de couverture de votre politique de vote ?
Nous votons aujourd’hui pour 85% des encours actions détenus dans les fonds ouverts.
Nous votons systématiquement lorsque l’entreprise est présente dans nos fonds ISR ou à défaut, lorsque l’on détient un seuil de capitalisation boursière considéré suffisant pour peser a minima sur les résultats de l’assemblée générale.
Nos principes de vote sont communiqués en amont de l’assemblée générale pour certaines sociétés ; nous voulons le faire davantage à l’avenir.
Vous voyez à ce sujet un changement notable dans le comportement des sociétés ?
Celles-ci prennent de plus en plus l’initiative de nous contacter les premières, en amont de la tenue des assemblées, pour nous présenter les résolutions déposées et échanger sur des éventuels sujets de divergence.
Cette démarche nous permet de prendre un premier contact pour mieux appréhender les résolutions qui peuvent poser problèmes.
Quel est le pourcentage de votes contraires ?
Environ 30% de nos votes sont contraires aux résolutions proposées par le management. En fonction des types de résolutions, ce taux de rejet peut s’avérer plus important. S’agissant du sujet des rémunérations par exemple, nous sommes plus exigeants que la moyenne. Une résolution sur deux est rejetée sur ce sujet.
Nous sommes également plus pointilleux à propos de la nomination des membres au sein des Conseils pour deux principales raisons : la diversité (nous demandons qu’il y ait au moins 40% de femmes au sein des Conseils) et l’indépendance (nous demandons que le taux d’indépendance soit de 33% ou de 50% en fonction de l’importance de la détention de l’actionnaire de référence).
Avez-vous constaté une évolution des résolutions déposées ?
Ces trois dernières années, nous pouvons relever que de plus en plus d’actionnaires minoritaires déposent des résolutions sur des sujets ESG, même si c’est encore rare dans beaucoup de pays européens. Des initiatives ont ainsi été prises dans les assemblées générales des groupes pétroliers pour réclamer davantage de transparence sur la manière dont est pris en compte l’Accord de Paris dans la stratégie de développement.
Avez-vous été à l’origine d’un dépôt de résolution ?
Non, pas encore. Cependant nous avons été amenés à soutenir des résolutions qui vont dans ce sens, portées par d’autres actionnaires.
Avez-vous mis en place un comité de vote au sein de la société de gestion?
Nous avons créé un comité de gouvernance composé du Directeur de la recherche, de représentants de la gestion actions, et de représentants de l’équipe Thématiques durables.
Ce comité décide des évolutions de la politique de vote et valide nos votes pour les assemblées générales des sociétés considérées comme prioritaires.
Y a-t-il des membres externes à LBPAM présents dans ce comité ?
Non. En revanche, nous alimentons ce comité à partir de ce qui est fait en externe, comme par exemple le comité technique de l’AFG sur la gouvernance, des séminaires de Proxinvest (qui réalise des analyses sur les résolutions), ou d’autres instances de place.
Vous arrive-t-il de prendre contact avec les entreprises dont vous votez les résolutions ?
Nous pouvons prendre contact avec les entreprises lorsque nous avons voté par la négative à plusieurs de leurs résolutions. Nous nous rendons ainsi disponibles pour leur expliquer le bien fondé de notre positionnement. Mais c’est quelque chose que nous souhaitons renforcer, notamment en impliquant davantage les équipes de gestion actions pour qu’elles puissent relayer le point de vue de LBPAM.
Au-delà de votre politique de vote, en quoi consiste votre politique d’engagement ISR ?
Individuellement, nous déterminons des sujets phares sur lesquels nous souhaitons avoir plus d’informations de la part d’une entreprise donnée. Souvent, nos questions sont relatives au climat et à la politique charbon. Nous interpellons les entreprises afin d’évaluer l’alignement de leur business model avec les accords de Paris et de comprendre leur feuille de route, les efforts et les délais qui leur seront nécessaires pour parvenir aux objectifs définis dans cet accord.
Il peut également nous arriver d’interroger des entreprises dans le domaine des droits humains. Nous avons une Sicav gérée avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). Dans ce cadre, une prise de contact est faite avec des entreprises dont on a identifié de mauvaises pratiques pour identifier l’existence de mesures correctives.
Qui plus est, dans le cadre de notre comité d’exclusion, nous déterminons les entreprises qui sont soupçonnées de violation grave ou répétée des principes du Pacte Mondial. Nous pouvons alors nous rapprocher de certaines de ces entreprises pour comprendre si elles ont décidé de s’inscrire dans un mouvement d’amélioration de la situation, par exemple par l’indemnisation des victimes ou la compensation des dommages engendrés.
Avez-vous des discussions dans une approche collective ?
Nous n’hésitons pas à participer à des initiatives collectives qui mettent au service des investisseurs une expertise spécifique dans les domaines d’analyse ESG et qui enrichissent nos convictions. C’est ainsi que nous nous avons rejoint l’initiative collaborative Access to Medecine qui vise à faire progresser l’accès aux soins dans les pays pauvres.
Nous avons également rejoint FAIRR (Farm Animal Investment Risk & Return), une association à but non lucratif, basée au Royaume-Uni, qui encourage l’amélioration des pratiques dans le domaine de l’agriculture et du bien-être animal. Dans ce contexte, nous avons soutenu l’engagement ciblé vers les entreprises de la restauration rapide aux Etats-Unis pour mieux comprendre leurs pratiques sociales et environnementales dans la chaine d’approvisionnement.
Le fait de rejoindre ces initiatives collectives est de nature à nous permettre d’avoir plus d’impacts, surtout auprès d’entreprises dont le siège social se situe en dehors de la France.
La directive européenne sur les droits des actionnaires II dont l’entrée est vigueur est prévue l’année prochaine a-t-elle eu des implications sur votre politique de vote et d’engagement ?
Cette directive devrait entraîner de vrais progrès en termes de fonctionnement pratique du système de vote aux assemblées générales, qui n’est pas encore optimal. En ce qui nous concerne plus directement, elle nous incite à renforcer la transparence sur nos pratiques de vote vis-à-vis de nos clients. Nous réfléchissons notamment à rendre publiques l’intégralité de nos décisions pour les assemblées générales des sociétés détenues dans les fonds ouverts.
Imen Hazgui