Interview de Mathieu LEFEBVRE : Président directeur général de Waga Energy

Mathieu LEFEBVRE

Président directeur général de Waga Energy

Concevoir une énergie apte à préserver concrètement notre biosphère

Publié le 12 Octobre 2021

Comment décririez-vous votre entreprise Waga Energy ?

Waga Energy est une entreprise créée en 2015 par trois anciens ingénieurs d’Air Liquide, et dont la particularité est de produire du biométhane à partir de déchets ménagers. Ce gaz renouvelable est une alternative parfaite au gaz naturel d’origine fossile, importé pour un usage massif concernant environ vingt millions de personnes en France. Waga Energy compte actuellement 80 collaborateurs en France, au Canada, aux États-Unis et en Espagne. Provisoirement car, comme le secteur sur lequel nous sommes positionnés est en très forte expansion, la taille de notre équipe double tous les deux ans !

Le souci écologique semble au cœur de votre projet, presque au même niveau que la solution technique que vous avec conçue…

Et c’est bien le cas ! Avant tout, nous sommes des militants engagés sur le terrain de la lutte contre le dérèglement climatique. Avec mes deux associés, nous avons partagé depuis quinze ans le même constat devant l’incroyable gâchis de la surconsommation énergétique de nos sociétés dans un contexte d’urgence climatique qui ne laisse plus de temps pour tergiverser. Alors quand nous nous sommes rendus compte après dix ans de recherche que nous étions capables de produire du biométhane depuis les sites d’enfouissement de nos déchets ménagers (plus communément appelés « décharges »), autre manifestation de la pollution humaine… Nous avons lancé Waga Energy.

Quel est le socle de votre proposition de solution énergétique ?

L’idée fondamentale est de produire un gaz renouvelable à partir de le fraction fermenticide des déchets ménagers , en lui retranchant ses impuretés, l’oxygène et l’azote. Mais sa mise en œuvre est rendue possible par le fait que la molécule que nous produisons est exactement la même que celle du gaz naturel, relevant de l’énergie fossile et extraite difficilement de sous la terre. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que notre biométhane peut utiliser exactement les mêmes infrastructures d’acheminement, les 220 000 km de canalisation de GRDF. Et servir sans aucune réserve les même usages et appareils que le fait le gaz naturel. Depuis les débuts de l’entreprise, nous avons déjà produit trente millions de mètres cubes avec un coût d’exploitation très modéré. Le processus est doublement écologique : dans la valorisation de déchets, et dans le remplacement à performance identique d’une énergie en voie d’épuisement.

On parle beaucoup en ce moment de la volatilité des cours des marchés de l’énergie. Votre solution pourrait-elle la modérer ?

On ne pourra pas, bien sûr, se couper de la réalité de l’état des marchés internationaux de l’énergie. Mais la France, qui ne détient aucun site d’exploitation de gaz naturel, est un territoire incroyablement riche en biomasse. Cette source d’énergie propre, nous pouvons l’utiliser de manière locale en réduisant le besoin de recourir aux marchés internationaux. Une manière aussi de limiter le transport et de s’engager dans une démarche d’économie circulaire. La production de biométhane, en l’état de la demande en énergie, ne pourra pas suffire. Mais elle représente une source additionnelle très crédible d’énergie dont nos sociétés contemporaines ont, même en modérant leur usage, absolument besoin.

Avez-vous des concurrents sur ce secteur ?

On estime à 20 000 le nombre d’installations de stockage de déchets dans le monde correspondant à un marché de 1000 TW/h, valorisés autour de 50 milliards d’euros. En vingt-cinq ans aux États-Unis, 70 sites ont été construits. Mais la technologie utilisée contraint les Américains à de grandes installations, très coûteuses et peu efficaces. Le rythme d’implantation s’en ressent : environ une tous les deux ans. De notre côté, nous avons construit en quatre ans dix sites d’exploitation, et dix autres sont en construction à l’international. Ils ne sont certes pas de la même envergure, mais notre technologie et notre stratégie basées sur la standardisation nous permettent de nous déployer beaucoup plus vite. Et nous préférons de loin dix petites usines à une seule très grosse !

Comment exploitez-vous vos installations, justement ?

Nous nous implantons sur des lieux où nous pouvons utiliser des déchets, mais nos installations ont la particularité d’être autonomes. La gestion de déchets représente une vraie difficulté : elle est imprévisible car elle dépend beaucoup de la météo comme une forme d’organisme vivant. Pourtant, ces unités sont pilotées à distance. Nos techniciens passent chaque semaine les contrôler et les entretenir, une organisation qui permet une gestion des équipes souple. Cette stratégie est aussi significative de la manière dont nous comptons nous développer à moyen terme : en tant que spécialistes du sujet, et avec l’agilité que nous confère notre petite taille, nous préférons tout réaliser nous-mêmes. Développer, financer, concevoir, construire puis exploiter. En accordant du coup une très grande attention à chaque nouveau projet que nous lançons. Car chaque projet doit aboutir à une réussite.

Quelle est votre stratégie de déploiement à moyen terme ?

Le gaz renouvelable que nous produisons est l’exemple parfait, bon marché et basé sur l’exploitation des rejets de notre système, du produit de substitution aux énergies fossiles.. Une manière de s’engager concrètement dans la transition énergétique en proposant une solution qui allie écologie et économie. Ce modèle fonctionne et a fait la preuve de son efficacité, comme en témoignent les nouvelles demandes qui nous parviennent chaque jour. À présent, nous cherchons donc à nous déployer rapidement à l’international.

L’IPO que vous engagez ce mois-ci est justement destinée à vous donner les moyens d’accélérer…

De 10 sites opérationnels aujourd’hui, nous envisageons de passer à 100 installations en 2026, principalement en Europe et en Amérique du Nord. Notre chiffre d’affaires en 2020 s’élevait à 9,4 millions d’euros, pour un objectif de 200 millions d’euros à horizon 2026.. Et c’est en effet la raison de notre process d’IPO actuel : lever des fonds pour nous permettre de muscler, accélérer notre développement et atteindre ces objectifs. Notamment à l’international, qui représente 98 % de notre marché, y compris dans des pays qui ne délivrent pas de subventions et dans lesquels nous aurons ainsi les moyens de nous implanter par nous-mêmes.

Comment formuleriez-vous la principale raison de vous rejoindre ?

La première mondiale que nous avons réalisée en 2017 avec notre biométhane produit à partir de déchets a été un très grand succès. Elle a démontré que, dans le contexte climatique que nous connaissons, il existait une solution de substitution fiable, écologique, locale et économique. Tout est dit dans notre devise : « le biométhane pour tous ». Accessibilité, mais aussi nécessité de faire connaître et adopter au plus grand nombre un procédé de conception d’énergie apte à préserver concrètement notre biosphère. L’heure est venue de nous déployer. Et, pour cela, nous avons besoin de vous !


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Interview réalisée par Aymeric Jeanson