
Laurent Denize
Co-CIO chez ODDO BHF AM
Vers un retour de la parité euro dollar à 1,90 ?
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Publié le 06 Octobre 2025
Globalement, l’année 2025 a-t-elle suivi votre scénario central ?
Au sein des marchés globaux d’actions, nous avons pu observer une stagnation des résultats des entreprises européennes mais des indices portés par la convergence des multiples de valorisation vers ceux auxquels traitent les marchés américains : les grandes lignes de notre scenario central de début d’année ont été confirmées aux cours de ces trois derniers trimestres. Côté taux, nous nous attendions à une légère pentification, mais la durée et l’ampleur du mouvement de tension sur les maturités les plus longues nous ont surpris et offrent peut-être bien désormais des opportunités tactiques. Enfin sur le front des devises, l’affaiblissement général du dollar faisait partie de nos anticipations, même si nous n’envisagions pas l’Euro comme devant figurer parmi les devises les plus performantes.
Quel regard portez-vous sur la forte chute du dollar ? Pensez-vous que le billet vert est entré dans une tendance baissière structurelle ?
Avec l’émergence d’un monde plus multipolaire, la diversification des réserves de change semble inarrêtable, et étant donnée la prépondérance actuelle des actifs en USD au sein de celles-ci, cette diversification devrait structurellement peser sur le billet vert à moyen terme.
Pour l’investisseur européen, il faut d’ailleurs garder en tête que les plus hauts historiquement vus sur l’EURUSD (aux alentours de 1.60 en 2008) correspondent, une fois retraités des différentiels d’inflation entre Europe et Etats-Unis sur la période, à des niveaux qui avoisinent désormais les 1.90. Il s’agit évidemment de niveaux qui ne seront probablement pas observés de nouveau à court ou moyen terme, mais ceci illustre bien l’ampleur du potentiel de dévalorisation du dollar, et qu’un retour vers des niveaux d’équilibre proches des parités de pouvoir d’achat (circa 1.40) nous semble envisageable en quelques années.
Quelles zones hors US ont le mieux profité du rallye des marchés jusque-là ?
La majorité des marchés boursiers ont connu retour à meilleur fortune en 2025, parfois de manière bien plus spectaculaire qu’en Europe (7% pour le CAC40 et 13% pour le Stoxx600 hors dividendes, à fin septembre). Notons qu’au sein de l’Europe, ce sont clairement les marchés de la zone Euro qui ont bénéficié des flux, surperformant ceux du Royaume-Uni, et encore plus ceux de Scandinavie et de Suisse. Mais aux avant-postes de 2025 nous retrouvons surtout des marchés « émergents », qui progressent en moyenne de 25% (en USD). En leur sein, des bourses comme celles de Johannesburg, Hong-Kong, Varsovie s’adjugent près de 35%. Elles sont elles-mêmes devancées par le marché coréen (fréquemment assimilé aux émergents bien que faisant partie de l’OCDE) qui bénéficie également de son biais technologique :il traitait sur des valorisations très raisonnables en début d’année (environ 9 fois les résultats nets pour le Kospi) et s’est depuis apprécié de 43% !
Où en est la politique monétaire américaine ? L’indépendance de la Fed vous parait-elle menacée ?
A court terme, la décision de la Cour Suprême de ne pas autoriser le renvoi de la Réserve Fédérale à effet immédiat de la gouverneure Lisa Cook, dans l’attente de premières audiences attendues en janvier, donne un peu de répit à la FED. Il demeure néanmoins probable que des personnalités clivantes et devant soutenir l’implémentation d’une politique monétaire souhaitée par l’administration Trump (a priori assez laxistes au regard des observations macro-économiques actuelles) intègre le conseil de l’institution au cours des prochains semestres, rappelant que les décisions monétaires aux Etats-Unis, comme dans la majorité des pays, relèvent aussi du spectre de la politique, avec simplement un rythme de retournement historiquement moins fébrile.
Qu’anticipez-vous du côté de la BCE et des taux directeurs européens ?
Nous anticipons une stabilité de la politique monétaire en 2026, la BCE bénéficiant certes d’une convergence de l’inflation moyenne vers sa cible mais ce de manière très disparate selon les pays. En septembre l’inflation sur un an s’établissait certes à 1.1% en France (et même plus anecdotiquement à -0.6% à Chypre…) mais remontant à 2.4% en Allemagne et demeurant toujours à 3% en Espagne ou aux Pays-Bas (voire à 4% en Croatie, qui a intégré la zone en 2023 et a donc aussi sa place au Conseil des Gouverneurs de l’institution de Francfort). Une telle dispersion des évolutions de prix n’est pas à même de favoriser des évolutions consensuelles des taux courts, sauf choc imprévu de grande ampleur.
Faut-il attendre un rallye ou une rechute pour les prochains mois ?
Notre scenario central demeure celui d’une poursuite lente de la hausse du marché européen. Les risques de correction nous semblent contenus, mais l’ampleur d’une éventuelle chute nous semble désormais significative au vu des niveaux de valorisation atteints. Dans les portefeuilles où nous en avons la latitude, le recours à des positionnement optionnels permettant de bénéficier d’une asymétrie en termes d’exposition aux marchés d’actions nous paraît désormais pertinent au vu des coûts désormais modestes engendrés par ce type de couverture.
Quelles sont vos principales sources de risque ?
En termes de risques absolus, c’est toujours le risque action qui prédomine au sein de nos portefeuilles diversifiés. Si les comportements observés depuis le début d’année perdurent (notamment la conjonction de la hausse de l’Euro et la performance des actions de la zone Euro en comparaison des autres marchés développés), l’exposition devises de nos portefeuilles (au sein desquels les couvertures ne sont que partielles) ressort plus comme une diversification que comme une prise de risque supplémentaire.
In fine, quel positionnement privilégier selon vous ?
• Face à des marchés actions aux valorisations plutôt hautes, mais sur lesquels nos signaux n’anticipent pas de catalystes à même de déclencher une correction imminente, nous gardons une exposition neutre aux actions, avec cependant des biais significatifs. Une surpondération des émergents, moins centrée sur la Chine qu’auparavant, et un léger biais technologique toujours présent.
• Les marchés crédit offrent toujours un portage acceptable, mais peu de potentiel de resserrement, nous privilégions en conséquent le crédit court.
• Les chocs macroéconomiques étant souvent imprédictibles, et de nombreuses banques centrales ayant retrouvé des marges de manœuvre pour y faire face, une légère sur-sensibilité obligataire nous paraît appropriée : nous observons désormais des pentes de taux attractives qui nous amènent à penser que les segments longs (10 à 30 ans) des obligations souveraines offrent un potentiel de diversification intéressant et une espérance de rendement désormais suffisante pour s’y exposer de nouveau.
Au sein des marchés globaux d’actions, nous avons pu observer une stagnation des résultats des entreprises européennes mais des indices portés par la convergence des multiples de valorisation vers ceux auxquels traitent les marchés américains : les grandes lignes de notre scenario central de début d’année ont été confirmées aux cours de ces trois derniers trimestres. Côté taux, nous nous attendions à une légère pentification, mais la durée et l’ampleur du mouvement de tension sur les maturités les plus longues nous ont surpris et offrent peut-être bien désormais des opportunités tactiques. Enfin sur le front des devises, l’affaiblissement général du dollar faisait partie de nos anticipations, même si nous n’envisagions pas l’Euro comme devant figurer parmi les devises les plus performantes.
Quel regard portez-vous sur la forte chute du dollar ? Pensez-vous que le billet vert est entré dans une tendance baissière structurelle ?
Avec l’émergence d’un monde plus multipolaire, la diversification des réserves de change semble inarrêtable, et étant donnée la prépondérance actuelle des actifs en USD au sein de celles-ci, cette diversification devrait structurellement peser sur le billet vert à moyen terme.
Pour l’investisseur européen, il faut d’ailleurs garder en tête que les plus hauts historiquement vus sur l’EURUSD (aux alentours de 1.60 en 2008) correspondent, une fois retraités des différentiels d’inflation entre Europe et Etats-Unis sur la période, à des niveaux qui avoisinent désormais les 1.90. Il s’agit évidemment de niveaux qui ne seront probablement pas observés de nouveau à court ou moyen terme, mais ceci illustre bien l’ampleur du potentiel de dévalorisation du dollar, et qu’un retour vers des niveaux d’équilibre proches des parités de pouvoir d’achat (circa 1.40) nous semble envisageable en quelques années.
Quelles zones hors US ont le mieux profité du rallye des marchés jusque-là ?
La majorité des marchés boursiers ont connu retour à meilleur fortune en 2025, parfois de manière bien plus spectaculaire qu’en Europe (7% pour le CAC40 et 13% pour le Stoxx600 hors dividendes, à fin septembre). Notons qu’au sein de l’Europe, ce sont clairement les marchés de la zone Euro qui ont bénéficié des flux, surperformant ceux du Royaume-Uni, et encore plus ceux de Scandinavie et de Suisse. Mais aux avant-postes de 2025 nous retrouvons surtout des marchés « émergents », qui progressent en moyenne de 25% (en USD). En leur sein, des bourses comme celles de Johannesburg, Hong-Kong, Varsovie s’adjugent près de 35%. Elles sont elles-mêmes devancées par le marché coréen (fréquemment assimilé aux émergents bien que faisant partie de l’OCDE) qui bénéficie également de son biais technologique :il traitait sur des valorisations très raisonnables en début d’année (environ 9 fois les résultats nets pour le Kospi) et s’est depuis apprécié de 43% !
Où en est la politique monétaire américaine ? L’indépendance de la Fed vous parait-elle menacée ?
A court terme, la décision de la Cour Suprême de ne pas autoriser le renvoi de la Réserve Fédérale à effet immédiat de la gouverneure Lisa Cook, dans l’attente de premières audiences attendues en janvier, donne un peu de répit à la FED. Il demeure néanmoins probable que des personnalités clivantes et devant soutenir l’implémentation d’une politique monétaire souhaitée par l’administration Trump (a priori assez laxistes au regard des observations macro-économiques actuelles) intègre le conseil de l’institution au cours des prochains semestres, rappelant que les décisions monétaires aux Etats-Unis, comme dans la majorité des pays, relèvent aussi du spectre de la politique, avec simplement un rythme de retournement historiquement moins fébrile.
Qu’anticipez-vous du côté de la BCE et des taux directeurs européens ?
Nous anticipons une stabilité de la politique monétaire en 2026, la BCE bénéficiant certes d’une convergence de l’inflation moyenne vers sa cible mais ce de manière très disparate selon les pays. En septembre l’inflation sur un an s’établissait certes à 1.1% en France (et même plus anecdotiquement à -0.6% à Chypre…) mais remontant à 2.4% en Allemagne et demeurant toujours à 3% en Espagne ou aux Pays-Bas (voire à 4% en Croatie, qui a intégré la zone en 2023 et a donc aussi sa place au Conseil des Gouverneurs de l’institution de Francfort). Une telle dispersion des évolutions de prix n’est pas à même de favoriser des évolutions consensuelles des taux courts, sauf choc imprévu de grande ampleur.
Faut-il attendre un rallye ou une rechute pour les prochains mois ?
Notre scenario central demeure celui d’une poursuite lente de la hausse du marché européen. Les risques de correction nous semblent contenus, mais l’ampleur d’une éventuelle chute nous semble désormais significative au vu des niveaux de valorisation atteints. Dans les portefeuilles où nous en avons la latitude, le recours à des positionnement optionnels permettant de bénéficier d’une asymétrie en termes d’exposition aux marchés d’actions nous paraît désormais pertinent au vu des coûts désormais modestes engendrés par ce type de couverture.
Quelles sont vos principales sources de risque ?
En termes de risques absolus, c’est toujours le risque action qui prédomine au sein de nos portefeuilles diversifiés. Si les comportements observés depuis le début d’année perdurent (notamment la conjonction de la hausse de l’Euro et la performance des actions de la zone Euro en comparaison des autres marchés développés), l’exposition devises de nos portefeuilles (au sein desquels les couvertures ne sont que partielles) ressort plus comme une diversification que comme une prise de risque supplémentaire.
In fine, quel positionnement privilégier selon vous ?
• Face à des marchés actions aux valorisations plutôt hautes, mais sur lesquels nos signaux n’anticipent pas de catalystes à même de déclencher une correction imminente, nous gardons une exposition neutre aux actions, avec cependant des biais significatifs. Une surpondération des émergents, moins centrée sur la Chine qu’auparavant, et un léger biais technologique toujours présent.
• Les marchés crédit offrent toujours un portage acceptable, mais peu de potentiel de resserrement, nous privilégions en conséquent le crédit court.
• Les chocs macroéconomiques étant souvent imprédictibles, et de nombreuses banques centrales ayant retrouvé des marges de manœuvre pour y faire face, une légère sur-sensibilité obligataire nous paraît appropriée : nous observons désormais des pentes de taux attractives qui nous amènent à penser que les segments longs (10 à 30 ans) des obligations souveraines offrent un potentiel de diversification intéressant et une espérance de rendement désormais suffisante pour s’y exposer de nouveau.
Imen Hazgui