
David Benamou
Managing Partner / Chief Investment Officer - Directeur des Investissements d'Axiom AI
Secteur bancaire européen : un potentiel rebond de 10% à 20% supplémentaires
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Publié le 06 Octobre 2025
Pourquoi parle-t-on autant des banques européennes en ce moment ?
Le secteur bancaire européen attire aujourd’hui une attention renouvelée, et ce n’est pas un hasard. Depuis près de vingt trimestres, les banques européennes surperforment le marché. Après plus de quinze années de « reconstruction » – marquées par un renforcement massif des fonds propres, une réduction significative des risques et une transformation vers des modèles plus sobres – le secteur récolte enfin les fruits de cette discipline.
Qu’est-ce qui a enclenché cette dynamique de surperformance ?
La transformation s’est jouée en deux temps.
1. 2014–2021 : l’ère des taux négatifs et du nettoyage des bilan
Pendant près de huit ans, les taux négatifs ont exercé une pression considérable sur les revenus nets d’intérêt des banques (en moyenne une perte de 40%). Pour survivre, elles ont drastiquement réduit leurs coûts et assaini leurs bilans opérationnels.
2. Depuis 2022 : la remontée des taux
Lorsque les taux se sont redressés, les banques européennes étaient déjà assises sur des bilans assainis. Résultat : chaque hausse de taux s’est traduite par une amélioration sensible et continue du bénéfice par action.
Aujourd’hui, la qualité des actifs bancaires est bien meilleure qu’auparavant ?
Le ratio de prêts non performants s’établit autour de 2 % à l’échelle du secteur, un niveau historiquement bas. Les banques européennes ont conservé la plupart des provisions de précautions imposées sous le Covid. Les coussins de provisions demeurent ainsi élevés, renforçant la résilience face aux chocs éventuels et par là, la confiance des investisseurs.
Enfin, depuis la mise en œuvre des différentes réformes réglementaires depuis 2008, les banques ne peuvent plus prendre le même risque.
Au-delà du renforcement des fonds propres et de l’amélioration de la qualité des actifs, un autre point significatif a résidé dans la réduction des coûts opérationnels…
Les banques européennes ont effectivement très bien su contenir les coûts et opèrent avec des cost/income ratios en amélioration continue. C’est le cas, par exemple, de Société Générale, dont le cost/income ratio est passé de plus 70% à moins de 65% aujourd'hui.
Toutes les banques n’ont pas profité de la même manière de la remontée des taux.
Effectivement, toutes les banques n’ont pas profité de la même manière de ce nouvel environnement
• Celles fortement sensibles aux taux (forte base de dépôts, faible rémunération reversée), souvent situées en Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) et en Irlande, ont vu leur rentabilité bondir.
• En revanche, dans les pays où l’épargne est plus réglementée, comme en France, l’effet positif a été plus modéré.
Le niveau actuel des taux constitue selon vous un « sweet spot » ?
Un environnement de taux autour de 2 %, sur les maturités de 1 à 5 ans et des taux plus élevés sur les maturités de 5 à 10 ans, est idéal pour les banques :
• assez élevé pour préserver la marge nette d’intérêt sur dépôts ;
• pas trop élevé pour ne pas freiner le crédit (consommation, entreprises)
L’orientation budgétaire plus expansive en Europe, notamment en Allemagne, a aussi joué un rôle majeur ?
En s’éloignant de l’austérité stricte, les autorités allemandes ont notamment contribué à ce que les taux à 5–10 ans soient plus élevés. Une courbe de taux pentue est un environnement très positif pour les banques. Ce qui est très difficile à gérer pour les banques c’est une courbe plate. La pentification permet de faire plus de transformation : prêter un peu plus long avec des taux plus élevés et refinancer un peu plus court notamment toutes les couvertures sur les stocks de prêts aux particuliers.
Malgré sa normalisation, le secteur reste attractif ?
Le secteur se valorise encore avec environ 33 % de décote par rapport au STOXX Europe 600. Historiquement, une décote proche de 10 % paraît plus « normale » pour un secteur cyclique. Cette situation laisse donc entrevoir un potentiel de revalorisation.
Une réduction de cette décote pourrait conduire à une hausse 10% à 20%.
Un autre attrait du secteur concerne le rendement pour les investisseurs …
Les investisseurs peuvent espérer un rendement cash total (dividendes + programmes de rachats d'actions validées par la BCE) généreux d’environ 9 % par an sur les deux prochaines années. Cela confère un coussin de protection très appréciable en cas de mouvements brusques du marché. À cela s’ajoute un potentiel d’expansion des multiples estimé entre 10 et 20 %, selon l’évolution de la volatilité des marchés.
Pensez-vous que la consolidation soit un moteur additionnel ?
Avec leurs excès de capital, les banques disposent de marges de manœuvre pour procéder à des acquisitions, en particulier dans un secteur qui est encore très fragmenté en Europe. Une dynamique est bel et bien enclenchée pour réaliser des synergies de coûts.
• On observe surtout des opérations régionales (ex. regroupements en Italie Banca Popolare d'Emilia Romania et Banca Popolare di Sondrio, acquisitions ciblées en France par BPCE de Novo Banco au Portugal et par Banque Fédérative du Crédit Mutuelle de Oldenburgische Landesbank en Allemagne).
• Ces deals, souvent discrets, se révèlent généralement créateurs de valeur et sources de revalorisation.
• Les grandes fusions transfrontalières restent possibles à terme, mais sont pour l’instant freinées par les sensibilités politiques. Nous en avons l’illustration avec le rapprochement entre Commerzbank et Unicredit. À court terme (12–15 mois), le scénario le plus probable reste celui d’une série de petites opérations.
Quelle allocation privilégier ?
Après une première phase de « value intra-sectorielle », marquée par le redressement de banques perçues comme fragiles (Société Générale, Commerzbank, Deutsche Bank, Monte Dei Paschi…), le mouvement se tourne désormais vers des acteurs de qualité, combinant :
• structure de revenus diversifiés,
• poids élevé du wealth et de l’asset management,
• résilience accrue en cas de déception macroéconomique.
Pourquoi accorder un importance au rôle clé du wealth & asset management ?
Le choix de privilégier ces segments se justifie par plusieurs dynamiques structurelles :
• l’épargne européenne est en croissance constante, alimentant la hausse des encours et des commissions ;
• si les taux devaient baisser, ces banques disposent d’un atout : orienter les dépôts vers des solutions de gestion plutôt que défendre uniquement la marge d’intérêt par le biais de comptes à terme.
Quels sont les risques primordiaux à surveiller à présent ?
Le principal risque reste un ralentissement macroéconomique :
• si la croissance déçoit, les banques très sensibles aux taux verront leur rentabilité plus affectée ;
• à l’inverse, les modèles diversifiés et riches en métiers de gestion d’actifs résisteront mieux.
Quelle comparaison peut-on faire avec les banques américaines qui ne connaissent pas le même rallye boursier ?
Outre-Atlantique, le tableau est moins favorable.
· Taux plus élevés : le crédit conso y est davantage freiné.
• Courbe des taux plus plate : moins d’effet transformation.
• Qualité d’actifs plus hétérogène : notamment l’exposition au secteur de l’immobilier de bureaux.
Ainsi, les banques américaines n’ont pas tiré les mêmes bénéfices de la hausse des taux.
Même si une évolution réglementaire pourrait libérer du capital aux États-Unis (autour de 100 milliards de dollars), les multiples restent encore largement supérieurs à ceux de l’Europe. Les banques américaines traitent à 13,5 fois les résultats, alors que les banques européennes sont à 9 fois les résultats.
In fine, pouvez-vous nous donner des exemples de positions sur lesquelles vous êtes focalisés ?
• En France : préférence pour des groupes dotés de poches wealth/asset management (BNP Paribas, Crédit Agricole, ou Amundi).
• En Italie : franchises solides avec parts de marché établies et piliers de gestion de patrimoine (Banca Intesa, Fineco).
AVERTISSEMENT
Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Les valeurs citées sont données uniquement à titre d’exemple.
Ni Easybourse ni Axiom AI ne sauraient être tenus responsables d'une décision d'investissement ou de désinvestissement sur la base de cet article. Le placement en bourse est soumis aux fluctuations et aux aléas des marchés financiers. Il comporte un risque de perte en capital.
Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances à venir.
Le secteur bancaire européen attire aujourd’hui une attention renouvelée, et ce n’est pas un hasard. Depuis près de vingt trimestres, les banques européennes surperforment le marché. Après plus de quinze années de « reconstruction » – marquées par un renforcement massif des fonds propres, une réduction significative des risques et une transformation vers des modèles plus sobres – le secteur récolte enfin les fruits de cette discipline.
Qu’est-ce qui a enclenché cette dynamique de surperformance ?
La transformation s’est jouée en deux temps.
1. 2014–2021 : l’ère des taux négatifs et du nettoyage des bilan
Pendant près de huit ans, les taux négatifs ont exercé une pression considérable sur les revenus nets d’intérêt des banques (en moyenne une perte de 40%). Pour survivre, elles ont drastiquement réduit leurs coûts et assaini leurs bilans opérationnels.
2. Depuis 2022 : la remontée des taux
Lorsque les taux se sont redressés, les banques européennes étaient déjà assises sur des bilans assainis. Résultat : chaque hausse de taux s’est traduite par une amélioration sensible et continue du bénéfice par action.
Aujourd’hui, la qualité des actifs bancaires est bien meilleure qu’auparavant ?
Le ratio de prêts non performants s’établit autour de 2 % à l’échelle du secteur, un niveau historiquement bas. Les banques européennes ont conservé la plupart des provisions de précautions imposées sous le Covid. Les coussins de provisions demeurent ainsi élevés, renforçant la résilience face aux chocs éventuels et par là, la confiance des investisseurs.
Enfin, depuis la mise en œuvre des différentes réformes réglementaires depuis 2008, les banques ne peuvent plus prendre le même risque.
Au-delà du renforcement des fonds propres et de l’amélioration de la qualité des actifs, un autre point significatif a résidé dans la réduction des coûts opérationnels…
Les banques européennes ont effectivement très bien su contenir les coûts et opèrent avec des cost/income ratios en amélioration continue. C’est le cas, par exemple, de Société Générale, dont le cost/income ratio est passé de plus 70% à moins de 65% aujourd'hui.
Toutes les banques n’ont pas profité de la même manière de la remontée des taux.
Effectivement, toutes les banques n’ont pas profité de la même manière de ce nouvel environnement
• Celles fortement sensibles aux taux (forte base de dépôts, faible rémunération reversée), souvent situées en Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) et en Irlande, ont vu leur rentabilité bondir.
• En revanche, dans les pays où l’épargne est plus réglementée, comme en France, l’effet positif a été plus modéré.
Le niveau actuel des taux constitue selon vous un « sweet spot » ?
Un environnement de taux autour de 2 %, sur les maturités de 1 à 5 ans et des taux plus élevés sur les maturités de 5 à 10 ans, est idéal pour les banques :
• assez élevé pour préserver la marge nette d’intérêt sur dépôts ;
• pas trop élevé pour ne pas freiner le crédit (consommation, entreprises)
L’orientation budgétaire plus expansive en Europe, notamment en Allemagne, a aussi joué un rôle majeur ?
En s’éloignant de l’austérité stricte, les autorités allemandes ont notamment contribué à ce que les taux à 5–10 ans soient plus élevés. Une courbe de taux pentue est un environnement très positif pour les banques. Ce qui est très difficile à gérer pour les banques c’est une courbe plate. La pentification permet de faire plus de transformation : prêter un peu plus long avec des taux plus élevés et refinancer un peu plus court notamment toutes les couvertures sur les stocks de prêts aux particuliers.
Malgré sa normalisation, le secteur reste attractif ?
Le secteur se valorise encore avec environ 33 % de décote par rapport au STOXX Europe 600. Historiquement, une décote proche de 10 % paraît plus « normale » pour un secteur cyclique. Cette situation laisse donc entrevoir un potentiel de revalorisation.
Une réduction de cette décote pourrait conduire à une hausse 10% à 20%.
Un autre attrait du secteur concerne le rendement pour les investisseurs …
Les investisseurs peuvent espérer un rendement cash total (dividendes + programmes de rachats d'actions validées par la BCE) généreux d’environ 9 % par an sur les deux prochaines années. Cela confère un coussin de protection très appréciable en cas de mouvements brusques du marché. À cela s’ajoute un potentiel d’expansion des multiples estimé entre 10 et 20 %, selon l’évolution de la volatilité des marchés.
Pensez-vous que la consolidation soit un moteur additionnel ?
Avec leurs excès de capital, les banques disposent de marges de manœuvre pour procéder à des acquisitions, en particulier dans un secteur qui est encore très fragmenté en Europe. Une dynamique est bel et bien enclenchée pour réaliser des synergies de coûts.
• On observe surtout des opérations régionales (ex. regroupements en Italie Banca Popolare d'Emilia Romania et Banca Popolare di Sondrio, acquisitions ciblées en France par BPCE de Novo Banco au Portugal et par Banque Fédérative du Crédit Mutuelle de Oldenburgische Landesbank en Allemagne).
• Ces deals, souvent discrets, se révèlent généralement créateurs de valeur et sources de revalorisation.
• Les grandes fusions transfrontalières restent possibles à terme, mais sont pour l’instant freinées par les sensibilités politiques. Nous en avons l’illustration avec le rapprochement entre Commerzbank et Unicredit. À court terme (12–15 mois), le scénario le plus probable reste celui d’une série de petites opérations.
Quelle allocation privilégier ?
Après une première phase de « value intra-sectorielle », marquée par le redressement de banques perçues comme fragiles (Société Générale, Commerzbank, Deutsche Bank, Monte Dei Paschi…), le mouvement se tourne désormais vers des acteurs de qualité, combinant :
• structure de revenus diversifiés,
• poids élevé du wealth et de l’asset management,
• résilience accrue en cas de déception macroéconomique.
Pourquoi accorder un importance au rôle clé du wealth & asset management ?
Le choix de privilégier ces segments se justifie par plusieurs dynamiques structurelles :
• l’épargne européenne est en croissance constante, alimentant la hausse des encours et des commissions ;
• si les taux devaient baisser, ces banques disposent d’un atout : orienter les dépôts vers des solutions de gestion plutôt que défendre uniquement la marge d’intérêt par le biais de comptes à terme.
Quels sont les risques primordiaux à surveiller à présent ?
Le principal risque reste un ralentissement macroéconomique :
• si la croissance déçoit, les banques très sensibles aux taux verront leur rentabilité plus affectée ;
• à l’inverse, les modèles diversifiés et riches en métiers de gestion d’actifs résisteront mieux.
Quelle comparaison peut-on faire avec les banques américaines qui ne connaissent pas le même rallye boursier ?
Outre-Atlantique, le tableau est moins favorable.
· Taux plus élevés : le crédit conso y est davantage freiné.
• Courbe des taux plus plate : moins d’effet transformation.
• Qualité d’actifs plus hétérogène : notamment l’exposition au secteur de l’immobilier de bureaux.
Ainsi, les banques américaines n’ont pas tiré les mêmes bénéfices de la hausse des taux.
Même si une évolution réglementaire pourrait libérer du capital aux États-Unis (autour de 100 milliards de dollars), les multiples restent encore largement supérieurs à ceux de l’Europe. Les banques américaines traitent à 13,5 fois les résultats, alors que les banques européennes sont à 9 fois les résultats.
In fine, pouvez-vous nous donner des exemples de positions sur lesquelles vous êtes focalisés ?
• En France : préférence pour des groupes dotés de poches wealth/asset management (BNP Paribas, Crédit Agricole, ou Amundi).
• En Italie : franchises solides avec parts de marché établies et piliers de gestion de patrimoine (Banca Intesa, Fineco).

Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Les valeurs citées sont données uniquement à titre d’exemple.
Ni Easybourse ni Axiom AI ne sauraient être tenus responsables d'une décision d'investissement ou de désinvestissement sur la base de cet article. Le placement en bourse est soumis aux fluctuations et aux aléas des marchés financiers. Il comporte un risque de perte en capital.
Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir. Elles ne sont pas constantes dans le temps et ne constituent en rien une garantie de performances à venir.
Imen Hazgui