Confrontée à la riposte de Shein, la France tempère sa demande de suspension de la plateforme chinoise

Publié le 05 Décembre 2025

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Confrontée à la riposte de Shein, la France tempère sa demande de suspension de la plateforme chinoise

Confrontée à la riposte de Shein, la France tempère sa demande de suspension de la plateforme chinoise

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PARIS, 5 décembre (Reuters) - L'Etat français a tempéré sa position envers Shein vendredi alors que le tribunal judiciaire de Paris examinait sa requête visant à suspendre la plateforme de vente en ligne pour trois mois en France.

Cette affaire, à laquelle le géant chinois a fortement riposté, fait suite à la découverte d'objets pédopornographiques et d'armes de catégorie A sur le site de Shein.

Au lieu de sa requête initiale de suspension de Shein pour trois mois, l'avocat de l'Etat Renaud Le Gunehec demande désormais la suspension des ventes réalisées par des vendeurs tiers ainsi que des ventes de produits Shein, hors habillement, tant qu'elle n'aura pas justifié de mesures efficaces pour mettre fin à la vente de produits prohibés ainsi qu'à l'accès à des produits pornographiques par des mineurs.

Le tribunal, qui avait repoussé l'audience prévue initialement le 26 novembre, doit rendre sa décision le vendredi 19 novembre à 14h.

L'Etat a adapté sa position après que le parquet a déclaré la semaine dernière qu'un blocage de trois mois pourrait être "disproportionné" au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Seul face aux deux avocats de Shein, le représentant de l'Etat a tenté de répondre aux attaques de la plateforme sur la recevabilité de l'action du gouvernement, et justifier la nécessité d'une suspension du site entier de Shein en France.

"En réalité, c'est la même mesure que celle que je vous demandais initialement, mais à l'envers", a déclaré Renaud Le Gunehec concernant le changement de sa demande de suspension.

"Si je devais résumer ce qui me semble être la position de Shein, c'est que Shein joue la vertu outragée", a-t-il dit en débutant sa plaidoirie.

Se concentrant sur la présence de poupées pédopornographiques ainsi que sur l'accès de mineurs à des objets pornographiques sur la plateforme pour vendeurs tiers de Shein, il a dénoncé "des choses qui sont intolérables".

"C'est une offre massive, ouvertement pédophile", sur "des dizaines de pages", a-t-il déclaré concernant les poupées, ajoutant que la présence de ces produits sur Shein n'était "pas un accident".

"On ne prétend pas être ici pour remplacer la Commission européenne", a-t-il défendu face aux arguments de Shein, qui conteste la recevabilité de l'action de l'Etat.

"CABALE"

"Notre client fait l'objet d'une cabale, d'une cabale médiatique, d'une cabale politique et je dirais même d'un traitement discriminatoire", a déclaré Julia Bombardier, accusant le gouvernement d'"instrumentaliser" le tribunal dans le cadre de son calendrier politique.

L'avocate a mis en avant la suspension volontaire, par Shein, de sa plateforme de marché, a argué de la "réactivité" et de la bonne conduite du groupe, et du faible nombre de contenus problématiques.

Kamia Haeri a attaqué la demande de l'Etat de confier à l'Arcom la vérification des mesures prises par Shein, jugeant que l'autorité n'avait pas de compétence en la matière.

"L'Arcom règlera tous les problèmes du gouvernement, c'est ce qu'on est en train de vous dire", a-t-il dit.

"C'est formidable d'être ministre, la parole est libre, le droit n'est pas une contrainte", a-t-il ajouté, jugeant les demandes du gouvernement "hors sujet" et "illégales".

Les deux avocats ont attaqué le sérieux de la démarche de l'Etat.

"FAR WEST"

Le gouvernement français a saisi la juridiction aux termes de la loi de 2004 sur la confiance dans l'économie numérique.

L'article invoqué, le 6-3, dispose que "le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire à toute personne susceptible d'y contribuer toutes les mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne."

L'Etat français a multiplié les procédures contre l'entreprise chinoise, dont l'ouverture à Paris, au grand magasin BHV, de son premier corner au monde a suscité la controverse.

"Trois mois, le temps de montrer qu'ils sont capables de contrôler ce qu'ils vendent sur cette plateforme", avait déclaré le ministre de l'Economie, Roland Lescure, sur France Inter la semaine dernière.

"Il faut que l'on mette fin au Far West numérique. Là on est dans un combat qui va être long", avait affirmé le même jour sur TF1 le ministre des PME et du Commerce, Serge Papin.

L'Etat a dit avoir élargi son investigation à d'autres plateformes d'e-commerce, telles qu'eBay et Temu.

Convoqués par trois fois à l'Assemblée nationale, les dirigeants de Shein esquivent pour l'heure leur rendez-vous devant les députés, à tel point que la présidente de la commission du développement durable et de l?aménagement du territoire, Sandrine Le Feur, a déclaré en début de semaine qu'elle saisirait la justice.

(Reportage Florence Loève, édité par Sophie Louet et Kate Entringer)

Reuters