Interview de Jacques Biton : Directeur général de Deinove

Jacques Biton

Directeur général de Deinove

Nous devrions mener certains de nos projets à terme pour qu'ils soient rentables à fin 2013-début 2014

Publié le 16 Février 2011

Deinove annonce pour son exercice 2010 une perte nette de 2,2 millions d'euros, comment expliquez-vous ces résultats ?
Deinove est une jeune entreprise innovante créée en 2006, qui produit des procédés biologiques. Il s’agit donc d’une société de chimie verte, et non d’une biotech. Autrement dit, notre horizon de développement n’est pas de 15 ans mais de 4 ans environ. Par ailleurs, nos pilotes industriels de bioéthanol ou de chimie verte nécessitent entre 2 et 3 millions d’euros d’investissement, nous avons donc largement de quoi les réaliser. Nos principaux objectifs sont la transformation de la biomasse végétale et la production de produits de chimie verte. Dès lors, en termes de retour sur investissement comme en termes de besoins financiers, cela reste limité par rapport à une biotech classique.

Par contre, nous sommes bel et bien une société de recherche et développement dont le but consiste à développer des procédés qui vont jusqu’à un stade de fermenteurs de petite taille (300 litres) ; au-delà, donc au niveau industriel (1000 à 5000 litres), nous n’avons ni les compétences ni les installations suffisantes. Notre modèle économique n’est donc pas celui d’un producteur mais d’un créateur de technologies vertes dont nous vendons les licences sur une base non exclusive, c’est-à-dire que nous vendrons une technologie pour laquelle nous recevrons de l’argent, puis nous recevrons X% des ventes du produit final.

Au total, 80% de notre argent nous sert à la recherche et développement, c’est ce qui explique que nous ayons une perte de 2,2 millions d’euros sur 2010, parce que tout l’argent que nous recevons, nous l’investissons dans la recherche. Cela étant, nous devrions mener certains de nos projets à terme pour qu’ils soient rentables à fin 2013-début 2014. Nous aurons alors dépensé seulement 20 millions d’euros en 3-4 ans, pour finalement vendre nos procédés industriels à hauteur de 10-12 millions d’euros par usine.

Mais les risques sont importants…
Il y a en effet un corollaire à cela, dans la mesure où nous sommes une société très innovante, les retours sur investissements peuvent être très importants, mais les risques de ne pas aboutir peuvent l’être aussi. C’est pourquoi nous développons trois grands projets : bioéthanol, chimie verte et antibiotique. Toutes les études d’analystes estiment à 30% les possibilités d’y arriver, contre 1% pour une biotech développant par exemple un produit contre le cancer.

Quel est l’état de la concurrence aujourd’hui ?
Nous sommes les seuls au monde à travailler sur les bactéries déinocoques pour transformer la biomasse, les autres sociétés travaillent sur des organismes génétiquement modifiés. Notre approche repose donc sur des procédés plus facilement acceptables en termes d’écologie et d’enregistrement, surtout en Europe. Dès lors, sur le bioéthanol, nous avons face à nous une quinzaine de concurrents de notre taille. Et sur la chimie verte, il y en a environ une trentaine…

Quels sont vos principaux partenaires à l’heure actuelle ?
Sur le bioéthanol produit à partir de biomasse, Deinol, nous travaillons avec le groupe Tereos, numéro 2 européen du sucre et du bioéthanol. A ce stade, nous sommes en train d’optimiser nos bactéries, de façon à ce que la souche qui sera conservée à la fin, voire les deux sur les quelles nous travaillons actuellement, rentre en pilote de 300 litres dès 2012.
Sur la chimie verte, Deinochem, nous travaillons sur des acides organiques servant à la fabrication de vêtements, plastiques, colorants etc. Nous sommes toujours au stade de la R&D, en phase de sélection des meilleures bactéries pour faire leur développement. On espère signer dans l’année 2011 un partenariat dans l’un de ces projets.
Quant aux derniers projets que nous avons, Deinopharma et Deinobiotics, il s’agit davantage d’une approche opportuniste : nous regardons actuellement s’il existe parmi nos 6000 bactéries, certaines souches capables de produire de nouvelles structures d’antibiotiques. D’ici la fin de l’année 2011, nous devrions avoir fait sur au moins une molécule un petit essai simple chez la souris pour voir s’il y a un intérêt ou pas et s’il sera envisageable de signer un partenariat dès 2012.

Avez-vous approché de grands acteurs énergétiques comme Total ?

Nous avons pour l’instant pris quelques contacts, mais nous essayons dans un premier temps de structurer et d’avoir plus de résultats scientifiques tangibles dans leurs domaines d’activité, pour y aller. Ce sera d’ailleurs tout le travail de notre nouveau business developper, Michael Krel, qui vient de chez Metabolic Explorer…

Nicolas Sandanassamy