Interview de Romain  Boscher : Responsable de la gestion actions chez Amundi

Romain Boscher

Responsable de la gestion actions chez Amundi

Nous pouvons espérer un rendement sur les actions européennes de 20% en 2015

Publié le 12 Décembre 2014

Quel bilan faites-vous de l’évolution des marchés actions en cette fin d’année ?
Le bilan est relativement bon. Nous avons été quelque peu surpris par l’ordre d’arrivée du quarté gagnant. Nous pensions fin 2013 que nous aurions une hiérarchie des performances : Europe, Japon, Etats-Unis, Emergents. Pour l’instant les Etats-Unis semblent tenir la tête du classement avec une performance de 13% même s’ils sont talonnés par le Japon-avec une progression de 12%- sur fond d’une nouvelle intervention de la Banque centrale japonaise.

La performance des actions européennes s’établit, quant à elle, entre 6% et 7% dividendes nets réinvestis.

Quelle lecture faites-vous de la performance décevante des actions européennes ?

Nous sommes restés cette année dans un marché gouverné par l’action des banques centrales dans un contexte économique morose. Or, la BCE a été plus virulente cette année dans sa communication que dans son action intervenue surtout en fin d'année.
Le marché a peu et tardivement anticipé l’effet d’aubaine que devrait présenter l’abaissement de la valeur de l’euro sur les comptes de résultats des sociétés européennes.

Vous êtes d’avis que le rattrapage des actions européennes est encore devant nous ?

Nous tablons sur une politique monétaire quantitative massive de la part de la BCE, comparable à celle conduite aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou au Japon. La Banque centrale devrait s’orienter vers les titres d’Etat au début de l’année prochaine eu égard à la poursuite de la diminution de l’inflation qui se dessine.
Ce stimulus supplémentaire devrait contribuer à déprécier davantage l’euro, et constituer en cela un coup d’accélérateur évident sur les profits des entreprises.

Le consensus table sur une parité euro dollar à 1.20. Qu’en pensez-vous ?

La fléchissement peut aller au-delà, d’autant plus si le quantitative easing décidé par la BCE s’inscrit dans la durée, ce qui est notre scénario. L’extension du bilan de la BCE de 1000 milliards d’euros mettra du temps. Nous escomptons une injection opulente de liquidité pendant plusieurs années. A ce jour eu égard au périmètre d’activité poursuivi, l’institution est en mesure de croitre son bilan de 5 milliards d’euros par semaine.
De manière tendancielle, l’euro a vocation à perdre encore 10% de sa valeur pondérée des échanges sur un rythme annuel et à participer ainsi à une hausse des profits de plus de 10%.

Un autre coup d’accélérateur sur les profits des entreprises réside dans l’amoindrissement des couts de refinancement sur les marchés financiers ?

Les entreprises commencent à tirer les pleines conséquences de l’amoindrissement des couts de refinancement. Toute émission d’obligations d’entreprises se fait de façon quasi systématique en dessous des 2%.
Plus que par un repli supplémentaire des taux qui devrait être marginal, les entreprises devraient surtout être soutenues par la diffusion de la faiblesse des taux. Cinq ans sont nécessaires pour une entière transmission sur les comptes de résultats au fur et à mesure des échéances.

Le fort repli du prix du baril de pétrole est un autre élément favorable pour les bénéfices des sociétés de la zone euro ?

La correction de 40% du pétrole en l’espace d’un an renforce indéniablement le pouvoir d’achat des ménages dans les pays abondamment importateurs de pétrole, typiquement les pays de la zone euro, et affaiblit les couts de base pour les entreprises.

Ceci étant il y a lieu de faire attention à l’effet décalé du recul du cours du baril sur les différents secteurs. La répercussion négative est plus rapide sur les profits des sociétés énergétiques que ne l’est la répercussion positive sur d’autres pans économiques très utilisateurs de pétrole. Ainsi la dégradation des comptes de résultats de Royal Dutch Shell, de Total, de BP devraient apparaitre bien avant l’amélioration des comptes de résultats de grands groupes industriels.
Dit autrement, l’affaiblissement du prix du pétrole est surtout un soutien pour les profits à moyen-long terme.

Escomptez-vous une durabilité de la faiblesse des prix du pétrole ?
Nous pensons que la faiblesse des prix devrait perdurer. Cependant nous n'envisageons pas un recul plus prononcé. La variable d’ajustement tient principalement aux nouveaux gisements de schiste aux Etats-Unis. De nombreux projets d’investissement peuvent être suspendus par manque de profitabilité à un cours du baril à 60 dollars. Ces suspensions ne devraient cependant pas être observées immédiatement dans la mesure où les gisements sont souvent de courte durée, d’environ 3 ans. Il n’y aura pas d’ajustements en temps réel immédiat.

Qu’attendez-vous au juste du coté de l’évolution des profits ?
Au troisième trimestre, nous avons eu pour la première fois depuis début 2010 une bonne surprise sur les résultats. Nous avons vu une inflexion. Le quatrième trimestre pourrait être négativement impacté par l’incidence du prix du pétrole sur les pétrolières et par des facteurs comptables exceptionnels dus à des mesures gouvernementales pénalisantes pour les profits bancaires. 2015 devrait cependant se dérouler sous de meilleures auspices.

Le consensus table sur une hausse des profits de 13%. Cela vous parait-il plausible ?
Non seulement cela nous parait plausible mais nous pourrions même nous retrouver avec des révisions en hausse.

Hormis l’embellie sur le plan des profits voyez-vous d’autres moteurs pour la revalorisation des actions européennes l’année prochaine ?
Un autre puissant moteur sera sans conteste l’injection de la massive liquidité des banques centrales dans un contextede faible inflation.

Quel principal risque identifiez-vous dans votre scénario central pour l’heure ?
Une entrée en déflation. Si l’on passe dans un scénario de déflation, nous aurons une contraction des multiples. Les investisseurs craindront d’être piégés par une tendance baissière des profits sur la durée.
Contrairement au scénario alternatif de 2011-2012 d’une explosion de la zone euro qui nous semblait peu crédible, nous évaluons la probabilité d’une entrée en déflation à 20%-30%. Nous pensons que nous sommes plus que jamais sous menace déflationniste. D’où l’impératif d’une action rapide et puissante de la BCE.

Les opérations capitalistiques pourraient-elles jouer un rôle plus influent sur le segment de marché en 2015 ?
Nous croyons que nous sommes au tout début de la période des opérations de fusion acquisition en Europe. Cela sera un levier supplémentaire non négligeable. La faiblesse des taux favorise les transactions.

Quelle revalorisation espérez-vous des actions européennes l’année prochaine ?
L’essentiel de la revalorisation viendra de la remontée des profits soit 13%. En ajoutant 2% d’expansion des multiples et 3% de dividendes, on peut espérer un rendement in fine de 20%.

De quelle manière pressentez-vous l’évolution de la volatilité ?
La volatilité est actuellement anormalement faible en raison de l’intervention des banques centrales. Elle a donc naturellement vocation à augmenter car le point de départ est trop bas. Les risques sont donc sous estimés.
Des mouvements erratiques sont vraisemblablement à attendre liés à des évènements sociaux et géopolitiques en relation avec l’Ukraine, l’Italie, la Grèce...
Nous avons tendance à recommander de détenir des positions longues de volatilité et de ne pas hésiter à être très tactiques.

Quelles thématiques jouez-vous en particulier sur le segment des actions européennes ?

Nous misons sur les sociétés européennes exportatrices. Dans cet environnement de taux bas, les rendements seront vivement recherchés par les investisseurs, ce qui milite pour également la thématique du versement des dividendes. Nous nous attachons aux dividendes soutenables en ligne avec la génération du cash flow, d’environ 3%.
Nous regardons aussi de près les valeurs qui bénéficient en tant que proie ou prédatrice des mouvements de restructuration à venir.

Propos recueillis par Imen Hazgui