Interview de Jeff Taylor : Responsable de l'équipe de gestion actions européennes du centre d'investissement d'Invesco à Henley

Jeff Taylor

Responsable de l'équipe de gestion actions européennes du centre d'investissement d'Invesco à Henley

Quelle allocation sur le marché des actions européennes en 2020 ?

Publié le 20 Décembre 2019

Pourquoi y a-t-il lieu de s’intéresser aux actions européennes décotées actuellement ?
Il y a en Europe un lien étroit entre le prix payé pour un investissement et le rendement généré sur 10 ans. Il faut alors aller là où se trouvent les meilleures valorisations.
Présentement, le segment le plus intéressant de ce point de vue est celui des actions décotées, autrement dit les actions « Value »

Ce pari a tardé a fonctionné cette année 2019. Quels catalyseurs éventuels percevez-vous pour 2020 ?
Ces catalyseurs sont multiples.

Tout d’abord, dans le compartiment des actions de croissance, très à la mode, de plus en plus de sociétés ont publié des résultats plutôt décevants souvent conduisant à des sanctions sévères en bourse. Nous pouvons mentionner les exemples d’Anheuser-Busch InBev, de Danone, ou encore de Unilever. Ces situations ont créé des fissures non négligeables dans les argumentations favorables au style croissance et remis en cause la confiance placée par les investisseurs sur ce type de valeurs.

A l’inverse, plusieurs sociétés émettrices d’actions décotées ont été en mesure de publier des bénéfices en ligne ou au-dessus des attentes. Tel a été le cas de Ryanair et de Maersk.

En outre, le différentiel de valorisation entre les actions décotées et les actions de croissance a atteint un niveau extrême cet été 2019. Nous avons touché un niveau supérieur à celui atteint, à la suite de l’éclatement de la bulle TNT en 2000, ou après la survenance de la crise financière globale en 2007 et la crise de la zone euro en 2012.
Ces 25 dernières années, chaque fois que le niveau de prime a touché un point haut similaire, un retournement de tendance s’est dessiné à la faveur des actions décotées. Il y a clairement eu trop d’exagération en termes de prime payée pour les actions perçues comme des valeurs « de refuge ».

Des considérations positives sont également à évoquer sur le front macroéconomique…
Nous pensons que les perspectives de croissance économique dans la zone euro en 2020 ont été trop révisées négativement. Nous identifions une série de raisons pour lesquelles les estimations établies, notamment pour la progression du PIB, pourraient remonter.

La vague de destockage très importante qui s’est matérialisée semble toucher à sa fin.

Même si nous pouvons nous interroger sur la personnalité du chef du gouvernement britannique, Boris Johnson, nous ne pouvons nier que sa victoire aux élections législatives a amené plus de clarté sur le dossier du Brexit. La probabilité d’avoir un « hard Brexit » a considérablement diminué. Ainsi, la pression exercée par la sclérose du Royaume-Uni sur l’économie de la zone euro devrait substantiellement s’amoindrir.

Le secteur des banques est traditionnellement très représentatif du segment des actions décotées. Quel est votre avis à propos des valeurs bancaires ?
La faiblesse des valorisations et la solidité plus importante que pressenti des business modèles des banques européennes militent pour un positionnement sur ces valeurs à condition de soigner son stock picking.
Par ailleurs les premières autorisations délivrées par la BCE pour réaliser des opérations de rachat d’actions est un facteur bénéfique supplémentaire. Ainsi cela a-t-il été le cas pour Unicredit en Italie.
Ces approbations attestent le fait que les bilans des banques sont plus sains qu’auparavant.

Le retournement en faveur de la « value » sur le marché des actions européennes, qui a débuté en septembre, pourrait donc perdurer l’année prochaine…
Effectivement, nous sommes d’avis que les prochains mois devraient continuer à se caractériser par un appétit pour les actions européennes décotées. La rotation enclenchée repose sur des considérations fondamentales justifiées.
Certainement nous aurons des fluctuations baissières. Celles-ci créeront des points d’entrée pour renforcer le positionnement dans le segment.

Quels risques pourraient venir compromettre la bonne tenue des actions européennes décotées ?
Des aléas géopolitiques, une recrudescence des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, un essoufflement plus prononcé qu’escompté de la conjoncture économique.

Avez-vous procédé à des ajustements dans votre processus d’investissement afin de faire face à des contrechocs éventuels ?
Nous sommes quasiment toujours entièrement investis sur le marché. Nous ne nous servons pas de produits dérivés pour nous couvrir. Cela étant, nous nous efforçons de maintenir une certaine diversification dans notre allocation de manière à diluer le risque. Ainsi nous ne sommes pas uniquement exposés à des titres cycliques ou des titres financiers. Nous n’hésitons pas à nous positionner sur des valeurs défensives qui présentent un niveau de valorisation très raisonnable. Aussi, la première ligne de notre fonds est actuellement Sanofi.

De quelle manière appréhendez-vous les sujets de liquidité et de volatilité ?

En ce qui concerne le sujet de la liquidité, le fonds est très sécure en raison d’une forte exposition aux larges capitalisations qui présentent un profil de valorisation particulièrement attractif.

La volatilité pourrait remonter pour divers motifs. Les ajustements apportés dépendent de la cause profonde du regain de volatilité constaté.



Imen Hazgui