Interview de Nicolas d'Hueppe : Fondateur et Président Directeur Général d'Alchimie

Nicolas d'Hueppe

Fondateur et Président Directeur Général d'Alchimie

Notre plateforme de vidéos thématiques à la demande est complémentaire de celles de Netflix et Amazon

Publié le 16 Novembre 2020

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter votre entreprise en quelques mots ?

Alchimie est une plateforme OTT (Over The Top) : sa raison d’être est de proposer un vaste catalogue de contenus vidéos à la carte, pour répondre aux nouveaux usages, le consommateur regardant désormais le contenu qu’il souhaite à la demande, quand il le veut, et sur le terminal de son choix. À ce jour, Alchimie distribue 55 chaînes thématiques originales et exclusives totalisant 300 000 abonnés payants, 60 000 heures de contenus et une soixantaine de distributeurs partenaires complémentaires. Notre entreprise compte par ailleurs actuellement 125 collaborateurs répartis en cinq bureaux établis en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et en Australie.


Pouvez-vous nous décrire un peu plus la singularité de votre concept ?

Nous surfons, comme Netflix et Amazon, sur la vague du cord-cutting, cette baisse irrépressible du succès des offres traditionnelles comprenant un très grand nombre de programmes via des abonnements globaux. Ce phénomène puissant est observable aux États-Unis comme en Europe, et encore renforcé par le contexte de pandémie que nous vivons. Dans ce contexte, notre plate-forme repose sur l’établissement de synergies entre trois types d’acteurs : des producteurs et ayant-droits de contenus vidéos (pouvant provenir, pour le coup, de chaînes traditionnelles), des marques ou des personnalités capables de drainer une audience, et des distributeurs partenaires (comme des fournisseurs d’accès, des fabricants de téléphone, etc.). Alchimie apporte l’expertise et l’infrastructure qui rend possible le tout.


Comment monétisez-vous les catalogues que vous distribuez ?

Du point de vue du modèle économique, les collaborations reposent sur une répartition à parts égales entre producteurs, marques et Alchimie : environ un tiers chacun, du montant de l’abonnement, les distributeurs étant rémunérés avec un pourcentage séparé. Pour vous donner une idée, le coût moyen de l’abonnement s’établit à 4,99 € par mois pour une chaîne. Un package de plusieurs chaînes étant proposé à 9,99 €, et certaines chaînes basées notamment sur des youtubeurs sur une base de 2,99 €.


Sur ce marché, ne craignez-vous pas la concurrence de très gros poissons comme Netflix, Amazon ou YouTube ?

Ce sont en effet des acteurs bien plus gros que nous ! Toutefois, nous ne prétendons pas nous substituer à eux, au contraire : nos catalogues sont complémentaires. Du côté de Netflix par exemple, qui évolue dans le même domaine que nous de contenus à la carte payants, nous nous positionnons sur du documentaire passions et des chaînes thématiques. Pour ce qui concerne YouTube, notre modèle se positionne dans le prolongement du leur. En effet, certaines des personnalités qui lancent des chaînes sur notre plate-forme bénéficient en amont d’une grosse communauté sur ce media gratuit. Elles vont ensuite, en créant un pont entre les deux ensembles, convertir une partie de leur audience en abonnés sur Alchimie en leur proposant des contenus plus pointus ou plus pertinents dans le prolongement de leurs propres vidéos YouTube. Alchimie représente, pour ces personnalités, un mode de rémunération premium attractif, et pour leur communauté de fans l’accès à un catalogue qualitatif et sans publicité. En somme, Alchimie est pour elles un outil de monétisation du trafic qu’ils génèrent.


Vous parlez d’un « cercle vertueux » pour décrire l’écosystème mis en place autour d’Alchimie. Pourquoi ?

Nous mettons en relation des acteurs qui ont tout à gagner à joindre leurs forces. Les producteurs, parce que le modèle traditionnel de la télévision est en train de péricliter, et peine à leur fournir les financements dont ils ont besoin. Et les marques, car puiser directement dans un catalogue de contenus déjà disponibles leur permet de se lancer à peu de frais et sans risque dans un domaine où le plus souvent elles n’ont pas d’expertise métier. Elles n’ont aucun besoin de produire, puisque les contenus existent déjà ! Par ailleurs, le modèle d’association rend les marques copropriétaires avec Alchimie des bassins d’abonnés de leurs chaînes. Du côté plate-forme, plus de chaînes signifie plus d’abonnés, donc plus de ressources pour en lancer de nouvelles. C’est là que se trouve le fameux cercle vertueux qui nous permet tout à la fois de renforcer nos relations de confiance avec les producteurs et ayant-droits, mais aussi de nous développer sur d’autres territoires et de convaincre d’autres distributeurs qui accroissent considérablement notre visibilité. Sans compter que pendant ce temps nous continuons à accroître nos catalogues de près de 2000 heures de contenus chaque mois.


Quels sont vos objectifs de développement pour les années qui viennent ?

Le rythme actuel de développement d’Alchimie parle de lui-même : nous ouvrons en moyenne une nouvelle chaîne par semaine. Fin 2022, nous disposerons de 210 chaînes comptant chacune environ 5000 abonnés. Et nous espérons en 2024 détenir plus de 600 chaînes en quatre langues nous ouvrant une vaste territoire : français, anglais, espagnol et allemand. De quoi viser plus de 3 millions d’abonnés d’ici 2024. En termes financiers, nous avons investi à ce jour 23 millions d’euros dans la plate-forme. Nous visons le point d’équilibre fin 2022 avec un chiffre d’affaires annuel de 58 millions d’euros dont l’objectif est de 150 millions d’euros en 2024. Tous les indicateurs à ce stade sont au vert, à commencer par deux dernières années consécutives de croissance de chiffres d’affaires : + 83 % en 2019, et + 56 % en 2020.


Pour quelles raisons entrez-vous en bourse aujourd’hui ?

Par l’introduction en bourse d’Alchimie, lancée le 10 novembre, nous cherchons à lever un peu plus de 20 millions d’euros pour soutenir le développement de l’activité. Concrètement, il ne s’agit pas pour nous de nous mettre à produire du contenu. Mais, pour l’essentiel, de chercher une croissance organique qui nous permettra de nous implanter durablement sur de nouveaux territoires stratégiquement essentiels comme celui des États-Unis. Nous envisageons aussi d’avoir recours à de la croissance externe. Il existe en ce moment à ce sujet des opportunités que nous surveillons attentivement. Mais avant tout, il s’agit pour Alchimie de s’affirmer comme un acteur international de son marché.


Pour conclure, quelles sont les raisons qui vous poussent à croire au développement d’Alchimie sur le long terme ?

Tout d’abord, le modèle économique même d’Alchimie. Nos coûts fixes étant mesurés, la multiplication des chaînes et notre développement sur de grands bassins linguistiques alimentera la croissance future. Par ailleurs, l’expertise d’Alchimie aujourd’hui est unique. Cette avance et la qualité des partenariats que nous avons nouée nous rendent confiants en l’avenir.

Aymeric Jeanson