Interview de Stéphane Ragusa : Interview du fondateur et PDG de Predilife

Stéphane Ragusa

Interview du fondateur et PDG de Predilife

Qui refuserait un moyen sûr de prévoir l'apparition d'un cancer ?

Publié le 19 Novembre 2020

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre société Predilife ?

Pour le dire avec des mots de tous les jours, j’ai fondé Predilife en 2004 sur un postulat : chercher à prédire le futur pour éviter certaines conséquences fâcheuses. Dans notre domaine d’application, celui du médical, ces conséquences fâcheuses sont des pathologies lourdes et parfois fatales comme les cancers. Predilife s’est donc construit sur la volonté de mettre au point des méthodes basées sur des modèles mathématiques pour évaluer le risque et anticiper. Ce qui, pour un genre de maladies qu’on ne soigne bien qu’en les décelant le plus tôt possible, représente une véritable révolution : la prédiction permet en effet d’agir efficacement, avec un fort niveau de gain médical et un moindre coût. Predilife base son modèle sur la méthode statistique des voisins : une approche innovante qui évalue, sur un nombre de personnes présentant des caractéristiques semblables, combien d’entre elles ont développé la maladie. Bref, nous puisons en quelque sorte dans l’histoire de quoi prédire le futur.

Votre dispositif Mammorisk concerne la détection du cancer du sein. Pouvez-vous nous le décrire ?

La première méthode que nous avons mise au point, Mammorisk, concerne en effet le cancer du sein. Une maladie qui touche une femme sur huit et cause environ douze mille décès annuels en France. Comme l’infarctus, c’est une pathologie qui tue beaucoup de personnes relativement jeunes. Concrètement, notre fournissons au médecin partenaire notre dispositif sous la forme d’un logiciel, d’un questionnaire et d’un test salivaire. Une fois la densité mammaire de la patiente évaluée, le questionnaire rempli et le prélèvement effectué, c’est l’institut Curie qui est chargé d’analyser les résultats génétiques. Quand ceux-ci sont disponibles, ils sont intégrés dans le logiciel qui produit alors un résultat prédictif. Au médecin ensuite, en fonction de ces conclusions, d’adapter au mieux la méthode de suivi de la patiente.

Existe-t-il des solutions concurrentes proposées sur le même domaine de spécialité que le vôtre ?

Si l’on parle bien de tests qui ne s’adressent pas à une population déjà identifiée comme à très haut risque, le terrain est vierge. Aujourd’hui, l’expérience commune montre que nous ne savons pas vers quoi nous nous dirigeons en termes de risques de cancer. Mammorisk a pu construire son efficacité grâce à l’accès à de multiples base de données comme celle de l’INSERM en 2008, constituée de 100 000 femmes, ou celle de l’INCA en 2015 concernant 300 000 femmes âgées de 50 à 74 ans. L’accès à ces informations, grâce au modèle mathématique et à l’intelligence artificielle, nous a permis de tester et de qualifier notre méthode pour faire de nous les pionniers de la médecine prédictive. Quant à la reconnaissance institutionnelle de Mammorisk, elle s’est trouvée encore renforcée par notre implication dans l’étude MyPeBs financée par l’Union Européenne et destinée à envisager le futur des méthodes de dépistage du cancer du sein.

À quel stade développement se trouve actuellement Mammorisk ? Qu’envisagez-vous comme perspectives à moyen terme ?

En raison du gain médical déjà évoqué, le cancer du sein présentait une forme d’évidence pour mettre au point la méthode. C’est désormais chose faite, et nous nous attelons à présent à la commercialisation de notre dispositif : prospection de nouveaux centres médicaux partenaires, formation des médecins à notre outil et diffusion dans d’autres pays. En raison du coût unitaire du test, aujourd’hui déjà partiellement pris en charge par les mutuelles, nous envisageons une diffusion progressive en France. Nous sommes à ce jour présents dans vingt-neuf centres spécialisés en Europe, principalement en France, Belgique et Italie. Par ailleurs, autre axe majeur de développement, nous souhaitons nous diversifier en lançant de nouveaux dispositifs permettant de prédire d’autres pathologies. Une fois la technologie en place, il ne coûte en effet pas plus cher lors de l’analyse des données de chercher les marqueurs d’une ou de cinquante maladies. Un deuxième dispositif sera donc commercialisé en 2023, et un troisième en 2024, renforçant encore notre positionnement.
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La nouvelle augmentation de capital de 2 millions d’euros que vous engagez aujourd’hui, après celle de 3,6 millions en 2018, sert-elle cette double stratégie ? Quels sont vos objectifs ?

Tout d’abord structurer et étendre la commercialisation de Mammorisk pour faire de Predilife le leader européen de l’évaluation du risque du cancer du sein. Nous avons démarré en 2020 la phase de commercialisation du produit, que nous diffusons en direct. Notre ambition : 1000 tests vendus en 2021 en Europe, 10 000 en 2022 et un rythme annuel de 100 000 à partir de 2023. À titre indicatif, la marge brute unitaire s’établira alors selon nos prévisions à 100 €. Géographiquement, nous voulons nous implanter durablement en Allemagne, en Angleterre et en Suisse avec la même stratégie : s’adresser d’abord aux centres médicaux spécialisés, puis diffuser peu à peu vers des partenaires médicaux implantés localement.

En quoi votre offre est-elle pertinente en ce moment ?

Tout d’abord, la méthode Mammorisk est validée et reconnue, sa maturité établie. La situation de notre entreprise est saine, son modèle économique à fort potentiel : augmentation mécanique des marges, investissements de développement déjà réalisés, accroissement prévisible de la clientèle, nouveaux dispositifs médicaux envisagés… Tous les feux sont au vert. Côté commercialisation, Mammorisk, a déjà commencé à prendre son essor. Reste la question de l’accroissement de sa vitesse de diffusion. Le succès, lui, est à mon sens inéluctable car ce dispositif est voué à terme à intéresser tout le monde. Car il répond à un besoin évident : qui aujourd’hui refuserait un moyen sûr de prévoir l’apparition d’un cancer ?

Aymeric Jeanson