Interview de Christophe Brunot : Introduction en bourse

Christophe Brunot

Introduction en bourse

Le véritable smartphone écoresponsable, c'est celui qu'on ne fabrique pas !

Publié le 12 Avril 2021


 Pourriez-vous commencer par nous présenter LARGO en quelques mots ?


LARGO est une entreprise créée en 2016 et spécialisée dans le reconditionnement de smartphones, tablettes et laptop. Elle se distingue notamment par une double stratégie d’approvisionnement. D’une part nous achetons des produits via le marché des « brokers », aux États-Unis et en Europe. Mais nous reprenons aussi d’autre part des mobiles provenant de parcs d’entreprises ou de particuliers, ou d’autres canaux que sont les places de marché, la distribution ou les opérateurs. Ce double circuit d’approvisionnement associant « brokers » pour 80 % de notre activité et « buy back » pour 20 % s’avère très complémentaire. L’économie circulaire est la base du modèle, permettant la vente de produits d’une qualité certifiée, nantis d’une garantie de base de 12 mois, à des prix de l’ordre de la moitié du neuf. Pour faire bref, voici la photo de l’entreprise en 2020 : 41 collaborateurs, un chiffre d’affaires de 10,3 millions d’euros, 2 000 points de distribution et 46 500 produits reconditionnés dans l’année en dépit de l’effet Covid.

 Le marché sur lequel évolue votre entreprise semble en plein boom. Est-ce une impression ou une réalité ?

Le marché du smartphone reconditionné représentait en France 2,6 millions d’appareils et 700 millions d’euros en 2020. La croissance moyenne annuelle du secteur estimée jusqu’en 2023 est de 13,6 %. Logique, car la part du reconditionné dans les ventes de smartphones augmente en permanence. Elle était de 14 % en 2020, renforcée par l’absence de ruptures technologiques dans les dernières générations d’appareils, un prix de vente neuf en constante augmentation et une recherche de positionnement haut de gamme chez la plupart des constructeurs. Sur le marché du reconditionnement, les clients cherchent un comportement écoresponsable sans rogner sur la qualité du produit.

 Vous parlez d’une garantie attribuée à chaque produit vendu. Le concept même de reconditionnement nécessite la confiance du client final. Comment l’entretenez-vous ?

D’abord par un très haut niveau de maîtrise des trois piliers de notre métier : sélectionner des produits, les reconditionner puis les distribuer via une stratégie omnicanale. Le sourcing s’effectue d’abord de manière extrêmement rigoureuse, en cherchant la diversification des sources d’approvisionnement afin d’éviter les ruptures de flux. Ensuite, quand on parle de reconditionner, on dit beaucoup avec un seul mot : nous appliquons un process industriel très précis destiné à vérifier les appareils et réaliser les réparations éventuelles. Pour vous donner une idée, reconditionner un smartphone c’est exécuter 123 tests différents pour un temps moyen de 45 minutes ! Ce que nous cherchons en priorité, c’est à maîtriser la qualité sur l’ensemble de la chaîne de valeur. C’est notre seule manière de concevoir la relation avec le client : dans la confiance. Celle-ci est renforcée par une plate-forme SAV de haut niveau basée elle aussi en France et dotée d’un engagement d’immobilisation maximale de 72h que nous sommes les seuls à proposer. Une interface couplée à notre ERP permet à tout moment au client de savoir exactement où en est l’opération.

 Existe-t-il aujourd’hui une manière de vous distinguer sur ce terrain essentiel de la relation de confiance avec le client ?

Nous pensons que la clé de la confiance, c’est la transparence. Et nous y travaillons très sérieusement. De façon concrète, nous préparons un aménagement des process existants pour envisager une vente de smartphone avec le même sérieux que la cession d’une automobile. Pour cela, nous préparons par exemple la mise en place d’un outil de vidéo à 360° pour rendre compte de l’état exact de l’appareil, et d’un rapport de test qui soit compréhensible et accepté par tous via un QR Code. Ce sont des ruptures à venir dans l’expérience client montrant clairement notre volonté de transparence.

 Pour mettre les pieds dans le plat, ne parle-t-on pas là de produits générant un impact très néfaste sur l’environnement ?

Absolument, et c’est pourquoi un modèle comme le nôtre est par nature vertueux. 75 % de l’empreinte carbone d’un smartphone est imputable à sa fabrication. Le smartphone le plus écoresponsable, c’est donc celui que l’on ne fabrique pas ! Un autre engagement extrêmement fort de LARGO, c’est le localisme. L’entreprise est située à Nantes, et l’ensemble du process de vérification et de reconditionnement se déroule là-bas. C’est d’ailleurs un élément très important dans le positionnement de nos offres et les discussions que nous menons avec nos clients partenaires. Les engagements des opérateurs télécoms notamment favorisent une politique environnementale qui offre de fait une belle place au reconditionnement réalisé en France.

 La politique RSE de LARGO porte-t-elle aussi l’empreinte de ce souci de l’environnement ?

Elle se veut bien sûr ambitieuse en la matière. D’abord dans le modèle même de l’économie circulaire et du process industriel durable : nous concevons par exemple en ce moment une solution d’écoemballage biodégradable, recherchons des partenariats avec des entreprises environnementales et sociétales et sommes engagés dans la démarche de labellisation RSE Lucie 26000. Mais ce souci s’exprime aussi par une gouvernance transparente et une politique RH proche des équipes et compétitive. La note ESG attribuée à LARGO est de 48/100, largement supérieure à la moyenne des entreprises de sa taille. Et nous entendons bien continuer à nous améliorer !

 Quelle est la spécificité de LARGO par rapport ses concurrents ?

LARGO répartit son chiffre d’affaires à l’inverse de ce que font les autres acteurs du marché : 77 % côté distribution et 23 % côté place de marché. Nos concurrents privilégient eux le canal place de marché et ont tendance à négliger les points de vente physiques. Notre intuition et une part de notre ADN résistent à cette conception. Nous avons commencé à structurer notre activité autour de clients partenaires qui ont cru dans notre modèle et encouragé la croissance de LARGO : Leclerc, Cora, Fnac, SFR, Système U, Digicel… Autant de points de vente et de réseaux complémentaires représentant un énorme levier de croissance. Il suffit de se rappeler qu’Orange prévoit en 2025 de vendre 10 % de ses smartphones en reconditionnement ! Cela représente un sérieux appel d’air pour nous, surtout si nous continuons à consolider notre positionnement retail. Pourtant, nous n’en négligeons pas pour autant la commercialisation B2C sans intermédiaire. Notre site internet www.rilaxmobile.fr aura une V2 en juin 2021, puis sera déployé en Allemagne en 2022. Nous envisageons ensuite de nous développer en Italie, en Espagne et au Portugal.

 Quels est votre stratégie de croissance à moyen terme ?

LARGO est en phase d’accélération continue depuis 2016. Signe fort que notre business model est pertinent, aucun de nos clients partenaires ne nous a jamais quittés ! Depuis 2017, notre taux de croissance annuel moyen est de 18 % et nous visons la place de leader français du reconditionnement. La capacité actuelle de notre atelier est de 20 000 produits par mois. Nous souhaitons la porter à 40 000 de façon à pouvoir répondre à la hausse attendue de l’activité et viser un chiffre d’affaires de l’ordre de 50 millions d’euros, une marche vers notre objectif d’un CA de 70 millions d’euros pour 2025. Notre stratégie pour les années à venir s’appuie par ailleurs sur deux axes : consolider et déployer. Consolider, car nous devons fidéliser nos distributeurs actuels, recruter de nouveaux clients de premier plan en France et à l’international et renforcer nos capacités commerciales. Déployer, car nous souhaitons accélérer notre croissance en nous imposant comme un partenaire-clé auprès des opérateurs, mettre en place dans les meilleurs conditions possibles notre nouveau canal de vente e-commerce et développer notre offre B2B, notamment via notre dispositif Blue Pearl destiné aux entreprises.

 Quels objectifs spécifiques poursuivez-vous avec votre l’opération boursière engagée le 7 avril 2021 ?

Notre objectif boursier de lever 20 millions d’euros est d’abord destiné à nous permettre d’investir dans le déploiement d’un modèle qui a fait ses preuves : recrutement, marketing, infrastructure, financement du BFR… Et puis cette opération nous permet de sortir de l’ombre et de rechercher la lumière. Après avoir éprouvé la pertinence et la solidité de notre business model, nous souhaitons nous faire connaître du grand public. C’est le grand avantage d’une opération boursière par rapport à une stratégie de renforcement via des business angels que nous avons expérimentée dans les débuts de LARGO. Nous sommes le premier acteur du reconditionnement à se lancer en bourse, ce n’est pas rien. Une manière de d’appliquer encore notre objectif primordial de transparence !




Interview de Christophe Brunot, PDG de LARGO
Propos recueillis par Aymeric Jeanson

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