Interview de Pierre Alix Binet, LBP :  Responsable des affaires institutionnelles et règlementaires

Pierre Alix Binet, LBP

Responsable des affaires institutionnelles et règlementaires

Qu'est-ce que la durabilité ?

Publié le 12 Septembre 2023



La réglementation européenne impose, au-delà des objectifs financiers et de la situation financière de ses clients, de prendre en compte leurs préférences en matière de durabilité.

Qu’est-ce que la durabilité ?

Globalement, le concept de « durabilité » est synonyme de « développement durable ». La définition est connue : il s’agit d’un mode de développement dont l’objectif est de répondre aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs.

Le concept de « durabilité » est synonyme de « développement durable »

Derrière cette notion de durabilité, il y a la conviction de la nécessaire prise en compte des dimensions environnementales et sociales dans les activités économiques et inversement.
Et dans ce contexte, la finance a un rôle à jouer pour transformer les modèles économiques : c’est un enjeu clé de l’Accord de Paris et de la stratégie de l’Union européenne pour réaliser son objectif de neutralité climatique d’ici 2050.
Pour ce faire, plusieurs règlementations européennes dans le domaine de la durabilité ont récemment été adoptées ou sont sur le point de l’être.

Qu’est-ce que la taxonomie européenne ?

Texte important parmi ces règlementations, le règlement européen « Taxonomie » du 18 juin 2020 met en place une taxonomie environnementale des activités économiques, c’est-à-dire un système de classification des activités durables en utilisant des critères scientifiques.

La taxonomie doit contribuer substantiellement à au moins un des 6 objectifs environnementaux

Pour qu'une activité économique soit considérée comme durable, la taxonomie doit contribuer substantiellement à au moins un des 6 objectifs environnementaux suivants : l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique, l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et la réduction de la pollution, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Par ailleurs, pour qu’une activité économique soit considérée comme durable, il faut :
- Qu’elle soit exercée dans le respect des garanties minimales en termes de droits de l’Homme et du travail
- Et qu‘elle soit conforme aux critères d’examen technique fixés par la Commission européenne

Une liste d’activités économiques a déjà été établie

Une liste d’activités économiques a déjà été établie, avec les critères d’examen technique à respecter pour que l’activité soit considérée comme durable. Dans cette liste figurent notamment la sylviculture ou la production d’électricité à partir de l’énergie solaire, géothermique ou éolienne.

Qu’est-ce que les investissements durables au sens du règlement SFDR ?

Autre texte important, le règlement SFDR (pour Sustainable Finance Disclosure Regulation), adopté en novembre 2019, établit des règles harmonisées de transparence en matière de durabilité dans le secteur des services financiers. L’objectif : faciliter l’orientation des flux financiers vers des placements plus responsables et durables.
Le règlement SFDR donne un cadre de définition des investissements durables. Un investissement durable est un investissement dans une activité économique qui :

 Il existe un cadre de définition des investissements durables

- Contribue à un objectif environnemental ou social (sur le volet environnemental, nous parlons d’utilisation efficace des ressources, de production de déchets, d’émissions de GES, d’effets sur la biodiversité ou d’effets sur l’économie circulaire. Sur le volet social, nous parlons de favoriser l’intégration sociale, la cohésion sociale ou la lutte contre les inégalités)
- Pour autant que ces investissements ne causent pas de préjudice important à aucun de ces objectifs (c’est le principe du « Do Not Significant Harm »)
- Et que les sociétés dans lesquels les investissements sont réalisés appliquent des pratiques de bonne gouvernance

Qu'est-ce que les principales incidences négatives ?

Déclinées au sein de la réglementation SFDR, les principales incidences négatives (aussi appelées PAI pour Principal Adverse Impact) sont définies comme les "effets négatifs, importants ou susceptibles d'être importants sur les facteurs de durabilité qui sont causés, aggravés par ou directement liés aux décisions d'investissement et aux conseils fournis par l'entité juridique".

Les PAI sont les impacts négatifs causés

Autrement dit, les PAI sont les impacts négatifs causés par un acteur du marché financier ou son produit financier sur l'environnement et la société. Ils couvrent une gamme d’indicateurs ESG, tels que les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau, la gestion des déchets, les droits humains, la diversité et l’inclusion, la rémunération des dirigeants, la corruption, etc.

Ces préférences sont censées être prises en compte à travers un questionnaire de durabilité. De quoi s’agit-il au juste ?


Depuis le 2 août 2022, les conseillers financiers ont l'obligation d’interroger leurs clients sur leurs préférences en matière de
durabilité, c'est-à-dire sur la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux de leurs placements.

Le questionnaire prend en compte les enjeux environnementaux et sociaux des placements

Ces nouvelles questions viennent compléter celles déjà posées dans le cadre du profil de risque.



Quel intérêt pour l'épargnant cette prise en compte des préférences en matière de durabilité apporte-t-elle ?

L’intérêt est de répondre à un paradoxe de plus en plus prégnant. Une enquête réalisée par l’IFOP en août 2022 pour le Forum de l’Investissement Responsable montrait que :
- 60% des Français déclarent accorder une place importante aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements

Deux intérêts au moins peuvent être identifiés : 
-accompagner de manière plus structurée
-proposer une gamme davantage étoffée en matière de durabilité 

- Pourtant seuls 8% de ces épargnants déclarent s’en être vu proposer
- A noter aussi : Pour 67% des épargnants, le conseiller bancaire reste l’intermédiaire le mieux placé pour les informer sur le sujet de l’ISR
Cette règlementation va permettre progressivement aux épargnants d’être accompagnés de façon plus structurée. Nous pouvons également espérer que les acteurs financiers proposeront progressivement une gamme davantage étoffée en matière de durabilité, pour que les conseillers financiers ne soient pas pris de court face aux clients.



« Cet article ne doit en aucun cas s'apparenter à une recommandation d'acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Il n’a aucune valeur contractuelle et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement.
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Propos recueillis par Imen Hazgui